Ella semblait ravie. Et si elle était ravie, alors j'étais ravie également. C'était un plaisir de la voir si heureuse, alors que lorsque nous nous étions retrouvées, elle me paraissait si seule, alors qu'elle était pourtant si entourée, à l'hôpital. J'étais contente de voir qu'elle avait pu changer, rien qu'avec ma présence. C'était bon, de voir ça.

- Aucun problème, je ne prend que ma garde à 19h, une bonne nuit de travail c'est palpitant !


Je souris en écoutant l'ironie, perçant dans sa voix. J'imaginais aisément que la nuit, ça ne devait pas être très intéressant, à part si on se retrouvait aux urgences. Dans les services, tout devait être plutôt calme, les patients devaient dormir. Rien de bien distrayant, en somme. Mais bon, c'était comme ça et personne n'y échappait, alors c'était pareil pour Ella. Au moins, elle serait disponible le matin de Noël, c'était le bon point !

- Tu vas t'ennuyer alors ! Qui sait, peut-être que le père Noël t'aura entendu et va t'apporter un bon bouquin pour passer le temps !

Ella me regardait en souriant, mais j'avais comme l'impression qu'elle allait me contredire. En même temps, je parlais des hôpitaux la nuit, mais je n'en savais trop rien, finalement.

- Oh, je ne crois pas que je vais m'ennuyer, mais qui sait pourquoi pas ! Ca serai agréable pour une fois !

Je souris, et nous continuâmes de manger et de vaquer à nos discussions habituelles. Quand les enfants eurent fini de manger, nous passâmes nous mêmes à table, en prenant plus notre temps pour savourer les plats et pour discuter tranquillement.
Puis, nous nous retrouvâmes de nouveau sur le canapé et Johanna vint de nouveau se coller à Ella. Elle finit par s'endormir dans ses bras et je la regardai avec tendresse en la voyant ainsi. Leopold commençant à s'endormir également et Ella me demandant où était la chambre de Johanna, je décidai qu'il était temps pour eux de rejoindre leurs lits respectifs et j'accompagnai Ella en haut pour les coucher.
Quand les deux enfants furent endormis, nous redescendîmes ensemble, et avant de me rasseoir, je fis signe à Ella vers le sapin :

- On va placer les cadeaux maintenant, comme ça on est sûres de ne pas oublier !

Ella avait ramené beaucoup trop de cadeaux pour les enfants, ou même pour moi. Deux chacun ; nous n'avions pas besoin d'autant. Elle les déposa sous le sapin, et je la regardai avec la volonté de la réprimander mais son grand sourire et son regard d'excuse me fit sourire. Elle était adorable.

- Noël c'est magique pour les enfants et ça doit le rester...

Je lui souris. Elle n'avait pas besoin de faire tout cela. Les enfants l'adoraient, elle était de la famille pour de bon, que ce soit avec eux, ou bien avec moi. Enfin, les enfants seraient contents de voir autant de cadeaux, parce que je leur en avais aussi acheté deux chacun, comme si Matthew était encore là, comme avant. Je ne pouvais laisser cette tradition des deux cadeaux s'en aller avec lui.
A mon tour, je partis chercher mes cadeaux dans leur cachette et les déposai au pied du sapin, en suivant le schéma d'Ella pour ne pas me tromper, et je fis un quatrième tas pour les cadeaux d'Ella.

- Voilà, maintenant on est tranquille ! Tu veux boire autre chose ? On peut s'amuser un peu tant que les enfants dorment !

Ella sembla approuver mon idée de boire quelque chose toutes les deux. Je savais que ça lui plairait, de toutes façons. Nous étions tranquilles, c'était Noël. Il fallait en profiter un peu. Nous ne pouvions pas faire ça tous les jours. Et en plus, je n'aimais pas spécialement boire, je trouvais juste que l'occasion s'y prêtait. Et puis... ce n'était qu'un verre ou deux, ce n'était pas grand chose non plus.

- Et bien, tu me propose quoi cher cousine ?!

Je lui fis un sourire avant de me diriger vers le placard à alcool, qui ne devait pas être bien rempli. Auparavant, quand j'étais à New-York il y en avait un peu plus. Mais je n'avais pas bu depuis bien longtemps. De toutes façons, je ne buvais pas une seule goutte d'alcool quand j'étais enceinte, et même en temps normal, je n'étais pas très alcool. Mais il fallait bien que j'ai quelque chose dans des moments comme celui-là par exemple. Et par chance, j'avais du vin !

- Une bouteille de vin, qu'on va pouvoir commencer ce soir et finir demain midi, si tu veux ! Ça te tente ?

Mon choix de boisson, porté sur le vin, sembla faire plaisir à Ella. J'avais donc judicieusement choisi en prenant la bouteille. Je partis dans la cuisine, et je sortis deux ballons à vin, en prenant garde à bien les poser doucement sur la table de la cuisine, pour ne pas les casser. Ce serait idiot de tout casser maintenant. Je débouchais la bouteille à l'aide d'un tire-bouchon, évidemment, et emportai le tout dans le salon. Une fois le tout sur la table basse, je nous servis deux verres, en prenant garde de ne pas en mettre partout. Rapidement, nous trinquâmes, tout d'abord à cette belle fête qu'est Noël.

- Et a nos retrouvailles inattendu qui me ravie de jour en jour !

Je ne pus m'empêcher de lui faire un grand sourire et de vouloir la serrer dans mes bras. J'étais tellement heureuse de l'avoir de nouveau avec moi. C'était incroyable, je n'aurais jamais pensé que ça puisse arriver. C'était un miracle, et le plus beau cadeau de Noël qu'on puisse me faire. Si seulement Matthew était là...

- Alors tu n'as pas fini d'être ravie ma grande, parce que ça va continuer ! A la tienne !

Nous bûmes toutes les deux du vin et je m'étonnai de la qualité de celui-ci. Je n'étais pas très douée en choix de vin. Peut-être que celui-ci datait d'avant, de quand Matthew était encore là. C'était lui l'expert, pas moi...

Ella but également une gorgée de son verre de vin, et je la vis apprécier pleinement la boisson. J'avais visé juste en sortant du vin, alors, parce qu'elle semblait vraiment adorer ça. Je n'en savais rien en fait, je ne connaissais pas les goûts de ma propre cousine et c'était vraiment atroce, en y pensant. Normalement, je devrais tout savoir de sa vie, de ses préférences et de ce qu'elle aimait.

- Il est vraiment bon... tu vas devoir me donner l'adresse ou tu l'as eu...

Je souris, en essayant de me rappeler vainement où et quand je l'avais acheté, mais il me semblait très fortement qu'il était en ma possession depuis longtemps. Bien avant que j'arrive ici. C'était étrange d'ailleurs que je l'ai gardé. Je m'étais sûrement dit que ça pourrait toujours me servir, et en effet, il me servait maintenant...

- J'adore le vin... j'ai fais un stage en œnologie avant de partir d'Angleterre, mais j'espère qu'un jour je pourrai en faire un en France... Et maintenant je passe pour une alcoolique !

Je ris doucement. Une alcoolique ? Parce qu'elle aimait le bon vin et qu'elle avait décidé de s'y intéresser d'un peu plus près ? Certainement pas ! Si j'avais du goût pour le vin, je m'y intéresserais aussi, très certainement. Je n'aimais que le boire personnellement et encore, je ne reconnaissais pas une marque par rapport à une autre, pour ça, je faisais confiance aux connaisseurs.

- Matthew adorait le vin, ça doit être lui qui avait acheté celui-là, je pense. Il a fait plusieurs stages lui aussi. Mon Dieu, heureusement qu'il n'est pas là aujourd'hui il t'aura tenu la discussion sur les vins jusqu'à ce que tu partes demain soir !

Alors que je repensais à tout ce que Matthew était capable de dire à chacun sur le vin, j'entendis Ella se mettre à rire à son tour. Elle devait imaginer mon mari, se tapant un monologue infini sur la boisson. Et maintenant, c'était plutôt lui qui passait pour un alcoolique. Cette pensée me fit sourire. Hormis le vin, il n'aimait pas boire. Il avait eu de légers soucis avec l'alcool par le passé, et le jour où il avait frappé son ex-femme en étant sous l'emprise de l'alcool, il avait absolument cessé de boire plus que de raison.

- Je suis sûre qu'il m'aurai appris beaucoup de chose ! Je ne suis qu'une novice....

Je souris, avant de hocher la tête. Il en savait, des choses, mon Matthew. Il était bien plus cultivé que la plupart des gens, sur n'importe quel sujet. Il n'était pas qu'excellent en musique, au contraire. C'était ça qui m'avait charmé chez lui. Il était le meilleur compositeur contemporain que je connaisse et il ne passait pas non plus sa vie à jouer. C'était bon.

- Oh non, crois-moi, il t'aurait plus ennuyée qu'autre chose. Il fallait l'arrêter avant qu'il ne s'emporte trop ...

C'était étrange, la facilité avec laquelle j'arrivais à parler de Matthew, en ce soir de Noël... Etrange parce que d'habitude, j'étais moins sereine que cela. A croire que la magie de Noël est réelle...

Ella ne semblait pas convaincue par ce que je lui disais. Quoi, elle aurait vraiment écouté Matthew jusqu'au bout ? Certainement pas ! D'abord parce qu'au bout d'un moment, il se serait mis à radoter, et ensuite parce qu'elle se serait endormie en l'écoutant, je pouvais y mettre ma main à couper !

- Je ne sais pas, j'adore écouter les autres quand le sujet m'intéresse, c'est peut-être un peu pour ça que j'adorai mes cours de médecines !

Alors qu'Ella partait dans ses pensées, je la regardai attentivement. Elle devait revoir ses années de fac, assise sur des bancs en bois, le regard rivé à ses feuilles pour ne rien louper de tout ce que les profs pouvaient dire. Si seulement mes étudiants étaient ainsi... Ça me donnerait un peu plus envie de travailler.

- Tu te serais vraiment bien entendue avec lui... il aurait fallu qu'on se retrouve deux ans plus tôt, ça aurait été suffisant...

Je revins rapidement sur terre en remarquant qu'Ella me regardait sans rien dire. Je n'avais pas envie de plomber l'ambiance en parlant de Matthew, mais ça me faisait du bien et puis... j'en avais besoin, sûrement. Sinon je ne le ferais pas.

- Qu'on ai jamais coupé contact aurait été encore mieux, on a perdu beaucoup de temps.... C'est vraiment, vraiment dommage...

Elle but une nouvelle fois, alors que je baissai les yeux. C'était clair que nous n'aurions jamais dû être séparées. C'était difficile de repenser à tout cela. Mais nous avions suivi nos routes, Ella avait fait de la médecine, j'avais fait de la musique, j'avais été à New-York pour étudier et j'avais tourné autour du monde. Quoi que nous ayons pu faire, nous nous serions perdus de vue.

- Mais bon aujourd'hui nous sommes réunis, et personne qui décidera si oui ou non ou doit se voir !

Je souris, avant d'hocher vivement la tête. Elle avait raison, nous allions rester ensemble pour longtemps. Maintenant que je ne faisais plus de musique de façon professionnelle, j'allais rester sédentarisée à Toronto. Il était temps que je me pose, avec mes enfants, et que je mène une vie normale. C'était assez paradoxal pour moi de penser cela, puisque pour moi, tourner autour du monde et faire des concerts était une vie parfaitement normale...

- Je suis parfaitement d'accord avec toi ! Rien ni personne ne nous dira quoi faire, Ella ! On est adultes maintenant !

A mon tour, je pris une nouvelle gorgée de vin. J'étais tellement heureuse de pouvoir dire cela, de pouvoir dire que nous étions libres de faire ce que nous voulions, quand nous le voulions et avec qui nous le voulions.

- Et bien contente de l'être !!

Je ris avant de trinquer une nouvelle fois avec elle, à notre nouvelle vie ensemble, toutes les deux. Ça me paraissait tout à fait légitime d'en être heureuses. Même si, il fallait bien le dire, j'aurais préféré avoir Matthew et les enfants avec moi. Mais bon, on ne pouvait pas tout avoir. Il me manquait terriblement, cependant...

- Tu sais je n'ai jamais eu des nouvelles de ma famille... et bizarrement ça ne me manque pas....

Je repris contact visuel avec Ella. C'était tellement étrange de l'entendre dire ça. En même temps, dans son cas, j'aurais été pareille. Je n'aurais certainement pas apprécié ne pas avoir reçu de réponse ou même de signe de vie de ma famille, mais j'aurais dit la même chose, que ça ne me manquait pas. Après tout...c'était ce qu'il se passait avec ma mère, également.

- Tu sais, je pense qu'il faut avancer. Ils ne se rendront compte que trop tard de ce qu'ils ont perdu. Et toi tu auras déjà ta vie de ton côté... N'y prête pas attention...

Je voyais déjà dans ses yeux la réponse, mais Ella n'hésita pas à me dire que j'avais raison. En même temps, nous étions dans la même situation. Elle s'était enfuie d'un univers qu'elle n'appréciait pas, chez ses parents, et je m'étais enfuie loin de mes amis, de ma mère, de tout un passé que je ne pouvais plus supporter. Nous étions similaires.

Au fur et à mesure que la soirée avançait, nous continuions de papoter, comme deux meilleures amies le feraient lors d'une soirée. J'adorais cette ambiance si bon enfant, et c'était vraiment bon. Et je savais qu'elle pensait la même chose que moi ! Enfin, l'horloge sonna les douze coups de minuit, et nous étions finalement le vingt-cinq décembre.

- Joyeux Noël cousine !

Je souris avant de la serrer doucement dans mes bras. Un nouveau Noël sans lui, mais un Noël avec ma cousine retrouvée. C'était un mal pour un bien, finalement et je pris la décision d'avancer, en un instant, comme ça. La nouvelle année serait celle du renouveau, de ma renaissance, peut-être aussi d'une nouvelle aventure. Je devais aller mieux, pour mes enfants, pour mon entourage, pour moi même aussi !

- Joyeux Noël Ella ! On va passer le meilleur Noël au monde !

Ella semblait vraiment heureuse d'être ici. Je ne dirais jamais assez combien j'étais fière et combien j'avais envie qu'elle soit encore plus heureuse qu'elle ne l'était, si c'était possible. Et c'était toujours possible !

- Oui, il l'est déjà, tu as raison !

Alors que je me détachais d'elle et reprenais mon verre de vin à la main, elle partit vers le sapin et récupéra l'un de ses cadeaux qu'elle vint me donner juste après, avec un grand sourire. Je sentais son ton espiègle, je savais qu'elle était très fière de ce qu'elle m'offrait alors.

- Je n'attends plus, ouvre le !

Je souris en prenant bien mon temps pour déchirer le papier cadeau, avec douceur et précision, sans le mettre en miettes. Il y avait un écrin rouge à l'intérieur, que je m'empressai d'ouvrir après avoir regardé Ella d'un air réprobateur. Elle n'avait pas à m'offrir de trucs trop chers, il fallait qu'elle garde son argent, même si je savais que l'argent ne lui manquait pas.
A l'intérieur, se trouvait un pendentif en forme de violon, accompagné d'une chaîne en argent. Le violon, pas trop gros ni trop voyant, était fin, et je fus bouche bée devant un tel cadeau. Je comprenais mieux pourquoi elle était si pressée que je l'ouvre !

- Mais tu es cinglée ? Il est magnifique, ça a dû te coûter un bras ! Merci !!!

Je la serrai de nouveau contre moi, avant de m'emparer du bijou pour l'accrocher autour de mon cou. Il était magnifique, vraiment beau, et très bien choisi !