Les yeux d’Ella s’agrandirent comme des billes. Elle allait trop vite en besogne, elle croyait déjà que Jon et moi, c’était du sérieux. Il n’en était rien, bien au contraire. J’attendais encore que l’un d’entre nous deux fasse le premier pas. J’étais prête à attendre longtemps, mais Jon prenait vraiment son temps. Ça viendrait. Je sentais que ça allait venir plus tôt que je ne le pensais ! Je l’espérais, en fait ! Quand Ella me demanda implicitement si nous avions couché ensemble, je hochai la tête de gauche à droite, pour lui répondre. Non, nous n’avions rien fait. Et ce n’était pas grave. Jon m’avait dit que nous ne ferions rien ce soir-là… et en y réfléchissant, je ne l’aurais pas voulu non plus.

- Mais c'est bien tout ça ! Et ? Maintenant il se passe quoi ? Vous avez arrêter de vous courir après ? Vous êtes dans la séduction ?

Que répondre à cela ? Je haussai les épaules, sans rien trouver à répondre, dans l’immédiat. C’était étrange en y pensant bien. Nous n’étions pas dans la séduction, c’était comme avant, mais avec une dimension supplémentaire. Nous étions bien plus proches, mais je n’étais pas à deux doigts de lui sauter dessus tout le temps non plus. C’était étrange.. J’espérais que la situation change rapidement, néanmoins. Je voulais que l’on avance. Et vite !

- Je sais pas comment on peut décrire ça. Je pense qu’on attend chacun que l’autre fasse le premier pas. J’attends, personnellement, j’attends. Je ne sais pas si je suis prête à être celle qui avance en premier. Tu sais… par rapport au passé… et je sais que je devrais pas hésiter, mais c’est… un peu compliqué !

Avec un peu de chance, peut-être que Jon pourrait avancer, faire le premier pas. Ce n’était pas que je ne voulais pas le faire, mais j’avais peur de m’être encore trompée, alors que pourtant, c’était clair comme de l’eau de roche. Il fallait que ce soit lui qui le fasse. Je ne serais pas capable, en réalité. Matthew avait beau ne plus être là, il tenait toujours une force incroyable sur moi. Je n’aimais pas ça, mais avais-je le choix ?

- Ce n'est pas toi qui me disait que les hommes aime que nous prenions les devant ?

Evidemment, Ella avait raison. Je donnais des conseils, mais je n’étais pas capable de me les prodiguer et de les suivre. C’était idiot, mais je préférais pousser les autres à se dépasser plutôt que le faire moi-même. Ce n’était pas pareil, toutefois. Ella n’avait pas connu de « grand amour » comme je l’avais fait. Et puis Jon n’était pas du tout pareil. Vraiment pas !

- Ne perdez pas trop de temps tous les deux.... c'est bien d'être amoureuse....

Je souris en hochant la tête. Je savais combien c’était bon d’être amoureuse. J’adorais ça. Mais je n’avais pas envie de me tromper. Même si j’étais attirée par Jonathan je ne voulais pas non plus nourrir de faux espoirs ou de faux sentiments. C’était aussi pour lui que je faisais ça. Pour ne pas qu’il souffre trop, si jamais ça ne fonctionnait pas.

- On fera de notre mieux, promis !

Je la regardai en souriant. Elle était ailleurs. La chanceuse, elle avait de la chance d’être tombée sur un homme plus simple à comprendre que Jonathan. Je n’étais pas mécontente toutefois, Jonathan était quelqu’un de bien. Et les enfants l’adoraient déjà, c’était une étape en moins.

- Ne tardez pas trop à avancer dans votre histoire, David et toi ! Je t’ai déjà dit que c’était un voyageur… fais le rester ici !

Le thème que nous abordions Ella et moi n’allait certainement pas lui plaire. Mais il ne me plaisait pas non plus. Je disais juste que je connaissais la douleur d’être séparée de l’homme que l’on aime. Que ce soit pour quelques semaines ou pour toujours. Elle devait s’y préparer, même s’il ne repartait pas. C’était une option qu’elle ne devait pas négliger, parce qu’elle serait toujours possible. Je ne lui souhaitais pas, vraiment pas. Je n’avais envie de la ramasser à la petite cuillère.

- Comment faire ? Franchement si il veut partir il partira il est libre de faire ce qu'il veut et de reprendre sa route... Bien sur je ne le veux pas du tout, mais....

Je sentais tout le mécontentement qu’elle mettait dans sa voix. Non, définitivement, il ne fallait pas que David reparte. S’il faisait ça, elle aurait le cœur brisé. Et il n’aurait plus qu’à se cacher s’il ne voulait pas subir mes foudres. J’allais protéger ma cousine, coûte que coûte. Et peu importait que David était un ami ou non. Néanmoins, je décidai de changer de sujet…

- Je suis sûre qu’il ne te laissera pas.

Je pris sa main dans la mienne et la serrai pour lui remonter le moral. Puis, je me levai, avec un grand sourire, que rien ne pouvait m’enlever ce soir-là. Je me dirigeai vers la cuisine, et une fois dedans, je repassai la tête vers le salon :

- Que veux-tu boire ma grande ?

Il fallait fêter ça. Même si nous ne devions pas boire devant les enfants, j’avais tout de même envie de trinquer avec Ella. Rien que pour souhaiter que son histoire avec David dure le plus longtemps possible !

Partie fouiller dans mon frigo pour trouver des bouteilles en tout genre, je n’entendis pas Ella me rejoindre. Les enfants faisaient du bruit entre eux et ma cousine étaient aussi légère qu’une plume quand elle marchait. Elle était l’élégance incarnée, et je m’en rendais de plus en plus compte. Comme si le fait d’être avec David la changeait. Non pas qu’elle ne l’était pas avant, mais elle l’était encore plus. Les hommes changent les femmes… Elle me demanda un jus de fruit et je lui servis un verre après qu’elle m’ait désigné une bouteille. Alors qu’elle repartait vers le salon avec les enfants, je me servis à mon tour un verre, de jus d’orange, pour finalement reprendre ma place sur le canapé. Je posai le verre sur la table basse et m’assis en tailleur sur les coussins qui composaient le fond du canapé. Johanna vint me rejoindre, délaissant son frère, alors que Franz était venu vers Ella. Je le regardai avec amour. J’étais tellement heureuse qu’il soit là…

- Dis moi cousine, tu crois que mes enfants seront aussi beau que les tiens ?!

Je ris en hochant la tête. Elle était adorable ! Bien entendu que ses enfants seraient magnifiques ! Si elle en avait avec David, peut-être un jour, ils seraient de vrais tombeurs. Entre sa beauté à elle et son charme à lui, ce serait inévitable. Et là, je serais jalouse, parce que leurs enfants seraient plus beaux que les miens… Non en fait, personne ne pouvait faire de plus beaux enfants que les miens !

- Tu verras quand ils seront faits ! Mais ils seront magnifiques, j’en suis persuadée !

Je lui fis un clin d’œil. J’avais hâte qu’elle devienne maman, je devais l’avouer. Je savais qu’elle en avait très envie, mais je savais également que ce n’était pas près d’arriver. Elle devait finir ses études, se poser et être bien pour pouvoir devenir maman. Mais ça viendrait. Et je serais là pour l’épauler et donner des conseils aux futurs parents !

- Combien tu en veux ? Tu le sais déjà ? Au départ, je n’en voulais pas, jamais ! Et me voilà avec trois enfants ! Incroyable…

C’était vrai. Je n’avais jamais voulu d’enfant. Quand j’étais tombée enceinte de Tom, j’avais voulu m’en débarrasser et maintenant que j’avais Franz… je n’arrivais même plus à me comprendre à ce moment-là, quand j’avais dit que je n’en voulais pas. Je l’aimais plus que tout au monde, et je me rendais compte chaque jour que je n’aurais jamais pu tenir sans enfants, après la mort de Matthew.

Le regard d'Ella ne me mentit pas. Je savais qu'elle n'arrivait pas à imaginer que je ne voulais pas d'enfants à la base. Disons que j'étais encore jeune quand j'ai rencontré Matthew et que j'ai commencé à sortir avec Tom. Je n'avais même pas terminé mes études, réellement. Après tout, même aujourd'hui, je n'avais que trente-deux ans. C'était jeune pour avoir trois enfants, dans notre société actuelle.

- Deux, ça serai bien... mais il faut un mec pour le faire, et pour le moment j'ai mes études à finir... Et puis je me vois mal dire à David que j'aimerai des enfants alors que ça fait presque trois semaines que nous sommes ensemble, c'est un peu prématuré...

En effet, c'était un peu trop tôt pour avoir des enfants. Surtout que j'imaginais aisément que ce n'était pas le truc de David. Il n'y avait qu'à le voir pour le comprendre. C'était évident qu'il ne saurait pas s'y prendre, là, tout de suite. Et c'était normal, il n'était sédentarisé que depuis un moment récent, et je n'étais pas sûre qu'il ait vraiment eu le temps de développer des réflexes de papa sans l'être lorsqu'il était en voyage.

- Je vais lui faire peur le pauvre... il va me prendre pour une dingue !

Je levai les yeux au ciel en l'entendant me dire ça. N'importe quoi ! Elle n'allait pas l'effrayer, il avait dû en voir des pires. Et elle était saine d'esprit, ce n'était pas une dingue, et heureusement ! Elle était juste impatiente et elle avait envie de voir l'avenir venir plus vite qu'il n'allait. Ce n'était pas une bonne idée, mais c'était une femme. Nous faisions toutes ça...

- Ne t'inquiète pas, je suis sûre qu'il te trouve tout à fait normale ! Et puis tu ne l'effrayeras pas. Sinon il serait déjà parti !

Je jouais avec les cheveux blonds de Johanna en racontant ça. De nous deux, entre Ella et moi, j'étais sûrement la plus folle. Elle était médecin, elle allait devenir une super pédiatre, et moi, j'étais une musicienne, qui avait décidé de laisser toute sa vie derrière elle. Qui était la plus saine d'esprit ? Pas moi !

J’étais amusée par ma propre réponse. J’étais sûre que David était bel et bien tombé sous son charme en la rencontrant à l’hôpital. Et il n’aurait pas pris la peine de rester aussi longtemps avec elle, à la rappeler et à lui raconter ses journées s’il la trouvait folle, ou bien s’il ne l’appréciait pas. Je ne l’espérais pas en tout cas, parce qu’il nourrissait des espoirs chez Ella qui devaient être satisfaits. Pour son bien à elle. Je n’hésiterais vraiment pas à lui tomber dessus s’il faisait quoi que ce soit de mal.

- Il n'a pas intérêt non mais ! Je vais tout faire pour qu'il reste avec moi.... je crois que je suis tombé amoureuse Abby... tu crois que c'est trop tôt pour le savoir ?

Tomber amoureuse. Le meilleur des sentiments. Et le pire lorsqu’on le perd. Elle avait de la chance de pouvoir dire qu’elle était amoureuse aussi rapidement. Et je voyais que c’était sincère. Elle avait l’air accro à cet homme, et je ne pouvais que lui souhaiter que ce soit réciproque. Elle le méritait. Mais l’amour était quelque chose d’instable, et je le savais plus que n’importe qui. Il fallait en prendre soin et y faire attention. Et il pouvait durer pour toujours ou s’éteindre à tout moment. Mais je ne faisais pas trop de soucis avec Ella : elle semblait tenir à lui, et elle allait le garder avec elle. Je n’en doutais pas une seule seconde.

- Non ce n’est pas trop tôt. Parfois, c’est trop tard, quand tu t’en rends compte, mais là, je pense que tu es dans les temps ma belle !

Spoiler:

Pendant que nous continuions à parler, Ella et moi, les enfants avaient leur petite vie. Leopold s’était rendu compte qu’il était tout seul, puisque nous avions Franz et Johanna avec nous et vint bouder à mes pieds, ce qui nous fit beaucoup rire, toutes les deux. Franz s’occupa ensuite de lui et nous reprîmes nos conversations comme avant.

Au bout d’une heure, peut-être je me disais qu’il était temps que l’on mange. Les enfants devraient bientôt se coucher. D’ailleurs, je devais préparer la chambre d’amis pour Franz, pour qu’il puisse dormir. Je n’avais rien de fait, puisque je ne savais pas qu’Ella était allée le chercher. De fait, je devais me dépêcher un peu. Même si ce n’était pas un drame que les enfants se couchent un peu plus tard que d’habitude. Mais ça ne devait pas en devenir une, du coup, d’habitude ! Une fois à table, Ella me gratifia d’un généreux compliment sur ma cuisine, et, avec un petit sourire en coin, je la regardais avant de vérifier que les enfants n’écoutaient pas pour répondre :

- C’est Jon qui m’a appris ça. Il est très doué en cuisine… un très bon parti, ce jeune homme !

Je lui fis un clin d’œil et continuai de donner à manger à Leopold, qui avait encore un peu de mal à manger tout seul, même s’il s’était nettement amélioré.

Sans nous presser, nous continuâmes de manger, et surtout de faire manger les enfants. Ils adoraient ce plat, et depuis que Jonathan me l’avait appris, j’étais presque « obligée » de faire le faire toutes les semaines. Ils me le réclamaient maintenant. Il avait vraiment une emprise sur les enfants… et sur moi, je devais bien le dire.

Lorsque nous eûmes fini de manger, je commençais à débarrasser la table et je laissai les enfants aller jouer avant qu’ils n’aillent se coucher. Franz vint nous aider à ranger les affaires et je souris en voyant que Tom avait vraiment parfait son éducation, sans moi. C’était bien. Il était entre de bonnes mains avec son père, de toutes façons, je n’en avais jamais douté. Sinon je l’aurais emmené avec moi. Il me demanda alors si on allait faire des gâteaux. Je souris en regardant Ella et hochai la tête. Evidemment qu’on en ferait, s’il le voulait. J’allais encore travailler, je n’étais pas en vacances, mais j’allais éviter de travailler mes cours et corriger des copies pendant qu’il était là, comme ça, nous aurions encore plus de temps tous les deux et avec son frère et sa sœur.

- Bien sûr qu’on en fera, mon chéri. Tu pourras en faire avec Jonathan aussi.

Je le laissai ensuite avec Ella pendant que j’allais coucher les deux autres. Franz serait le dernier, il était le plus grand et même s’il avait besoin de dormir, ce n’était pas grave s’il restait une demi-heure de plus avec nous. Ce serait notre secret ! Les enfants étaient tout contents d’avoir rencontré leur frère et étaient bien incapables de dormir. Je tentais par tous les moyens de les faire dormir, et au final, je dus les menacer de les priver de quelque chose pour qu’ils obéissent. Je n’aimais pas utiliser cette technique, mais au moins, ça fonctionnait.

Je préparai ensuite la chambre de Franz en vitesse, en changeant les draps du lit et en lui mettant une couverture bien chaude. Je rejoignis ensuite Ella et Franz au salon et m’assis de nouveau sur le canapé, en prenant mon fils dans mes bras.

- Je suis vraiment contente que tu sois là, mon ange… Merci Ella !

A toute vitesse, je réfléchissais à ce que je pourrais faire pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Je voulais absolument faire quelque chose pour elle, parce qu’elle m’avait amené mon fils et que je n’aurais pas pu le faire sans elle. Déjà, il fallait que je remercie Tom également, parce qu’il avait enfin cédé, et c’était en partie grâce à lui aussi. Je l’appellerais le lendemain. Il devait être occupé pour l’instant.

- Pas de quoi ! Je pouvais faire ça pour vous, ce n'est pas grand chose.

Je secouai la tête en souriant. Elle disait que ce n’était pas grand-chose, et c’est là qu’elle se trompait. Pour moi, ça représentait énormément de choses. Des merveilleuses et belles choses. Elle ne pouvait même pas encore imaginer le bien que ça me faisait de pouvoir tenir mon fils dans mes bras, et non pas de le voir simplement en photo. Elle le comprendrait quand elle aurait des enfants, et que peut-être, elle en serait séparée, pour raisons médicales, ou bien parce que parfois, comme pour moi, la vie fait que les couples ne s’aiment plus et se séparent. Je ne lui souhaitais pas de ressentir cela, mais je savais qu’elle le sentirait un jour ou l’autre. Une mère ressentait toujours cela… simplement quand son enfant partait de la maison familiale. Je décidais cependant de ne pas parler de ça, c’était une mauvaise idée. Alors j’embrayais sur autre chose :

- Et alors … comment as-tu trouvé New-York, pour le peu que tu en as vu ?

Immédiatement, je vis que les reproches allaient fuser, concernant mon ancienne ville. Je le voyais dans les yeux de ma cousine. Moi j’aimais bien New-York. C’était une ville comme je les adorais : bruyante, active, attrayante, immense et remplie. Ella me fait remarquer qu’elle n’avait pas vu beaucoup de New-York. Evidemment, elle n’avait pas pu tout voir, elle n’avait pas eu assez de temps pour ça… et puis c’était une ville tellement grande… Elle rit doucement, en repensant sûrement à ce qu’elle avait pu apercevoir. Il faudrait qu’un jour, on y aille toutes les deux. Je serais là-bas incognito et nous éviterions les endroits où mon ancienne vie pourrait refaire surface.

- Comment tu as fais pour y vivre ? Je ne me sentirai pas à l'aise avec tout ces gens, pressé, et très énervé tout le temps....

Je ris à mon tour. Je ne m’étais jamais posé la question. J’adorais New-York, ça avait d’abord été un rêve pour moi d’aller y vivre. Partie de la campagne allemande pour vivre à New-York, c’était un rêve mais aussi un changement énorme. Et j’avais bien réussi à m’adapter. Et puis, après, avec les garçons… la vie était tellement rapide, tout allait si vite que c’était d’une facilité déconcertante de vivre à New-York.

- On s’y habitue très vite. C’est Toronto en dix fois plus grand. C’est immense, c’est sûr, mais la vie y est vraiment agréable… je te montrerai !

J’adorerais emmener Ella avec moi à New-York. Nous nous y amuserions comme des petites folles, ce serait vraiment mémorable. C’était une ville tellement belle, j’étais sûre qu’en lui montrant les bons endroits elle l’adorerait autant que moi. J’avais de merveilleux souvenirs de mes années au conservatoire de New-York, de sorties à Broadway, de Times Square… tout cela me manquait énormément, même si j’adorais la vie que je menais à présent. Les enfants, les élèves qui commençaient à tenir une place dans mon cœur…, tout cela me plaisait. Mais New-York était toujours un rêve au goût inachevé pour moi. Je n’y avais pas fait tout ce que j’aurais pu faire dans ma vie. Mais je n’y retournerais pas pour vivre. Pas maintenant.

- Je dois faire l'allée retour pour ramener Franz, je ne verrai pas plus de chose, mais bon, j'espère qu'on pourra y aller ensemble.

Je commençai à réfléchir à cent à l’heure. Pourrais-je retourner à New-York dans une semaine, quand elle ramènerait Franz ? Je n’étais pas en vacances et je ne le serais pas non plus sept jours plus tard. Mais je pouvais demander à mon directeur de la faculté de musique. Sa secrétaire pourrait bien me trouver d’autres créneaux pour que je rattrape mes cours. Si j’expliquais le problème, il voudrait bien me laisser faire. Il m’avait à la bonne, et puis, il avait plutôt intérêt à me laisser faire ce que je voulais : vu ma notoriété encore excellente pour le moment, je ramenais beaucoup d’étudiants dans son campus. Que ce soient de vrais musiciens ou seulement des curieux.

- Je vais tout faire pour t’accompagner. Je pourrais laisser les enfants à Jon, je pense. Sinon je les prendrai avec moi ! Et je viendrai !

D’un seul coup, les yeux d’Ella se remplirent d’étoiles. Elle pensait déjà au futur voyage de retour de Franz. Mais il ne fallait pas qu’elle s’emballe trop vite non plus. Ce n’était pas sûr du tout. Il me faudrait une organisation en béton pour quelque chose qui arriverait dans moins d’une semaine. Il faudrait acheter des billets d’avions, trouver un hôtel à New-York et se débrouiller avec la fac pour pouvoir me dégager quelques cours. Autant dire le parcours du combattant ! Néanmoins, j’allais essayer de le faire. Pour Ella et pour Franz, parce qu’il serait vraiment content…

- J'espère que ça sera possible, Tom sera pas mécontent de te voir, et Franz sera plus que ravie !

Tom ? Je n’avais pas spécialement envie de voir Tom. Parce que voir Tom impliquait de revoir mon passé, et de repenser à Matthew, et à tout le monde. D’ailleurs, qu’est-ce qui me disait qu’en voyant Tom, je ne verrais pas Jenny ou les enfants ? Et si je les voyais, ils feraient tout pour que je reste à New-York. Et ce n’était même pas la peine. Je ne repartirais pas pour de bon à New-York. Je voulais bien revoir Tom, mais seulement lui. Et je ne voulais pas qu’il en parle à qui que ce soit ! Je préférais ne pas venir, si c’était ça.

- Ella, je ne veux pas revoir Tom… Je veux bien t’accompagner à New-York, mais pour voir la ville. Pas pour voir les autres. Ce n’est pas une option. C’est… juste pas possible…

Ella devait sûrement se demander pourquoi j'étais comme ça. Si négative, si directive. Je ne voulais pas revoir Tom, certes. Mais contrairement à ce qu'elle semblait penser, ce n'était pas du tout parce que nous ne nous entendions pas, bien au contraire. On s'entendait non pas à merveille, mais plutôt bien pour des anciens époux et j'étais fière de cela. Mais je ne voulais pas le revoir. Ni lui, ni personne d'autre. Bien sûr qu'ils me manquaient tous... mais je ne voulais pas les revoir. Cela signifierait "laisseer mes sentiments prendre le dessus". Et je n'avais pas déménagé à Toronto pour rien, au contraire !

- Si tu ne veux pas m'en parler, je comprendrai, c'est ta vie passé...

Il n'y avait pas grand-chose à dire au final. Juste à expliquer le pourquoi du comment. Et pourtant, c'était on ne peut plus difficile de lui expliquer ces raisons.

- Ecoute Ella... il y a une chose qu'il faut que tu comprennes... C'est que ma vie à Toronto est faite pour oublier celle que j'avais à New-York. Ce n'est pas une bonne idée de les revoir parce que ... parce qu'ils pourraient me faire revenir là-bas. Et j'en ai pas envie...