Douglas semblait vraiment déçu par cette erreur qu'il avait fait. C'était horrible, en y pensant, et je savais qu'il devait se sentir mortifié, au fond. Je le voyais dans ses yeux, et je savais qu'il ne devait pas ressentir de la joie vis-à-vis de tout cela. Mais je n'allais pas le tuer, je n'allais pas lui hurler dessus, je n'allais même rien faire, parce que ce n'était pas de ta faute. Il ne l'avait pas vue, cette fille, et ce n'était pas grave, puisque David en avait fini avec cette histoire ! Il n'était plus avec elle, elle ne le voyait plus, sauf à l'hôpital, pour travailler.

Nos commandes arrivèrent peu de temps après, apportées par une serveuse à peine polie, et j'attendis un peu avant de boire une gorgée de mon café. Douglas s'empressa de s'emparer de sa tasse pour s'occuper les mains. A croire qu'il était vraiment gêné par le fait que David ait eu une autre petite amie que moi. A sa place, j'aurais été plus gênée par notre aventure à tous les deux, plutôt que par le fait qu'il n'avait pas vu une femme dans les bras de mon homme. Je ne lui en voulais pas. J'aurais pu lui en vouloir, mais à quoi bon ? Même lorsque je l'avais appris, je n'avais pas pu le blâmer. Il avait fait un gros travail en retrouvant David, et c'était peine perdue au départ. Il avait fait un miracle pour moi, et je ne pouvais pas lui en vouloir. Vraiment pas !

« Tout fini bien, David est retourné rapidement dans tes bras, et il t’a même demandé en mariage, je crois que tu as tout gagné pour être heureuse ma belle ! »

Évidemment que tout s'était bien fini et heureusement. David n'aurait quand même pas osé la choisir elle plutôt que moi ? S'il l'avait fait, je pense que j'aurais pu me suicider, parce que plus rien n'aurait valu la peine d'être vécu, sans lui. Depuis, nous avions eu quelques soucis, certes, mais ce n'était rien, comparé à ce que nous venions de vivre et je n'en avais plus peur, de l'avenir. Nous étions seuls, tous les deux, seuls au monde, et ça n'aurait jamais dû arriver... mais c'était parfait comme ça !

« Et c'est parti pour durer ! J'ai hâte de pouvoir me marier, d'ailleurs... »

J'avais dit tout haut ce que je pensais tout bas, en réalité. Je n'avais pas l'intention de dire cela à voix haute, mais tant pis, c'était fait, et Douglas semblait ravi par cette idée. Il devait m'imaginer dans une robe blanche. A vrai dire, c'était ainsi que je m'imaginais également et j'avais hâte de pouvoir la choisir cette robe... et de la porter pour l'unique fois de toute ma vie ! Tout comme j'avais hâte de pouvoir avoir une alliance, en plus de ma bague de fiançailles.

« Et puis.. oui je suis heureuse. C'est entièrement grâce à toi, Douglas. Je te le redis, et je pense que je te le dirai encore un bout de temps... »

Cette fois, considérant que j'avais assez attendu pour boire une gorgée, je portai la tasse à mes lèvres en sirotant doucement le café. Il était un peu trop amer, mais tant pis, j'avais déjà utilisé le sucre en poudre que l'on avait apporté avec. Je continuai de regarder Douglas à travers mes cils. Finalement, cette conversation ne se passait pas si mal. Nous n'avions cependant plus beaucoup de temps à passer tous les deux. Chacun devrait repartir bien vite pour vivre sa vie. Et je ne savais pas si je devais garder contact avec lui. David n'aimerait pas cela... mais Douglas était quand même quelqu'un que j'appréciais. Et puis, nous n'avions rien fait. En réalité, même si je l'admettais tout de même, je ne trouvais pas que j'avais commis un adultère. David et moi n'étions plus ensemble, depuis trois ans ! Il n'avait rien à me dire...

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Douglas eut vite fait de me dire qu’il n’avait pratiquement rien fait et je secouai automatiquement la tête. Non, définitivement, sans lui, je n’aurais jamais pu retrouver les bras de David. J’avais peut-être suivi sa trace pendant des mois, des années, mais je n’avais jamais réussi à le retrouver vraiment. Douglas m’avait énormément aidée, et je ne pourrais même pas imaginer ce que j’aurais fait s’il n’avait pas été là. Lorsqu’il ajouta qu’il me souhaitait tout le bonheur du monde, parce que je le méritais, je crus que j’allais lui répondre en disant qu’il avait raison. En effet, il y avait un moment où il fallait se rendre compte de tous les efforts faits, et de tous les obstacles traversés, et comprendre que oui… à la fin, on méritait un peu de bonheur. Il nous restait encore des épreuves à passer, mais ça viendrait, le bonheur plein et entier. Nous y arriverions et j’avais foi en nous. Sans Douglas, ça aurait pris des mois, des années de plus qui sait ?

« Dans tous les cas, si un de ces jours tu as besoin de trouver quelqu’un même quelque chose, n’hésite pas à me recontacter, même si tu veux simplement parler. Je serai là !
- Promis ! »

Cette fois-ci, je revins dans l’instant précis, en lui faisant un grand sourire, et en essayant de ne pas penser à la réaction que David aurait eu en m’entendant dire une chose pareille à l’homme avec qui je l’avais trompé. Mais j’étais grande, je savais que je ne le referais plus, et puis pourquoi le ferais-je ? David n’aurait aucune raison d’être jaloux, parce que je l’avais lui et qu’il me suffisait amplement ! Mais c’était adorable de la part de Douglas de me dire une chose pareille. J’imaginais aisément que dans sa tête, il repensait aussi à ce que nous avions fait… et puis il avait une copine désormais, alors il n’y avait aucun danger. C’était un type plutôt cool et je lui offrirais ma vie si c’était possible pour m’avoir m’aidée.

« Tu as toujours mon numéro, non ? »

Avant même que j’ai le temps de sortir un papier et un crayon de mon sac, Douglas me répondit précipitamment que c’était le cas et qu’il l’avait encore dans son téléphone. Bien. Je n’aurais pas besoin de lui redonner. De fait, je repris :

« Toi aussi, appelle-moi, si tu as besoin. On ne sait jamais… si ta copine t’intimide encore dans le futur … »

Avec un sourire et un clin d’œil je vis le jeune homme rougir et je me sentis incroyablement satisfaite d’avoir pu le faire rougir comme ça. Je ne pensais pas que ce serait le cas, et j’étais fière de moi, pour le coup. Néanmoins, la conversation allait couper court, si nous parlions déjà de nos rencontres et discussions futures. Enfin.. nous avions des choses à faire tous les deux. Lui son dîner à préparer, et nous avions tous les deux des produits surgelés et il était hors de question que je refasse les courses si tout avait dégelé. Néanmoins, je n’avais pas envie d’être la première à dire que je devais m’en aller…

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Ces derniers mots, je les pensais. Ce n’était pas parce que David ne l’aimait pas – ou plutôt le détestait sans le connaître – que je devais m’interdire de le voir, du moins de lui parler. Je savais que c’était totalement contradictoire avec tout ce que je pensais auparavant, mais je n’en avais rien à faire en fait. A la limite, s’ils se rencontraient, tous les deux, ils pourraient se connaître et David pourrait lui faire confiance ! De toutes façons, il n’avait qu’à me faire confiance. Si c’était le cas, s’il me faisait confiance, alors il n’aurait pas de problèmes avec Douglas. Mais je devais bien admettre que ce n’était pas le cas. Il me croyait encore capable d’aller voir ailleurs. Et moi… je ne lui faisais pas totalement confiance non plus quand je savais qu’il allait à l’hôpital et qu’il serait amené à travailler avec son ex.

« Je penserai à toi si un jour Amelia me rend chèvre ! Un avis féminin est toujours bon à prendre. Un autre que ma sœur surtout ! »

En hochant la tête, je lui fis comprendre qu’il pouvait m’appeler pour me demander conseil, mais pas que ! Si jamais il voulait un jour faire une surprise à sa copine… je pouvais l’aider et le conseiller. J’étais calée en surprises organisées par des hommes maintenant et je pouvais tout lui dire, sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Cependant, je ne pensais pas qu’à cela, sur le coup. Il venait de parler de sa sœur. Il avait une sœur ? C’était très étrange, en réalité, je l’imaginais plutôt enfant solitaire, fils unique. Je ne savais pas trop pourquoi, mais c’était comme ça que je le voyais. Alors qu’il ait une sœur me surprenait au plus haut point, étrangement.

« Ma petite sœur, Clara… Comme elle veut toujours tout savoir je lui raconte une grande partie de ma vie, et elle me commente tout, un vrai bout en train ! »

Une petite sœur en plus. Tout ce que j’avais toujours voulu. Je voulais être une grande sœur et m’occuper d’un bébé, et ensuite jouer avec elle, et ensuite la protéger à l’école et plus tard encore. Je ne l’avais jamais eue, et je l’avais toujours regretté, d’ailleurs, mais la vie était comme ça. Et je n’allais pas être jalouse de Douglas pour autant, ça aurait été ridicule ! En tout cas, je l’imaginais bien très enquiquineuse, sa sœur, d’après ce qu’il m’en disait, mais c’était normal qu’elle lui demande tout, il devait être important pour elle, et comme un modèle : c’était souvent le cas des cadets, qui cherchent à imiter leurs aînés, non ?

« Oh, je suis sûre qu’elle est adorable ! Tu n’as qu’une sœur ? Pas de frère ? Ou pas d’autre sœur ? »

Je savais que c’était personnel, que c’était sa vie privée, mais je ne pensais pas qu’il m’en voudrait de lui demander des choses pareilles au contraire. On se connaissait un peu mieux désormais, et avec tout ce qu’il savait sur moi, je me disais que je pouvais bien lui demander des choses sur lui, non ?

« J’aurais aimé en avoir une, tu sais. En fait, je ne me rends pas compte, parce que je ne sais pas ce que ça fait réellement, mais si j’en avais eu une, je l’aurais trop chouchoutée ! »

C’était comme ça que je me voyais en tant que grande sœur, et pourtant, tout le monde à l’époque me disait qu’avoir des frères et sœurs était un calvaire… je ne partageais jamais leur avis, cependant. Et je ne le partagerais sûrement jamais… En attendant, j'avais David. Ce n'était pas mon petit frère, mais je m'occupais de lui quand même, et il faisait pareil avec moi !

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Alors il était bel et bien seul avec une sœur. Je ne savais pas pourquoi je n’arrivais pas à m’y accommoder, pourtant, je n’aurais jamais dû imaginer Douglas seul, sans frère et sœur, parce que je ne le connaissais pas … et que désormais je savais que c’était faux. Enfin, peu importait. Il avait eu une sœur à chouchouter, lui. Quel chanceux ! Il ne savait même pas à quel point. Mais tout aurait été différent si j’avais eu une sœur ou un frère, non ? Je n’aurais certainement pas dit la même chose : j’aurais dit que j’aurais été bien mieux toute seule, fille unique. L’être humain n’est jamais foncièrement content avec ce qu’il a, de toutes façons, de la même façon que les femmes aux cheveux bouclés voudraient avoir les cheveux raides et inversement. Tout était un éternel recommencement, un éternel gâchis… et personne ne pouvait rien y faire !

« Ce qui te donne toutes les qualités pour être une bonne mère. »

Une bonne mère ? En réalité, je n’en savais trop rien, mais c’était tout ce que je voulais être ou plutôt devenir : une bonne mère, comme ma propre mère l’avait été. J’adorais les enfants, et ce serait encore pire quand ce serait mes propres enfants. Je ne pourrais même pas oser les voir grandir, j’aurais trop peur de ça. J’avais déjà hâte d’en avoir, et j’en voulais plein. Je savais que David n’en était pas encore là, lui. Nous n’en avions pas discuté depuis que j’étais arrivée, parce qu’il y avait un temps pour tout, et ce n’était pas maintenant. Mais je savais qu’il en voulait, au moins. C’était déjà ça. Combien ? Aucune idée. Mais ça, je ne pensais pas que je lui laisserais fondamentalement le choix. C’était moi qui déciderais, principalement parce que c’était moi qui porterais les enfants et qui accoucherais. Et aussi parce que David ne pouvait rien me refuser !

« J’espère de tout mon cœur que je serais une bonne mère oui… enfin, on y est pas encore, hein ! Je suis encore jeune et j’aimerais bien encore profiter un peu de notre tranquillité, avec David, tu comprends ? »

Oui, c’était mes plans pour le moment. Nous venions à peine de nous retrouver, je n’avais que vingt-cinq ans et lui vingt-six, nous avions encore bien le temps avant de commencer à fonder une famille. Déjà, nous venions à peine de nous fiancer, et je ne savais pas si mes parents pourraient supporter trop de bonnes nouvelles d’un coup. Ils n’y étaient plus habitués, et si je leur disais qu’on allait faire un enfant dans peu de temps, ils pourraient en faire une syncope. Et je n’avais pas envie d’enterrer qui que ce soit pour l’instant et avant un bon bout de temps.

« Et toi, des enfants ? Un jour, peut-être ? Avec ta copine ? »

Le visage de Douglas blanchit un peu devant mes questions et je ris doucement en rougissant, me rendant bien compte que j’étais de nouveau indiscrète et qu’il n’avait sûrement pas envie d’en parler maintenant, et surtout pas avec moi, bien entendu.

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Pourquoi il fallait toujours que je pose des questions trop personnelles à des personnes que je ne connaissais pas assez pour cela ? C’était ridicule de ma part. Comment pouvais-je demander une chose pareille à Douglas ? On ne s’était vus que pour les recherches, et nous avions couché ensemble, il connaissait pas mal de choses sur moi, mais à l’inverse, je ne connaissais rien de lui et je ne pouvais pas lui demander ça. Ce n’était pas bien, et ça ne me concernait pas, bien au contraire. Mais c’était venu tout seul : on avait parlé de nos futurs enfants à David et moi, de mon rôle de mère en quelques mots, et … je ne savais pas quoi dire, alors j’avais retourné la question. J’aurais peut-être mieux fait de me taire.

« Bah… si Amelia est la bonne, oui je me vois bien avec des enfants, mais on en a pas du tout parler encore, même si j’arrive bientôt à trente ans… »

Oh… il ne semblait vraiment pas sûr de lui en ce qui concernait les enfants. Il était clair qu’il n’y avait pas spécialement réfléchi jusque là. Il n’était pas comme moi, c’était sûr. J’en vins à me demander à partir de quand David avait réellement pensé à tout cela. Il connaissait mes ambitions, mes envies et les respectait. Mais je ne savais même pas s’il voulait tout ce que je voulais, et je ne lui avais jamais demandé. Cependant, pour moi, il était presque certain qu’il allait vouloir tout ce que je voudrais, non ? Il avait toujours été comme ça !

« L’âge ne veut rien dire, Doug. Tu ne seras pas le premier à attendre aussi longtemps, et tu ne seras pas le dernier ! »

J’espérais le rassurer un peu là-dessus. Il ne fallait pas qu’il se dise qu’il était en retard là-dessus. Il fallait dire que j’étais très en avance, en réalité. J’avais toujours su ce que je voulais. Et de plus, s’il ne s’était pas passé ce qui nous était arrivés, à David et moi, j’étais pratiquement sûre que je serais déjà maman à l’heure actuelle. Mais la vie était faite ainsi, n’est-ce pas ?

« On a pas encore trouvé le temps d’en discuter je dois te l’avouer, je ne sais même pas si elle veut une famille… Et avant aujourd’hui je ne le savais pas moi-même… »

Je fronçai doucement les sourcils. Que voulait-il dire par « avant aujourd’hui » ? Est-ce que je venais juste de le faire changer d’avis là-dessus ? Ou de lui donner un avis, justement ? Peut-être qu’il avait envie d’avoir des enfants désormais ? Je connaissais de nombreuses personnes qui ne voulaient vraiment pas de progéniture, au départ. Mais le bonheur d’avoir un enfant, de pouvoir l’élever et l’aimer plus que soi-même, c’était quelque chose de génial, et combien de personnes changeaient d’avis en cours de route, et fondaient une famille ? Des tas !

« Vous avez le temps de voir venir, ça ne fait pas si longtemps que ça que vous êtes ensemble, tous les deux ! »

Il était vrai que si on comparait entre David et moi et leur couple… eh bien, il était logique que je veuille des enfants, par rapport à lui, ou bien à sa copine. Je ne savais pas quel âge elle avait, cette Amelia, mais ce n’était pas la peine qu’ils se prennent la tête avec ça maintenant. Ils auraient bien le temps plus tard. Et en pensant cela, j’avais l’impression d’être une vieille grand-mère, déjà… était-il possible que j’aie mûri à ce point-là ? Non. Clairement pas. Cette sagesse, je ne savais même pas d’où je la tenais !

« Tu seras génial en papa, j’en suis sûre, néanmoins. Et si j’avais un papa détective, je serais super fière ! »

Là, c’était plus comme moi, comme ce que je disais d’habitude. Je lui fis un grand sourire, en le regardant s’amuser de ma remarque. Mais c’était la vérité. C’était quand même plus cool qu’un père chef d’entreprise comme le mien. C’était moins commun !

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Evidemment, je remarquai rapidement que mes mots eurent un effet sur Douglas. N’importe quel enfant devait être fier de ses parents, et ça faisait rêver n’importe qui de se dire qu’un jour ou l’autre, des enfants le prendraient en modèle. Par exemple, j’avais hâte d’entendre deux ou trois enfants m’appeler maman et m’adorer pour ce que j’étais, ainsi que de les voir courir dans les bras de leur père, quand il rentrerait de l’hôpital, le soir. Je voulais tout cela, je le voulais plus que tout au monde, et rien ne pourrait m’empêcher de le vivre. J’imaginais aisément que Douglas le désirait aussi. Pas immédiatement, certes, mais ça viendrait !

« Mes tes enfants seront bien garnie aussi, un père médecin ce n’est pas rien ! Ma mère était infirmière, la fierté d’avoir un parent qui arrive à prendre part dans les soins d’une personne, c’est une grande fierté. »

En souriant, je l’écoutai me parler de sa mère. Une infirmière… je voyais qu’on avait un point commun : il y avait quelqu’un qui faisait partie d’un personnel médical dans la famille. De mon côté, ce n’était pas vraiment notre truc les médecins et tout ce qui touchait aux sciences. On était plutôt portés sur l’économie et la littérature. J’avais eu de la chance d’ailleurs de pouvoir découvrir autre chose que l’économie, grâce à ma mère. Parce que diriger une entreprise, ce n’était pas vraiment mon dada premier. Je préférais traduire des trucs, c’était plus drôle. Mais le temps filant, j’avais développé un certain amour pour le management et en ayant mon diplôme, j’avais  commencé à vraiment me rapprocher un peu plus du boulot de mon père. Non, les médecins, ce n’était pas chez nous, c’était du côté de David. C’était ce qu’il avait toujours voulu faire, selon moi. Je l’avais toujours entendu me dire qu’il voulait devenir médecin et sauver des gens, dès ses dix ans, déjà. C’était une véritable vocation chez lui et de toutes façons, je ne l’aurais pas vu ailleurs, finalement. Il était brillant dans ce domaine, c’était le meilleur… oui, définitivement, nos enfants seront fiers de lui également !

« Tu as déjà réfléchis aux nombres d’enfants que tu voudrais ? »

Mon regard dut briller d’un nouvel éclat, parce que Douglas me fit un sourire en voyant ma tête. S’il savait… Evidemment que j’y avais déjà réfléchi ! Tout était prévu dans ma tête ! Réglé comme du papier à musique ! Il n’y avait plus qu’à attendre un peu, que tout aille vraiment bien, que je trouve un boulot, que nous sachions quoi faire, rester à Toronto ou bien repartir ailleurs, et trouver une maison, éventuellement. Une fois que nous serions bien, David et moi, alors on ferait des enfants. Pour moi, c’était aussi simple que cela, et je n’allais pas changer de cap.

« Oh, j’en veux au moins deux, et je ne dirais pas non à un troisième, voire plus, éventuellement ! »

Je vis le regard de Douglas s’agrandir. Il ne devait certainement pas s’attendre à cette réponse et de fait, je m’esclaffai doucement, en me rendant compte que je devais avoir l’air d’une véritable psychopathe à savoir à l’avance tout ce que je voulais. J’avais même déjà des idées de prénoms, que je garderais pour moi-même, même si je ne savais même pas si j’aurais des garçons, des filles, ou les deux.

« Ça fait un bout de temps que j’ai pu réfléchir à tout ça… t’en fais pas, c’est un truc de fille ! »

D’ailleurs, je n’étais même pas sûre que David sache tout cela. Il savait que je voulais des enfants, il savait que j’en voulais plusieurs, mais je n’étais pas certaine qu’il sache à quel point je les voulais et que je ferais tout pour qu’ils passent avant moi. Si j’en avais deux, j’en aurais deux, ok… mais s’il en voulait plus, je ne me lasserais sûrement jamais d’être enceinte, et surtout pas de lui. Et puis, on pouvait se le permettre, non ? On avait de l’argent tous les deux, lui comme moi, et je n’avais pas envie de faire autre chose que d’élever des enfants, même si je savais qu’il faudrait quand même que je travaille. Enfin… il était encore tôt pour s’avancer à ce point !

« Je dois t’effrayer un peu avec tout ça… »

Je lui adressai un sourire d’excuse. Je savais que toutes les femmes n’étaient pas aussi vertueuses que moi quand il s’agissait de parler d’enfants. Je savais qu’il y en avait beaucoup qui attendaient le plus possible avant d’en faire, mais moi c’était le contraire. Je les voulais le plus tôt possible…

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Douglas eut l’air de réfléchir quelques instants et finit par me répondre que je ne l’effrayais pas… sauf si sa copine était comme moi et qu’elle avait déjà tout prévu. Surprise par cette réponse, je ris, en me disant qu’il ne devait pas exister quelqu’un d’aussi pressé et complètement folle que moi. Il n’aurait pas à s’inquiéter. Si je n’étais avec David que depuis quelques semaines, voire quelques mois, jamais je n’aurais pensé aux enfants, bien au contraire. Mais là… ça faisait des années que j’étais avec lui… ce qui n’empêchait pas que je pensais aux enfants que je voudrais bien avant de me mettre avec lui. Ma théorie et mon excuse ne tenaient pas debout.. Bien. Alors peut-être qu’il fallait qu’il ait peur, en effet.

« Je devrais lui en parler un de ces jours, histoire de savoir ce qu’elle pense de tout ça. Je prendrais peur peut-être après si ses réponses sont inquiétantes. »

Cette fois, nous rîmes ensemble et je le regardai boire une gorgée de son deuxième café, qu’il venait de commander, avec tendresse. Pourquoi de la tendresse ? Aucune idée, mais je l’appréciais, Douglas, je lui étais reconnaissante pour la vie entière et, malgré le fait que David soit jaloux, je ne pouvais pas imaginer couper les ponts avec lui. Ce n’était pas comme si on allait refaire la bêtise de coucher ensemble, non plus. En tout cas, il avait l’air vraiment éperdu d’amour pour sa copine, et je n’avais pas de soucis à me faire. David non plus, du coup.

« Demande-lui alors, mais je ne pense pas qu’elle soit aussi cinglée que moi. Rappelle-toi que j’ai cherché mon homme pendant trois ans. Il faut être barge pour ça ! »

Avec un clin d’œil, en me coinçant la langue entre les dents en souriant, je l’entendis de nouveau rire, et cette fois-ci, je fus sûre et certaine que tout allait bien, que rien ne déraperait une fois de plus. J’étais contente d’avoir cet effet sur lui, le faire rire et tout ça. Je me rendais compte que le passé était bel et bien derrière moi, et que je n’en souffrais plus autant, sinon je n’aurais jamais blagué sur mes recherches. Elles avaient été si douloureuses que je ne pensais pas que la douleur s’arrêterait, même après l’avoir retrouvé, et finalement… c’était bien le cas. C’était peut-être grâce à sa demande en mariage, ou alors grâce au quotidien avec lui, mais plus le temps passait et plus j’arrivais à en parler, et à en rire aussi. La preuve était là.

« Tu t’y connais en droit, Douglas ? »

C’était une question totalement incongrue, je m’en doutais, mais je venais de penser à une chose, et je n’osais pas trop demander à mes parents, ou bien même à David ce qu’ils pensaient là-dessus. La réalité, c’était que je ne voulais pas spécialement que mes enfants aient la nationalité canadienne, s’ils venaient à naître ici, ce qui serait probablement le cas… et je ne savais pas ce qu’il fallait pour que ce ne soit pas le cas…

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C’était ridicule, je n’avais pas besoin d’en parler avec Douglas. Je n’avais qu’à poser des questions à une mairie, ou quelque chose du genre. Douglas n’avait vraiment pas besoin d’entendre parler de tout cela, c’était mon problème – notre problème, à David et moi – et ce n’était pas à lui de me chercher des informations. Mais peut-être qu’il connaissait la réponse et que de fait, je n’aurais pas spécialement besoin d’aller m’informer dans une mairie.

« J’ai étudié un peu de droit pour entrer dans la police, et j’essaie de me tenir au courant des dernières lois pour mon boulot. Pourquoi ? »

Parfait alors ! C’était quelque chose de basique selon moi, alors il devait bien savoir ça. Et s’il ne savait pas, ou bien si la loi avait changé, ce n’était pas grave, je me débrouillerais autrement, ce n’était pas important.. du moins pour l’instant ce n’était pas important, parce que nous n’aurions pas d’enfants avant un petit bout de temps quand même. Mais du coup, je voyais dans le regard de Douglas que j’avais éveillé sa curiosité en lui demandant une chose pareille et il voulait en savoir plus. Je ne pouvais plus me défiler… et de toutes façons, pourquoi le ferais-je ? Je n’avais pas envie, tout ce que je voulais, c’était savoir ce qu’il fallait que je fasse, s’il y avait des démarches à suivre pour que mes enfants ne soient pas forcément canadiens.

« Non aucun soucis, ne t’en fais pas. En fait, c’est pas vraiment pour moi. Tu vois je me disais qu’avec David on resterait probablement ici pour un bout de temps… à Toronto, je veux dire… »

Je ne savais même pas comment lui demander cela, et d’un coup, je fus de nouveau toute gênée, embarrassée de parler d’enfants devant lui. Pourtant, nous venions de le faire et ça ne m’avait pas dérangée, et lui non plus d’ailleurs. J’imaginais que c’était parce qu’il s’agissait de quelque chose de potentiellement vexant pour lui. Il était Torontois d’origine après tout, et ne pas vouloir de sa nationalité, c’était peut-être méchant de ma part… mais néanmoins, j’avais commencé et je devais finir, parce qu’il attendait.

« Est-ce que tu sais comment je pourrai faire, quand j’aurai des enfants, pour qu’ils aient notre nationalité ? Parce que… techniquement, s’ils naissent ici, ils devraient être canadiens, non ? »

Et voilà, je commençais à partir dans des hypothèses, alors que j’en savais foutrement rien. Il faudrait vraiment que j’apprenne à me taire de temps en temps, pour ne pas froisser les gens et ne pas les embourber dans mes propres idées. Enfin ça, pour l’instant, j’en étais incapable… en plus avec Douglas, non c’était définitivement impossible pour moi !

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Etrangement, Douglas eut l'air vraiment soulagée que je lui dise cela. Comme s'il s'attendait à pire et qu'il croyait que j'avait eu un problème d'ordre judiciaire ou quelque chose du genre. Non, si ça avait été le cas, j'aurais directement été voir un avocat, et je n'aurais pas attendu plus longtemps. Mais qu'aurait-il pu m'arriver, honnêtement ? Je n'étais peut-être pas blanche comme une brebis, toute pure et innocente, parce que j'avais fait des choses peut-être un peu illégales durant la cavale de David, mais je n'avais jamais eu de soucis avec la loi ou la justice. Enfin, ça Douglas ne pouvait pas le savoir, bien entendu.

« Ce n’ai que ça… Tu auras le choix, tout comme eux à leurs 18 ans. J’ai eu le choix aussi, tu sais, je suis né en Angleterre, et je suis arrivé ici quand j’étais encore qu’un bébé. A mes 18 ans, j’ai pus choisir, si je voulais être Canadien, Anglais, ou avoir les deux nationalités. Mais renseigne toi, mais vos enfants pourront avoir les deux, la nationalité venant de toi et celle du pays ici… ils pourront être Canado-Ecossais… »

Avec une attention toute particulière, je l'écoutai m'expliquer tout cela. Je n'y comprenais pas grand-chose, en réalité. Comment se pouvait-il que des gosses décident de leur nationalité ? Alors si nos enfants naissaient ici, ils seraient automatiquement Canadiens, et ils changeraient après, s'ils le voulaient ? Etrange, mais visiblement, c'était bien ça. En tout cas, Douglas m'apprenait quelque chose : il n'était pas Canadien, alors. C'était un de nos compatriotes, et c'était une bonne nouvelle. Peut-être qu'un jour, David pourrait surmonter sa jalousie et son envie de lui en coller une pour pouvoir discuter avec lui. Enfin non, ça, ce n'était pas près d'arriver, finalement. Je revins cependant sur cette histoire de double-nationalité.

« Le problème, c'est que je ne sais pas si David voudra rester ici pour aussi longtemps que je le pense. Je veux dire, il a beaucoup bougé ces dernières années et peut-être qu'il voudra continuer. Et si nos enfants ont plusieurs nationalités, ce sera vraiment embêtant, non ? Enfin, c'est pas si important... »

Après tout, si c'était partout pareil, au niveau législatif, alors on n'aurait pas de problèmes, mais peut-être qu'il y avait des pays, des lieux où tout changeait et ce serait plus compliqué. Et puis même, je voulais que mes enfants soient au minimum britanniques, et ce serait plus simple pour chacun plutôt que de devoir faire des papiers dans tous les sens...

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Evidemment, j’avais l’impression d’ennuyer Douglas au plus haut point. Peut-être qu’il valait mieux que je me taise, et que je cesse de lui poser des questions sur quelque chose qui ne le regardait pas et qui ne l’intéressait sûrement pas. Pourquoi aurait-il envie d’entendre parler de ma future progéniture avec David ? Alors que nous avions couché ensemble lui et moi ? Non, c’était clair qu’il n’avait aucune envie de savoir ça. Résultat, il devait en avoir marre de moi. Je ne pouvais pas lui en vouloir non plus, de toutes façons. Il avait tenté de me répondre, et puis je n’avais qu’à demander à un vrai service, à quelqu’un qui connaissait ça sur le bout des doigts.

« C’est bien plus pratique d’avoir deux nationalités, au moins il n’aura pas besoin de visa pour certains pays. Mais sinon à la mairie ils pourront plus de renseigner, ça remonte à bien longtemps ces souvenirs. »

Oui, c’était bien ce que je pensais, il n’avait pas spécialement de continuer à me parler de ça, je m’en doutais. J’irais donc demander à la mairie, en prenant bien soin de me souvenir de tout ce qu’ils allaient me dire. Il faudrait sûrement que je prenne des notes, parce que c’était le genre de trucs que je ne comprenais pas. J’avais fait du droit pourtant, durant mes études. Mais ce n’était pas du droit comme ça que j’avais fait, mais plutôt du droit des affaires, des trucs commerciaux et économiques. En définitive, je savais comment m’y prendre pour pouvoir défendre mon entreprise, si jamais j’en avais besoin, mais par contre, je ne connaissais pas mes propres droits, ceux de David et ceux de nos futurs enfants. D’ailleurs… il faudrait peut-être que j’obtienne une green card pour travailler ici et pouvoir garder mon visa. Sinon je devrais repartir en Ecosse… et il en était hors de question, je ne partirais pas sans David. Plus le temps passait, et plus je me disais que le mien m’était compté.

« Je suis désolé Mackenzie, je vais devoir y aller…. J’ai un petit diner à faire, et comme la cuisine et moi ça fais trois… »

Je terminai mon café rapidement, en l’entendant me dire qu’il n’avait plus le temps pour me parler. Evidemment, je m’accaparai son temps pour rien, et il avait une vie à côté, il avait d’autres choses à faire que de rester avec moi. Il sortit de la monnaie pour payer nos consommations, alors que j’aurais voulu payer. Cependant, je le laissais faire, en comprenant que je n’aurais pas le choix et qu’il voulait payer.

« J’ai été ravie de te revoir, si tu as quoique se soit n’hésite pas. Et encore félicitation pour tes fiançailles tu mérites d’être heureuse.
-Merci Douglas ! Merci beaucoup ! On s’appelle, d’accord ? »

Il hocha la tête et finit par repartir avec ses sacs, et je le regardai en souriant, finalement ravie de cette entrevue. En réalité, j’étais coincée entre deux sentiments : très contente de l’avoir revu, et aussi presque triste de me dire que je n’allais même pas pouvoir en parler à David, parce qu’il allait être jaloux, et qu’il allait me poser des questions que je ne voulais pas entendre… Peu importait, je ne lui dirais pas, mais c’était vraiment dommage !

Finalement, je récupérai mon chariot à mon tour, et partis vers les garages à chariots pour l’y laisser et récupérer mes sacs pour rentrer en métro, tout en repensant à ce dont on avait parlé avec Douglas. On s’était promis de se rappeler, dans le futur… j’espérais qu’on s’y tiendrait et que l’on se reverrait. C’était une des rares personnes que je connaissais et à qui je faisais confiance à Toronto et je n’avais pas envie de perdre cela…