Le corps élancé et avec quelques traces restantes de sa grossesse à peine visible, la belle aurait pu être un superbe modèle photo si elle l’avait désiré. Désormais elle se décolore les cheveux pour opter sur une couleur blonde, car ce marron omniprésent lui rappelle celui de son géniteur. Ses iris sont d’un bleu superbe, teinté par de légères pointes noisette qui réhaussent le fond azuré.
Elle possède le prénom de son fils tatoué sur l’épaule gauche et a des traces de maltraitance notamment au niveau du dos.

Eteinte depuis de nombreuses années, les sourires de la demoiselle sont rares, hormis si ils sont destinés à son fils. Adieu sa spontanéité habituelle ! Son calme apaisant. Pour l’heure, Joanne n’est plus que tension. Elle répond sur la défensive hors de ces heures de travail et tente tant bien que mal de dompter sa nature, complexe, sauvage, afin de ne heurter personne. C’est une jeune femme active, dévouée, organisé et minutieuse. Même si elle possède encore les caractéristiques propres à son jeune âge, tel qu’une légère trace d’insouciance, elle tente de faire les bons choix pour offrir une vie respectable à son enfant.
Seule, elle craint parfois de traîner avec d’autres personnes, mais il suffit d’être patient pour gagner progressivement sa confiance. Sa facette la plus sage, la plus brillante, a laissé désormais place à un esprit débrouillard, presque aiguisé par les épreuves qu'elle a subi. Revancharde, rancunière et aussi tenace qu'un pitbull elle ne lâchera rien. Quant aux sentiments, pour l'heure elle ne voit ça que comme un moyen d'arrivé à ses fins. Ce coeur brisé se reconstruit petit à petit, bercé par le rire de sa petite merveille et le soutien des seuls proches qu'elle a gardé.

Imaginez une vie de princesse. Une vie de rêve, de jouets, de rire, de fêtes, de bals et de jolis draps de satin. Tout ça depuis l’enfance ! Un véritable conte de fête n’est-ce-pas ? Mais si je venais à vous raconter l’envers du décor avec ses démons les plus sombres peut-être prendrez vous finalement conscience de l’homme qu’est mon père. Car derrière les repas fastes, les longues réceptions, il n’y avait que les coups, les pleurs et la souffrance.
Mon premier souvenir restera à jamais ma mère se fardant devant sa coiffeuse. Elle tentait de cacher les bleus, comme d’ordinaire. Elle était belle. Tout de crème vêtue, le menton relevé de la façon la plus noble possible, elle appliquait le fond de teint calmement en retenant ses larmes. Pour la première fois j’avais trouvé la tristesse belle… Une erreur monumentale puisqu’au fond un enfant ne peux jamais réellement saisir le fond des choses.
Les années ont passés. J’ai grandi. Je suis devenue la petite fille parfaite portant constamment l’uniforme impeccable avec le petit nœud assorti dans les cheveux. On aurait pu penser que je sortais d’un tableau tous les matins tant mon quotidien était rythmé à la seconde près.
J’excellais dans toutes les matières, mais personne ne comprenait l’excellence à laquelle je me confrontais ; si je ne rapportais pas les meilleures notes les coups pleuvaient davantage et alors mes membres devenaient violets. Personne n’a jamais rien vu et si autrefois j’en éprouvais une certaine fierté, je réalise désormais mon erreur.
L’adolescence est arrivée tardivement, amenant avec elle son lot de problème. Mon corps a changé, mes envies aussi et malgré les menaces mon esprit trouvait progressivement le moyen d’éviter les pressions de ce paternel autoritaire. J’ai tenté de fuguer, de fumer, de sécher, d’aller en soirée… Bien entendu le résultat était toujours le même lorsqu’il apprenait la nouvelle : il réglait la question a coup de poings.
Mais cela ne faisait qu’enhardir mon esprit.
L’apogée de tout ceci a eut lieu lorsque j’ai décidé de m’embarquer dans une nouvelle épopée. Avec un objectif bien défini en tête, j’ai commencé à draguer un jeune prof, deux mois après ma rentrée à la faculté. C’était presque trop facile…
Un coup sur le bureau, rien de plus, rien de moins, et pourtant cela avait suffi pour entamer une liaison de quelques mois basé uniquement sur le sexe.
Inutile d’imaginer le scandale qui a éclaboussé notre famille quand notre « relation » a été rendue publique. Faut dire que celui qui a affiché une photo de nous deux partout sur les murs de la faculté n’était pas très malin… Ou peut-être avait-il été sensé d’obéir à mes désirs ?
Néanmoins, tout alla de mal en pis par la suite.
La rouste que j’ai subi en passant le pas de ma propre porte ce soir-là fut si violente que je fus envoyé aux urgences. C’est à cet instant précis qu’on a découvert que je n’étais plus seule. En mon sein grandissait un petit-être dont la taille demeurait dérisoire…
J’ai décidé de le garder au grand désarroi de ma mère. Malgré le bazar que j’avais semé, tous deux ont décidé de m’aider pendant ma grossesse et ce fut presque un soulagement à la maison d’avoir l’excuse du bébé. Mon père ne pouvait plus frapper, même si cela ne l’empêchait pas d’être violent, de hurler, de se venger sur ma mère. Cette période me sembla, en dépit tout, l’une des plus douce de mon existence. J’ai ainsi pu donner naissance à Théo dans de « bonnes » conditions. Le père, quant à lui, avait disparu depuis l’annonce de notre aventure, mais je ne m’y attachais guère ; il avait été un outil et non un véritable amour. Avais-je déjà réellement expérimenté l’amour après tout ? Non.
Mon modèle de père m’a finalement foutu à la porte en rentrant de l’hôpital, avec pour unique affaire un sac de sport gavé de plusieurs tenues et papiers. De là, j’ai dû me débrouiller par mes propres moyens. Heureusement que mes copines demeuraient à mes côtés, car gérer un nourrisson en plus du reste aurait été insurmontable.
Maintenant j’habite un appartement modeste situé au cœur du centre-ville. J’ai décidé de stopper mes études pour me consacrer à mon travail de serveuse. Théo a besoin de moi et j’ai envie qu’il vive correctement… Même si je dois effectuer un travail de nuit douteux pour y parvenir. Mon corps est ma plus belle arme parait-il... Merci papa de ne pas me l'avoir trop "casser".