Brun aux yeux noirs, Seán n'a rien d'un irlandais. Il aurait plutôt des airs italiens, tout le monde pourrait y croire. Toujours tiré à quatre épingles, Seán tient à être le plus beau des gendres idéaux. Son sourire mutin se cache derrière une barbe de trois jours parfaitement bien taillé et ses traits fins n'ont nulle autre utilité que de charmer la première personne venue. Il adore les costumes, les chemises, la classe que ce genre de vêtements lui procure... Il s'entretient beaucoup, est très musclé et ne passe pas une semaine sans faire du sport.

Manipulateur et orgueilleux, la vraie personnalité de Seán n'a rien à envier à celle qu'il se donne en société. Il masque ses émotions à la perfection et sait très bien mentir. Impulsif, c'est un garçon plein de surprises. Il fera tout et n'importe quoi pour attendre son but. Fin stratège, il déborde d'imagination pour ne jamais se faire avoir. Véritable caméléon, il sait jouer ce qu'il veut absolument tout le temps. Mieux vaut ne pas se fier à sa gueule d'ange, il se pourrait que vous y laissiez quelques plumes.

Originaire de la banlieue de Belfast, né en 1990, Seán Ó Ceallaigh a eu, somme toute, une enfance banale, rythmée par des rires, des jeux, des goûters entre amis, des bagarres amicales, de la musique, de bons souvenirs. Rien n'aurait pu laisser imaginer le futur que ce jeune garçon des nineties allait connaître... Ses quinze premières années de vie ne furent marquées de rien d'extraordinaire, il était entouré de gens qui l'aimaient et qu'il aimait.

A l'aube de sa quinzième année, il découvrit la part d'ombre de son père, le jour même où ce dernier mourrut devant ses yeux.
Une balle entre les deux yeux, en silence. Un sniper sur un toit d'ardoise.
Leur promenade dominicale avait tourné au cauchemar, et Seán avait alors compris qui était vraiment son géniteur. Des hommes armés, vêtus de noir, s'étaient rapprochés d'eux, alors que la foule s'agglutinait autour du corps sans vie du quadragénaire. Ils prirent l'adolescent à part, sans que personne ne le remarque, et lui expliquèrent ce que son père avait fait, la trahison réalisée à l'égard de l'IRA. Il était un de leurs agents, un homme de la mafia, un ripou. Seán était loin, très loin d'imaginer une chose pareille. Il ne pouvait pas y croire. Jamais son père n'aurait fait cela, et il en aurait parlé autour de lui. A lui, il l'aurait dit.

Les semaines qui suivirent se résumèrent à détester tout le monde qui l'entourait, essayer de comprendre pourquoi son père ne lui avait jamais rien avoué, et tenter de ne pas s'embourber dans cette toile infernale vaseuse.
Jamais il ne ferait les mêmes erreurs que son père.
Seulement, l'homme avait des dettes. Et quelqu'un devait les rembourser.
A dix-sept ans, Seán n'eut d'autre choix que de suivre ses traces, à contrecoeur. Les parrains menaçaient de s'en prendre à sa famille, de tout dévoiler et de le faire passer pour coupable. Ce qu'ils avaient maquillé en une banale balle perdue, à un homme qui était là au mauvais endroit au mauvais moment, ils pouvaient désormais le dévoiler comme ils voulaient à la mère de Seán, ce que le jeune homme ne voulait absolument pas. Sa mère en souffrirait trop, elle en mourrait. Et sa petite soeur, jamais elle ne lui pardonnerait. Il s'engagea donc à la suite de son père, reprenant les affaires laissées en suspens, payant les dettes de sa famille. Lui qui n'avait jamais encore pensé à ce qu'il voulait faire dans la vie, voilà que son avenir était tout tracé pour lui. Il allait devenir un agent immobilier hors pair, sous couverture. Le but serait de traquer des richissimes personnes d'un certain âge, pour réussir à les approcher, les charmer et leur soutirer leur argent, leurs bijoux, leurs objets de valeur. Seán n'y connaissait fichtre rien, mais il n'avait pas le choix... et c'est à reculons qu'il accepta cette offre et s'enlisa dans la panade...

Dix ans plus tard, Seán connaissait toutes les ficelles des deux mondes : d'un côté, il était un promoteur immobilier hors paire, arrivait à faire de réelles affaires dans le milieu, se mettait dans la poche une clientèle fournie et riche ; de l'autre, il excellait dans l'art de voler les vieilles dames qui lui accordaient leur confiance. Il avait acquis une expérience inouie et ravissait ses chefs, qui lui donnaient toujours plus de pistes à suivre. Il était devenu lui-même extrêmement riche, s'occupait de sa mère et de sa soeur, et pouvait même chouchouter sa copine... Sa magnifique petite amie... mais également sa complice. C'était avec elle qu'il faisait tous ses coups. Parfois, il s'agissait juste pour elle de détourner l'attention des personnes pendant que Seán s'occupait de voler les biens. D'autres fois, ils entraient carrément par effraction la nuit, tous les deux, dans les maisons visées. Seán l'aimait plus que tout, et il la suivrait jusqu'au bout du monde. De vrais partners in crime.

Seulement, dernièrement, une des affaires avait mal tourné. Seán était sur un gros coup, une femme qu'il connaissait depuis un an et demi à l'époque, pour laquelle il avait trouvé la maison parfaite, dans laquelle il avait passé des heures à visiter chaque recoin, en tant que promoteur, mais également en tant que cambrioleur... Il connaissait tout, c'était le casse du siècle en quelques sortes. Il avait briefé sa copine, ils étaient prêts.
Le soir du cambriolage, Seán fut le premier à arriver sur les lieux, comme prévu. Il s'introduisuit dans la gigantesque maison pour sécuriser chaque pièce. La vieille dame dormait à poings fermés. Tout se passerait très bien, il n'y avait aucune raison que le plan ne foire. Cependant, le plan foira bien.
La vieille riche se réveilla et entendit Seán. Il eut beau se cacher, elle avait vu son visage, et lorsque sa partenaire entra dans la maison, elle se fit remarquer directement par la nouvelle propriétaire... Seán prit la décision brutale d'assomer la vieille, mais le coup partit trop fort et la tua sur le coup, laissant dans le sillage de son corps une immense mare de sang qui les fit fuir.

Le lendemain matin, Seán était dans un avion, avec sa partenaire. Un long courrier qui les menait vers Toronto, où ils seraient en sécurité, loin de la ville qui les avait vus naître et grandir. La police de Belfast les recherchait activement, en vain, et ils acquirent de nouvelles identités, gracieusement payées par la mafia irlandaise. Seán prit donc son prénom et son nom anglais, John Kelly, en débarquant à Toronto, et retrouva un job d'agent immobilier dans une agence un peu plus restreinte que l'agence luxueuse qu'il connaissait auparavant. Peu importait, il avait acquis et gardé pas mal d'argent de Belfast, et il gardait pour lui tout le surplus qu'il arrivait à voler, envoyant le minimum syndical aux parrains. Il était temps de se faire oublier un peu et de ne pas avoir la folie des grandeurs. Le temps de sa suprémacie reviendrait, mais d'abord, il devait penser à lui... et à elle...