Ella ne semblait même pas surprise que je lui dise que je n'avais prévenu personne et que je m'étais laissée aller au gré des vents, comme ça, jusqu'à atterrir à Toronto, au hasard. Elle avait bien fait la même chose, elle aussi, alors elle devait bien me comprendre.

- Je comprend, tu veux recommencer une toute nouvelle vie...

Elle embrassa les cheveux de mon fils et continua sur sa lancée, en me posant des questions. C'était la soirée révélations pour elle, et nous n'en avions pas fini. Mais ça ne me dérangeait pas plus que ça. Il fallait bien qu'elle sache.

- Tu viens de me dire qu'il avait d'autre enfants ? Excuse moi, mais je n'ai jamais été très people... tu vas devoir me faire un cours rapide de rattrape, toujours si ça ne t'embête pas, si tu ne veux pas en parler je comprendrai.

Je hochai la tête. Tout cela était bien compliqué. Cette famille était grande, belle et grande, mais terriblement morcelée, et ça en devenait un vrai charivari, impossible à dénouer.

- Je vais essayer de faire simple. Matthew a eu 4 enfants avec sa première femme, Jenny : Andrew, Mary, Eva-Lily et Chris. Et il en a eu deux avec moi : les deux petits bouts que tu vois là. Les 4 autres sont restés avec leur mère, mais je les voyais souvent parce qu'ils m'adoraient et voulaient voir leur soeur, puisque Leo n'était pas encore né à l'époque.

Je souris en me rendant compte du bazar de cette famille recomposée. C'était drôle en y pensant, nous nous débrouillions toujours, sans nous tromper avec tous ces enfants autour de nous, mais quiconque essayait de tout comprendre du premier coup ne réussissait pas du tout à tout piger.

- Et puis j'ai aussi un autre grand garçon, avec mon ex-mari. Mais Franz est resté à New-York avec son père, et je ne l'ai pas encore revu depuis que je suis partie. Son père est le seul qui sait que je suis ici, je lui ai fait promettre de ne rien dire, mais je ne voulais pas que mon fils devienne orphelin de mère, je n'aurais jamais pu faire une chose pareille.

Je me demandais si Ella ne nous prenait pas pour une famille de fous, pour le coup. J'aurais pu être vraiment désagréable avec les enfants de Matthew et les détester parce qu'ils étaient d'une autre que moi. Mais comme je les avais connus avant d'être avec Matthew, je les adorais déjà à l'époque. C'était vraiment bizarre, mais c'était ainsi. Et c'était compliqué, vraiment compliqué.

- J'en apprend des choses.... mais ça doit être dure de ne pas les voir malgré tout !

Je souris, en me demandant ce qu'elle ne savait pas, à part pour les autres enfants de Matthew. Elle devait bien savoir pour Franz, quand même ? Maman avait dû lui dire, c'était mon premier fils, et nous nous entendions encore très bien. Elle adorait Franz, et elle l'adorerait toujours, puisqu'il n'était pas de Matthew. Je n'avais jamais compris pourquoi elle détestait autant l'homme de ma vie. Elle préférait Tom, elle avait toujours préféré Tom. Parce qu'il était quelqu'un de rangé, de parfait, qui ne faisait jamais un pas de travers. Mais Matthew était quelqu'un qui vivait plus, qui disait des conneries à longueur de temps mais qui était vivant, et encore plus vivant quand il était prêt à mourir. Avec lui, j'avais fait tout ce qu'une femme pourrait vouloir faire, j'avais visité des pays incroyables, j'avais fait des enfants, je m'étais mariée, et ça avait été le plus beau jour de ma vie. Ma vie était parfaite, avant qu'il ne meure. Et maintenant... c'était un peu comme si je recommençais de zéro, un peu comme si j'avais effacé ces dernières années, en gardant seulement mes enfants.

- Parfois ils me manquent vraiment beaucoup, tous. Mais je me dis qu'ils doivent me détester à présent, parce que je suis partie comme une voleuse...

Ella me fit rapidement un signe de tête me faisant comprendre que non, ils ne devaient pas me détester. Moi je savais déjà qu'Andrew m'en voulait. C'était un grand garçon et il m'en voulait forcément d'être partie comme ça sans rien dire, j'en étais pratiquement sûre.

- Je ne pense pas, peut-être oui un peu, mais avec le temps ils comprendront avec un peu de temps, ils comprendront qu'il te fallait partir pour pouvoir réussir à vivre avec une pointe de bonheur. Et puis si ils ne comprennent pas, c'est dommage pour eux et pour toi, mais tu ne pourras rien faire de plus que de leur expliquer ton point de vue, et puis qui sait ? Ils t'en veulent peut-être pas comme tu le penses. Envoie leur un mail ?! Garde contact avec eux.... Et même avec Franz... je peux le faire avec lui si tu le souhaites, c'est mon petit cousin après tout et je ne l'ai jamais vue... Ce que je trouve dommage d'ailleurs.

J'écoutai ma cousine avec attention, alors qu'elle me disait que je devrais essayer de leur parler, de leur envoyer un mail. Je ne savais pas si j'étais capable de faire ça. Pas après ce que je leur avais fait. Et puis pour leur dire quoi ? Que j'étais bien en vie, que j'allais bien, que les enfants aussi allaient bien et que je faisais ma vie ailleurs, loin d'eux ? Jamais ils n'accepteraient ça. Dom m'en voudrait à mort, et j'étais sûre qu'il m'en voulait déjà. Je le sentais au plus profond de moi. Nous nous étions promis que nous n'allions jamais nous quitter.. et au final, je n'avais pas tenu ma promesse, tout comme je n'avais pas tenu la promesse que j'avais faite à Matthew...

- J'enverrai un mail à Tom d'abord, pour connaître la situation. On s'entend bien lui et moi, encore, et comme ça j'aurai des nouvelles de Franz.

Je sortis mon téléphone portable de ma poche et cherchai rapidement dans les fichiers photos de ce dernier. Puis, quand je trouvai enfin la plus récente des photos de Franz que je pouvais trouver, je lui tendis l'appareil pour qu'elle la voit.

- C'est Franz... tout le monde me dit qu'il me ressemble beaucoup...

Je vis les yeux d'Ella s'agrandir et son regard s'émerveiller. Elle voyait son petit cousin pour la première fois et elle semblait complètement attendrie. Mon fils avait souvent cet effet sur les gens. Il allait être un vrai tombeur quand il serait plus grand. Pour l'instant, ce n'était pas une priorité. Il avait dû rentrer à l'école pour la première fois, vu que l'année dernière aucun des enfants de notre troupe n'avait suivi de cours avec une vraie classe, mais seulement des cours à distance... et je n'avais pas été là pour l'aider à passer ce cap.

- Il a quel âge maintenant ? C'est vraie que ta mère nous avait annoncer la nouvelle, mais ça fait un moment alors je ne me rappelle plus exactement....

Je souris en me disant qu'en effet, ma mère avait bien dû appeler tout le monde. Elle était tellement fière, le jour où il était né, alors que de mon côté, j'étais presque six pieds sous terre, à cause de mon moral. Il était né prématurément, et j'avais cru que c'était de ma faute et qu'il irait mal à cause de moi. Et aujourd'hui, nous étions loin l'un de l'autre... et ça nous faisait certainement du mal à tous les deux.

- Il va avoir quatre ans en janvier prochain. Il est déjà grand, il a dû encore changer depuis la dernière fois que je l'ai vu...

Ella me repassa rapidement le portable et je le rangeai, non sans avoir regardé une dernière fois la photo de mon fils. Je savais qu'il faudrait que je fasse quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. Il le fallait ou j'allais le perdre. Et si je le perdais, je ne m'en remettrais jamais. Ce serait encore pire que pour Matthew, parce qu'il s'agissait de ma chair et de mon sang, le fruit d'un amour...

- Abigail.... ne le laisse pas.... garde contact aujourd'hui avec internet c'est assez facile, ne le laisse pas.

Je savais qu'elle avait raison et que je devais me bouger et les appeler, ou leur envoyer un mail. Mais c'était tellement dur de revenir vers le passé, ce passé que je voulais à tout prix éviter. J'allais le faire, parce que c'était l'amour pour mon fils qui me poussait. Mais je n'appellerais que Tom, et je ne parlerais qu'à mon fils. Je ne pourrais pas le faire pour les autres. Je prendrai de leurs nouvelles, secrètement. Et ils n'entendront pas parler de moi, parce que je ferais en sorte que Tom se taise.

- Il est encore temps pour vous deux...

Je hochai la tête, honteuse, en baissant légèrement les yeux. Il était encore temps, oui peut-être. Si je le faisais demain. Mais comment en sortirais-je, de cet appel ? J'aurais entendu des nouvelles, j'aurais eu mon fils au téléphone et après ? Ca ne me le ramènerait pas près de moi, avec sa soeur et son frère. Et il me manquerait d'autant plus, au final...

- J'enverrai un mail à Tom demain... promis. Mais j'ai vraiment peur des réactions là-bas... je me demande si ce n'est pas déjà trop tard. Un enfant change d'avis si rapidement...

Ella allait réussir à me motiver je le savais. Je connaissais son histoire, je savais ce qu'elle avait vécu. Je savais ce qu'elle ressentait encore aujourd'hui. Je savais tout, et malheureusement, je ne le ressentais pas. Je ne l'avais jamais ressenti. En fait si... quand ma mère m'avait presque reniée, je l'avais senti...

- Abigail, je me doute que c'est loin d'être facile, mais tu aimes Franz, je n'en doute pas, ça se voit... mais il a besoin de le savoir... J'ai manqué de tout ça... Tu as tant d'amour à lui donner, dis le lui... Il a peut-être son caractère, je ne sais pas mais... mais t'entendre, savoir que tu t'intéresses à lui, je t'assure que sa ne sera jamais quelque chose mis de côté.

Je gardais la tête obstinément baissée. Si je l'avais relevée, j'aurais vu Ella pleurer. Au lieu de quoi, je contemplais mes mains jointes sur mes genoux, en me demandant encore comment j'avais pu partir comme une voleuse. Puis, la dure réalité me revint en tête : la maison, le cimetière bien trop proche, les souvenirs qui me hantaient... J'avais choisi entre faire passer ma déprime ou garder mon fils.. et je l'avais abandonné. Pour un temps seulement. Jusqu'à ce qu'il m'en veuille trop pour vouloir m'entendre à nouveau. Ella avait raison, je devais l'appeler. Prendre de ses nouvelles. Prendre soin de lui.
Je relevai la tête, déterminée.

- Je vais lui envoyer un mail dès ce soir. Et demain, je l'appellerai. Merci Ella !

Ella semblait surprise de ma détermination si soudaine. Mais je pensais à ce qu'elle me disait, et elle avait totalement raison. Je devais me bouger, je devais faire en sorte que mon fils ait des nouvelles de moi. C'était important, c'était mon fils. Il ne devait pas grandir sans nouvelles de sa mère. Ella m'avait redonné un peu de foi, et mes enfants aussi m'en donnaient. Je me disais qu'ils avaient forcément envie de voir leur frère.

- Tu sais je ne voulais pas te forcer....

Elle semblait toute désolée, ma pauvre cousine, alors qu'elle ne m'avait pas du tout forcée, au contraire, elle m'avait énormément aidée, sur ce coup là. Je n'aurais rien fait sans elle, et si techniquement, je n'avais encore rien fait, je n'allais pas tarder à le faire. Dès le lendemain - parce qu'avec le décalage horaire, ce n'était même pas la peine de tenter le coup - j'appellerai Tom. Ou plutôt, je lui enverrai un mail. Un appel ferait trop suspect. A moins qu'il ne travaillait.. enfin je ferais ça par courriel, ce serait plus simple pour tout le monde.

- Abigail, je suis vraiment heureuse de t'avoir retrouver et qu'on apprenne à se connaitre. Ca me manquait une relation ainsi...

Je souris en serrant sa main dans la mienne. Elle était heureuse et ça se voyait. Cela lui manquait d'avoir quelqu'un avec qui parler, et moi aussi, j'en avais parfois besoin. Et même si j'avais Jonathan, pour parler de temps en temps, ce n'était pas pareil. Il n'était pas une femme, il n'était pas de ma famille. Il ne connaissait pas toute l'histoire. Pas encore, du moins...

- Oh ma belle, ne t'en fais pas, je serais toujours là. On peut tout se dire, on est cousines. Et puis, je n'ai pas l'intention de t'abandonner là, maintenant que je t'ai retrouvée ! Ca me fait vraiment plaisir que tu sois à Toronto, toi aussi !

Comme pour approuver nos paroles, Leopold posa doucement sa petite main sur les notres, et bien entendu, Johanna voulant imiter son frère, posa la sienne également. Je souris en voyant ce symbole d'une famille qui s'aime, même si ce n'était pas vraiment une famille de rêve. Mais au moins, nous tentions de nous soutenir, et pour l'instant, on y arrivait plutôt bien.
Soudain, Leo vint vers moi et me fit comprendre rapidement qu'il avait faim. Je souris en levant les yeux au ciel. Il était comme son père : un estomac sur pattes. Le pire, en fait, ce fut quand Ella me fit aussi comprendre qu'elle avait faim. Elle s'excusa.

- Désolé... j'ai manger rapidement se midi, une urgence m'a coupé dans mon repas...

Je ne pus m'empêcher de rire un peu. Ce n'était pas bien grave, je n'allais pas en faire un plat, et puis, c'est vrai qu'il commençait à se faire tard, il faudrait bien qu'on mange à un moment ou à un autre.
Je me levai en laissant les enfants dans le salon pour qu'ils jouent, mais quand Ella me suivit, Johanna nous suivit également, jusque dans la cuisine. Il faudrait simplement que l'on fasse attention à Leo de temps en temps alors. J'en avais l'habitude. Je vivais toute seule depuis un certain temps, alors ça ne m'inquiétait pas plus que ça.

Je commençais la cuisson de mon plat, que j'avais déjà préparé dans l'après-midi, et pendant que la viande cuisait dans le four, je cherchai ce que nous allions bien pouvoir boire. Je n'avais pas de vin, ni même quel autre alcool que ce soit, alors nous tournerions à l'eau et au jus de fruits, très certainement. J'espérais que ça ne dérange pas Ella, même si j'étais sûre et certaine qu'elle serait trop polie pour dire quoi que ce soit. De fait, je continuais sur ma lancée.

- Matthew était quelqu'un de vraiment bien. Je n'ai jamais compris pourquoi maman ne l'a jamais aimé. Elle le détestait, elle disait que ce n'était pas quelqu'un pour moi. Alors que c'était l'homme que j'aurais pu chercher toute ma vie... Je suis sûre que tu l'aurais adorée, toi. Et il t'aurait adorée aussi !

Je n'étais pas très prolixe pour parler de Matthew d'habitude, mais là, je sentais que j'étais dans l'humeur pour, sans pour autant me mettre à pleurer comme à mon habitude, alors il fallait que j'en profite. Et puis c'était ma cousine, et pas une inconnue.

Ella me répondit tout d'abord par un sourire. J'aurais tant aimé qu'elle le rencontre, rien qu'une fois, pour qu'elle puisse se rendre compte par elle-même de l'homme merveilleux qu'il était. L'un des plus humains et des plus étranges que j'ai pu voir, mais le meilleur. Bien sûr qu'il avait ses défauts, bien sûr qu'il était chiant, parfois, bien sûr que l'on se disputait... mais on s'aimait tellement lui et moi qu'on passait au dessus de tout.

- Je n'en doute pas ! Un homme qui te fais autant sourire, ne pouvait pas être quelqu'un de mauvais. Tu étais heureuse avec lui, tu aurai fait une belle boulette d'écouter ta mère... Et puis regarde ces deux merveilles ! Je suis tombé amoureuse de ton fils tu sais ! Mais bon, trop jeune et un peu trop de la même famille...

Je ris en même temps qu'Ella. Même si elle était ma cousine, personne ne touchait à mon bébé pour l'instant. Il était trop jeune, et c'était mon petit chéri. Il faudrait du temps avant que je laisse la moindre jeune fille se l'approprier.

- Tu veux bien me raconter ta rencontre avec lui ?

Je continuais de sourire, en repensant à ce jour si particulier, où Matthew et moi nous étions rencontrés pour la première fois. Je ne pourrais jamais oublier ça, c'était complètement atypique. Je posai mes yeux sur l'unique photo de lui dans la cuisine, celle que je n'avais pas pu mettre ailleurs, puisqu'il était dans la cuisine en tenant Franz dans ses bras. Mes deux amours l'un avec l'autre, c'était un magnifique cliché. Je commençai alors mon récit en fixant la photo, nostalgique.

- J'étais encore au conservatoire, en dernière année. Il voulait trouver une violoniste pour l'engager, le temps de l'enregistrement d'un album, et après les auditions, c'est moi qu'il a choisie. On s'est rencontrés comme ça, et le jour même - et je n'en suis pas du tout fière, crois-moi ! - on a couché ensemble, dans un bar.

Je ris nerveusement à l'évocation de ce souvenir. Il était vrai qu'il n'avait pas résisté bien longtemps, ce jour-là. Je l'avais un peu poussé à le faire aussi, j'avais risqué la vie de son couple. Et au final, nous avions été ensemble pareil...

- Après nous sommes restés bons amis, jusqu'à ce que je divorce et que nous décidions de tenter le coup lui et moi. Rien de bien romantique en somme...

Si j'avais eu un peu honte de raconter ça comme ça à Ella, maintenant que je voyais dans ses yeux qu'elle ne me jugeait, je n'avais plus honte du tout. Je riais même normalement. En même temps, l'histoire qu'il y avait eu entre Matthew et moi était compliquée. D'abord il était avec Jenny, et il a couché avec moi, puis j'ai été avec Tom, et on a encore couché ensemble, Matthew et moi... au final, je crois que nous étions fait pour être ensemble, mais que, parce que ni lui ni moi n'étions libres, nous avons dû attendre avant de pouvoir enfin vivre le grand amour. Mais au départ, ça n'avait pas été une évidence.

- Dans un sens je trouve ça romantique, ça a été un coup de foudre entre vous deux.... Ca vous est apparu naturellement si vous vous êtes marié par la suite...

Oui, dans un sens, on pouvait prendre ça pour un coup de foudre. Il est vrai que si j'avais couché avec lui, le premier jour, ce n'était pas pour être pistonnée, au contraire. Il m'avait déjà engagée et il ne pouvait plus faire machine arrière. Alors si ce n'était pas un coup de foudre, qu'est-ce que c'était ? On ne s'en était pas rendus compte au premier coup d'oeil, mais maintenant, c'était clair.

- Et en plus vous avez fais de beau bébé... tes enfants sont un beau mélange de votre amour !

Je souris en regardant mes enfants, tous les deux par terre. C'est vrai qu'ils représentaient bien notre couple. Deux adorables bébés toujours heureux et pleins de vie. C'était mignon à voir. Comme quand on nous disait toujours que nous étions mignons à voir Matthew et moi. J'en avais de la chance de les avoir mes deux amours. Il me manquait le papa, mais en compensation je les avais. Et c'était tout ce dont j'avais besoin pour pallier à l'absence de leur père.

- On ne s'est pas rencontrés de façon très conventionnelle mais quand on était ensemble, on s'est vraiment aimés. Je veux dire.. il y a des couples qui s'aiment et qui s'habituent, au fil du temps, qui ne font plus rien ensemble et tout ça... nous deux... c'était autrement. Et s'il avait vécu plus longtemps, je suis sûre que nous n'aurions jamais été lassés...

Je repensais à notre histoire d'amour. Pourquoi avait-il fallu qu'elle soit si courte ? Si elle avait démarré dès notre rencontre, tout cela aurait été beaucoup plus simple, beaucoup plus long... peut-être même que Matthew serait encore parmi nous, et je ne serais pas à Toronto... et je ne serais pas avec Ella à discuter. Dans un sens, il y avait du bon dans les scénarii.

- Mais c'est quoi la convention d'une rencontre amoureuse ? En boite ? Par des amis ? J'avais rencontré Ben à la fac, rien de plus banale et regarde ?! Rien de bon s'en ai sortie. Alors que toi et Matthew c'était juste parfait, ni lus ni moins c'était votre rencontre, et une rencontre parfaite dans un sens. Vous vous êtes mariés et vous avez eu une famille, donc pour moi il n'y a rien de plus beau !

Je souris en la remerciant du regard. C'était vraiment gentil ce qu'elle me disait. Et je savais qu'elle me le disait sincèrement, pas du tout pour bien se faire voir. Depuis sa mort, plein de gens m'avaient dit du bien de Matthew, des gens qui - et je le savais pertinemment - se moquaient pas mal de lui, ou bien lui reprochaient telle ou telle chose. Je n'en avais pas fait de cas, j'étais trop mal pour ça. Mais il n'y avait aucune gentillesse, aucune sincérité dans leurs dires. Et là, dans ce que me disait Ella, je sentais toute la vérité de ses dires. Et ça me faisait du bien. Mais je ne voulais plus parler de moi, ça me gênait, même si je ne détestais pas non plus ça. Il fallait bien que le sujet passe à Ella maintenant.

- Bon raconte. Comment tu l'as rencontré ton bel apollon ? Outre le fait que ce soit à l'hôpital ? Tu dois bien avoir des détails à me raconter, c'est ton tour ! Comment il s'appelle ?

J'avais hâte d'entendre parler du potentiel futur petit ami de ma cousine. Je voulais tout savoir, j'étais curieuse et surtout je pourrais lui donner mon avis, si jamais elle me le demandait, c'était le plus important, non ? Je la vis hésiter, et finalement, elle entama son récit.

- Et bien, il s'appelle Jonathan, il est venu à l'hôpital pour que je lui recouse son arcade, ce n'était pas très beau à voir, mais il a été très courageux, il n'a pas bronché. Je ne connais pas encore beaucoup de chose sur lui.... il est assez mystérieux... et ne parle pas facilement de lui....

Alors qu'Ella était en train de sourire d'un air rêveur, je restai bouche bée. Je me repris bien vite. Je n'avais pas envie de me méprendre, mais il ressemblait quand même assez fortement au Jonathan qui gardait mes enfants le soir. Je n'allais rien dire à ce propos, mais très honnêtement, si c'était bien lui et qu'elle se retrouvait avec, ce serait... tout à fait étrange. Je repris, en gardant l'air le plus normal possible, et en souriant d'un air que je voulais espiègle et taquin.

- Alors il va falloir que tu le rendes moins mystérieux dans ce cas-là, pour qu'il te parle plus ! Tu me raconteras ?