J'observais Ella avec attention. Je voulais qu'elle accepte, nous devions sortir toutes les deux, ça serait génial. Je ferais en sorte de ne pas trop me montrer, je n'aurais qu'à m'habiller différemment, me maquiller différemment ou bien faire une teinture ou prendre une perruque pour ne pas me faire remarquer.

- Oui, avec plaisir je ne suis pas sortie depuis... depuis bien trop longtemps !

Je souris, victorieuse. J'avais réussi à la convaincre, c'était bien. Nous allions pouvoir nous éclater durant une soirée, une nuit, et qui sait ? peut-être que nous ferions de bonnes rencontres. Il faudrait juste que je demande à Jonathan de garder mes enfants pour une soirée, s'il était disponible. Je ne devais pas oublier cela.

- Et puis, danser boire un peu, ça ne peut que nous détendre. Et je crois que nous avons besoin de nous socialisé un peu, sans avoir trop peur des autres. Ils ne sont pas tout méchant avec de mauvaise intention ! Enfin j'espère !

Je hochai la tête avec ferveur. Ils n'étaient pas tous mauvais. Matthew le croyait, parce qu'il était jaloux, mais Matthew n'était plus là. Et il ne pourrait pas me dire le contraire, même si durant toute la soirée, j'aurais sa voix dans ma tête qui me dirait de faire attention. Je l'écouterai. Avec modération.

- On prendra soin l'une de l'autre. On évite de trop boire. Et on fait attention, et tout ira bien. Les gens ne peuvent pas être si mauvais qu'ils ne le paraissent ! Et puis, on est grandes, on sait ce qu'on a à faire, non ?

Ella semblait convaincue, et puis je devais dire que j'étais bien contente qu'elle le soit. Je me connaissais, jamais je ne sortirais si j'étais toute seule. Alors il fallait qu'Ella soit avec moi.

- Oui, il n'y a pas de soucis la dessus, et puis je ne bois pas beaucoup, je ne tiens pas beaucoup l'alcool, je n'ai pas l'habitude. Je préfère me rappeler de ce que je fais !

Je hochai la tête. Nous étions pareilles. Je n'aimais pas tant boire que ça. Juste pour marquer l'occasion. Mais de là à être ivre, ce n'était vraiment pas mon truc ! Pas du tout même, je voulais pouvoir me souvenir de tout, et surtout ne pas avoir honte de moi.

Au final, Ella prit congé, vers minuit, pour rentrer chez elle. Je n'avais pas vu qu'il était si tard, nous parlions comme des copines qui ne s'étaient pas vues depuis des mois, et c'était bien le cas, en fait.
Les jours passèrent, et finalement, Noël arriva. Ella m'avait dit qu'elle devait terminer assez tôt, mais qu'elle ne savait pas si elle pourrait être là à une heure précise. Je lui avais répondu que ce n'était pas un problème, qu'il fallait qu'elle prenne son temps et que je l'attendrais, en espérant qu'elle n'arrive pas trop tard pour pouvoir voir les enfants.

Enfin, au bout de plusieurs heures, j'entendis la sonnette de l'entrée retentir. Il était temps, je n'en pouvais plus d'attendre tellement j'avais hâte de la revoir. Je partis lui ouvrir avec un grand sourire, les enfants à mes côtés.

- Salut Ella !! Je suis tellement contente que tu aies pu te libérer !! Pas trop fatiguée ?

Je vis rapidement qu'Ella avait amené des cadeaux, pour les enfants sûrement. J'étais ravie, ils allaient adorer ça ! Elle me répondit alors que ça irait, qu'elle était fatiguée, mais que ce n'était pas pire que d'habitude. Elle ajouta alors que les urgences n'avaient pas été trop encombrées. Tant mieux, sinon elle ne serait pas là.
Je lui pris son manteau quand elle l'enleva, et alors que je le déposai sur le manteau, elle s'abaissa jusqu'à Johanna et Leopold pour les saluer, avant de revenir vers moi, en souriant. Je la serrai contre moi au passage, j'étais vraiment contente de la retrouver une fois de plus. Et j'avais déjà l'impression que ça faisait des mois qu'on ne s'était pas vues.

- Tu es magnifique ! Et tu as ramené des cadeaux, tu n'aurais pas dû, ils sont déjà gâtés...

Alors que je venais de la complimenter, Ella me fit une révérence. Elle était vraiment jolie en robe, ça la changeait des jeans et de la blouse de l'hôpital très certainement. J'étais contente de la voir ainsi. J'avais réellement l'impression qu'elle était plus heureuse depuis que nous nous étions retrouvées.

- Un enfant n'est jamais trop gâté, et puis le père Noël est venue chez moi une journée à l'avance pour que je puisse exprès donner ces jouets !  

Les miens l'étaient. J'avais été faire les magasins pendant que Jonathan les gardait, et j'avais craqué. Beaucoup craqué. Enfin ce n'était pas grave, ils seraient gâtés, mais par deux personnes seulement. Je savais que ce n'était pas une bonne idée de compenser le manque de leur père par des cadeaux, mais c'était tout ce que j'avais trouvé.
Nous partîmes nous asseoir dans le salon alors que les enfants nous suivaient à la trace. Johanna d'ailleurs, s'accapara Ella en première, me laissant Leopold, qui semblait très content de se retrouver dans mes bras.

- C'est gentil Ella, je suis sûre qu'ils vont adorer. Comment ça va depuis la dernière fois ?

Ella semblait espérer de tout son coeur que ce qu'elle avait choisi pour les enfants leur plairait. Moi j'étais sûre que oui. Ils n'étaient pas difficiles, et en plus, ils étaient encore jeunes. Ils adoreraient !

- Oui, très bien, j'adore toujours autant mon travail et pour une fois, je vais bénir Noël !

Je souris en la voyant si heureuse, et si proche de Johanna, alors que lors de leur première rencontre, ma fille était plutôt timide et n'acceptait pas franchement qu'Ella soit près d'elle.

- Et toi ? Comment tu vas ? Quoi de nouveau dans ta vie ?!

Elle me regardait avec un grand sourire et de grands yeux, elle avait hâte de savoir s'il s'était passé quelque chose de croustillant dans ma vie depuis une semaine. A vrai dire, rien de bien palpitant. La routine, en réalité. Les enfants allaient bien, les cours étaient toujours aussi longs à donner et à préparer, et les élèves eux, cependant, étaient un peu moins arrogants avec moi. C'était bien.

- Rien de bien spécial, en fait. Comme d'habitude. Tu sais depuis que je ne fais plus de scène, ma vie est redevenue normale. Et je goûte au quotidien et à la routine !

Elle avait de la chance de pouvoir travailler dans un hôpital. Tout bouge dans ces endroits-là. Il y a toujours un patient à soigner, toujours quelque chose à faire. En tant que prof, on ne peut pas dire que ce soit la même chose pour moi...

Ella semblait touchée par ce que je disais, et pourtant, elle ne devait pas. Elle avait une vie géniale, et la mienne l'avait été. Mais tout a une fin, plus ou moins rapide. C'était mon choix de ne plus faire de scène, parce que j'aurais très bien pu continuer. Mais une fois que l'on a mêlé vie privée et vie professionnelle, c'est très difficile de se débarrasser de l'un sans l'autre...

- Vient passer une journée à l'hôpital tu verras tu ne pourras pas t'ennuyer !

Elle éclata d'un rire très agréable à entendre, et je ris à mon tour, un peu moins fort, cependant. Oui, je devrais tenter de la suivre, à l'hôpital, et ensuite je me rendrai compte de la chance que j'avais de n'être que professeur. C'était sûrement beaucoup plus reposant de devoir faire face à une centaine d'élèves par jour, tous amorphes sur leurs bancs.

- Dis moi cher cousine, tu as appeler ton petit bout de fils ?

Je tournai la tête vers elle en souriant. Oui, je l'avais fait, elle pouvait être fière d'elle ! Je hochai la tête et elle parut satisfaite, mais évidemment, elle voulait des détails, et c'était bien normal.

- Le lendemain, j'ai envoyé un mail à son père, et j'ai pu les appeler dans la soirée. Bien sûr je n'ai parlé qu'à Franz, et à Tom, mais apparemment, personne ne m'en veut, là-bas.

Je baissai les yeux vers mes mains, jointes sur mes genoux. Personne ne m'en voulait, mais quand j'avais parlé à mon ex-mari, j'avais bien senti une pointe d'amertume dans la voix. Je lui avais promis de donner de mes nouvelles souvent, et j'avais aussi promis de trouver une solution pour que Franz vienne ici de temps en temps.

- Il était content de me parler. Je lui ai envoyé un cadeau de Noël aussi, évidemment, je me suis débrouillée pour qu'on ne voit pas que ça vienne de Toronto...

Ella m'écouta raconter tout ce qu'il s'était passé sans rien dire, un grand sourire sur le visage. J'avais l'impression qu'elle était fière de ce que j'avais fait. Au fond, avant de le faire, je croyais que j'allais souffrir beaucoup plus que ça. Je pensais qu'en appelant New-York, j'allais revoir plein de souvenirs et être pire qu'avant. Et en réalité, ça s'était bien passé, et j'étais plus heureuse qu'avant, même si mon fils me manquerait encore énormément.

- Je te l'avais dit que tout se passerai bien, je suis ravie pour toi Abigail ! Tu vas faire quoi maintenant ?

Je haussai les épaules. Il fallait que je trouve une solution pour que Franz vienne ici. Parce qu'il était hors de question que je retourne là-bas. Je ne pouvais pas, ce serait signer mon arrêt de mort. D'abord, parce qu'ils trouveraient une façon de me faire rester définitivement, et ensuite parce que trop de souvenirs m'anéantiraient. Alors je devais trouver un moyen de voir Franz ici, à Toronto. En plus, j'étais sûre qu'il adorerait l'endroit. Toutefois, le seul moyen que j'avais, c'était de mettre Tom dans le coup, et de lui dire où j'étais.

- Je vais essayer de le faire venir avant qu'il ne reprenne l'école. Je pensais dire à son père où j'étais, et lui faire promettre de ne rien dire à personne... Je ne sais pas s'il accepterait, je le connais bien et même si je lui dis que c'est important pour moi que les autres ne sachent pas, il leur dirait quand même...

Ella semblait réfléchir quant aux raisons pour lesquelles Tom, mon ex-mari, voudrait le dire à tout le monde... Moi je le savais : pour que je revienne à New-York, ou pour qu'ils puissent me harceler, ici à Toronto. Il était hors de question que tout le monde sache, surtout Dom. Il serait capable de me suivre partout pour me faire revenir, et c'était simplement impossible pour moi.

- C'est peut-être juste pour qu'ils savent qu'ils peuvent compter sur toi, que tu est ici mais que tu penses encore à eux. Je pense qu'il fait ça pour que les petits garde confiance en toi, il ne pense pas à mal...

Elle avait peut-être raison. Mais ils savaient, au fond de leurs coeurs, qu'ils pouvaient compter sur moi déjà. Je n'étais pas morte, si jamais j'apprenais quelque chose sur moi, via internet par exemple, je prendrais évidemment un aller pour New-York, pour les épauler. Tom ne m'avait rien de particulier quand je l'avais appelé, la situation devait toujours être la même. Les enfants allaient bien, Dom allait bien... c'était tout ce qui comptait le plus pour moi. Si tout le monde allait bien, alors c'était parfait et je pouvais rester à Toronto.

- Ca va s'arranger, je suis certaines. Mais tu me promet que tu me ferra rencontrer ton fils ?

Je souris, avant de hocher vivement la tête. Evidemment qu'elle verrait Franz. C'était son cousin, à elle aussi, alors elle serait obligée de le rencontrer. Et j'étais sûre qu'il allait l'adorer, comme elle l'adorerait. Enfin, il fallait d'abord qu'il vienne jusqu'ici. Je me demandais si Tom allait accepter le laisser dans un avion, comme ça, sans savoir où il allait. Certainement pas, en fait. Il faudrait peut-être que je retourne à New-York, juste pour le réceptionner. Et ensuite brouiller les pistes. Non... revoir Tom serait douloureux pour moi... comme tout le monde.

- Tu le rencontreras et tu le verras souvent, à chaque fois qu'il viendra ici, si j'y arrive bien sûr. Il faut encore que je trouve le moyen et je sens que ça ne va pas être facile ...

Ella semblait réfléchir encore plus maintenant, elle devait tenter de me trouver une solution. Je ne lui demandais pas de m'aider, mais si elle me trouvait une façon de pouvoir faire venir mon fils ici, je serais la femme la plus heureuse du monde. Elle serrait toujours Johanna contre elle, et c'était comme si elles se connaissaient depuis des années et des années.

- Tu veux être tranquille je le sais, alors je peux prendre des jours de congé, et aller le chercher à New-York, je sais qu'il ne me connait pas, et je serai qu'une inconnue pour lui, mais si je peux aider d'une manière ou d'une autre....

Je la regardai comme si elle venait de me montrer le Graal. Incroyable... cette idée était géniale ! Si je prévenais Tom que quelqu'un viendrait jusqu'à New-York pour aller chercher mon fils et l'emmener, il serait d'accord. Bien sûr je lui dirais qu'il s'agissait de ma cousine, et il n'aurait qu'à vérifier. Avec tout le réseau qu'il avait, il serait capable de ça. Surtout que j'avais dû lui parler d'elle, déjà. Tout ce que je ne voulais pas, c'était qu'il sache que j'étais à Toronto. Si j'arrivais à le convaincre de laisser Franz à Ella, alors c'était gagné !

- Il faudrait que je demande à Tom, mais ce serait la meilleure des possibilités ! Tu es brillante, Ella... Tu es sûre que ça ne te dérangerait pas de faire ça ?

Le sourire de ma cousine valait de l'or. Elle était merveilleuse. Je n'aurais jamais pu penser à une idée pareille, et elle l'avait fait ! J'avais vraiment de la chance de l'avoir. Si grâce à elle, je pouvais revoir mon fils pendant une semaine au moins à Toronto, alors ce serait vraiment parfait. Le meilleur jour de ma vie depuis pas mal de temps malgré tout.

- Pas le moins du monde ! J'ai besoin de vacance, et je me connais, je ne pourrai pas rester sur place, alors autant faire un aller retour pour le bonheur de plusieurs personnes !

Je souris, alors qu'elle me confirmait qu'elle ne serait pas dérangée par un voyage rapide à New-York. J'aurais plutôt imaginé qu'elle veuille rester à New-York quelques jours pour visiter. Au lieu de quoi, elle voulait bien rester simplement à l'aéroport et me ramener mon fils. Quel genre de cousine ferait ça, à part elle ? Aucune, je crois bien. J'avais vraiment de la chance.

- Ca me ferrai plaisir, et puis au moins tu gardes le secret sur le lieu où tu habites, je ne dirai rien.

Je hochai vivement la tête. Il fallait absolument que l'on fasse ça. Le lendemain pour Noël, j'appellerais New-York et je supplierais Tom de me laisser faire. Il devait bien se souvenir d'Ella, quand même. Il ne l'avait jamais vue, mais il savait qui elle était.

- Super, j'appellerais Tom demain et j'espère que ce sera bon. Mais du coup, j'espère que ce sera bon aussi pour toi, à l'hôpital. Je ne sais pas s'ils te laisseront vraiment avoir des vacances à cette période... Si ?

Je m'inquiétais un peu pour Ella quand même. Si jamais elle ne pouvait pas prendre de vacances, elle se retrouverait bien embêtée pour partir à New-York. Et moi aussi, je serais embêtée, parce que je ne pourrais pas voir mon fils.

- Ils me doivent plus d'une semaine de vacances, alors ils me les donneront ne t'en fais pas !

Je souris en la voyant si déterminée et si sûre d'elle. Elle avait l'air de ne pas vouloir laisser passer tout cela, alors j'étais presque certaine moi aussi qu'elle pourrait avoir quelques jours de congé. Ils ne pouvaient apparemment pas lui refuser !

- Tu me diras quand il pourra te le laisser, et je m'arrangerai avec ma hiérarchie.

Je souris en hochant vivement la tête. Je la préviendrai dès le lendemain, dès que je saurais si c'était bon pour Tom, et dès que j'aurais acheté le billet d'avion pour Franz. Je croisais les doigts, vraiment, parce que j'avais peur que Tom ne veuille pas que l'on fasse ça. Ça pouvait arriver. Après tout, j'étais partie du jour au lendemain, alors peut-être que plus personne ne me faisait confiance là-bas, à New-York. Me parler était une chose, me faire confiance en était une autre. Nous verrions bien le lendemain !

- Attends toi à recevoir un SMS demain, pour savoir si oui ou non c'est possible. Quoi qu'il en soit, même si tu ne vas pas à New-York, rien ne t'empêche de prendre quelques jours de congés ! On pourrait se voir, comme ça !

De toutes manières, nos « vacances entre cousines » se feraient. Je n'allais pas laisser passer cette occasion alors qu'elle me tendait les bras. Et visiblement, Ella était du même avis. J'espérais juste pouvoir avoir mon fils avec moi, et tout serait parfait... ou presque, sans Matthew.

- Bien entendu, j'ai besoin de repos, je sens bien que je commence à être sur les rotules, j'ai réellement besoin d'un peu de temps pour juste me mettre le nez dans les bouquins et penser un peu à moi, et à ma famille.

Je souris en entendant tout cela. Il fallait qu'elle décroche un peu, elle travaillait beaucoup trop. Bon, en même temps, une erreur en médecine, ça ne pardonnait pas... mais il fallait qu'elle se détende un peu quand même.

- Oui, ça va te faire du bien de te reposer, de faire la grasse matinée et de penser à toi, et sortir...

Je lui fis un clin d'oeil. Elle avait sûrement des tas de garçons à voir, en commençant par Jonathan, apparemment. Il fallait bien qu'elle fasse quelque chose.

- Allez, passons à autre chose. On en reparlera demain, quand j'aurai la réponse de Tom ...