L'adage qui veut que les apparences soient trompeuses, n'a jamais été plus vrai que pour Aaliyah. Un visage de poupée, une peau délicatement hâlé, la silhouette est frêle, les courbes généreuses et les jambes longues. Une étreinte trop brusque semble pouvoir la briser. Des yeux de biches, d'une clarté presque irréelle, candide et pétillant la plupart du temps. Des lèvres rosées, pétales pulpeuses, s'étirent généralement sur un sourire avenant et chaleureux. Elle est d'une beauté presque innocente qui sait pourtant se faire assassine. Les iris peuvent s’avérer lames glaciales et acérées, le sourire redoutable et cruel. Il n'y pas de prédateur plus dangereux, que celui qui se mêle aux agneaux.

Il y a la commerçante. Celle qui accueille les clients, souriante et prévenante, passionnée par la cuisine. Elle connait tout le monde et tout le monde l'apprécie. Serviable et dévouée. Une personne sur qui compter, qui écoutes les complaintes dans son échoppe, autour d'un thé chaud offert par la maison. Irréprochable et sociale, instruite et altruiste, Une jeune trentenaire à qui la vie sourit. Il y a la fille blessée. Meurtrie et réclamant vengeance pour le père qu'on lui a prit. Redoutable et déterminée, patiente et machiavel, passionnée par la chimie Elle en oublie la morale, se moque des règles et des lois. L'intelligence est vouée à sa revanche.
Aaliya est l'une et l'autre. Avec ses blessures et ses forces, ses travers et ses secrets.

On l'avait supposée folle ou sur le point de le devenir. Revenir après toutes ces années, dans la ville qu'elle avait quittée à sa majorité, pour racheter la Patisserie, à l'abandon depuis que l'ancien patron s'y était suicidé. Son père. Elle avait fait comme si de rien, investit ce qu'elle avait gagnée après des études dans une prestigieuse université américaine. En sciences diverses, un attrait et une passion pour la chimie. Un talent née. Activités peut légales qui avaient rapportées. L'intégralité y était passée, sauf un pécule de secours bien caché. La boutique avait été restaurée, la cuisine et ses équipements refait à neuf. L'appartement au premier, celui où elle avait grandit avait été redécoré et les sous sols réaménagé. Aaliyah n'était pas revenu pour tourner la page, elle venait en écrire les dernières lignes. Elle avait commencée par renouer contact avec de vielle connaissances. Une élite de la société qu'elle avait fréquentée au lycée, boursière plutôt qu'héritière. La rancoeur semblait oubliée et elle a commencé à y distribuer ses créations. Sous d'innocents cupcakes, des cachets, drogue de qualité, qu'elle a elle même confectionnée. Le bouche à oreille fonctionne. Autant pour la pâtissière que pour la femme de l'ombre. Dealeuse qui distribue sa propre marchandise, à un public bien ciblés. La came est rare, elle en contrôle scrupuleusement le flux et chère: Autant dire que le milieu huppé se l'arrache. Les affaires sont prospères mais elle reste amère. Elle repense à son père qu'ils ont tués. Eux, les enfants chéris de la ville, nées avec une cuillères en argent dans le cul. Celui qui lui avait tout apprit en cuisine, comme sur la vie ne s'était jamais remit de la mort de sa mère quelques mois après sa naissance. Une maladie contractée à l’hôpital, une erreur médicale, étouffé par la renommée du médecin qui l'avait accouché. Il avait alors voué sa vie à deux choses, sa fille unique et son entreprise. Les deux étaient une réussite. Cependant, une fois Aaliyah partit pour des études supérieures, il avait contrarié le mauvais héritier, en refusant de lui vendre une de ses recettes. L'homme s'était alors acharné. Il avait payé les fournisseurs pour ne plus le livrer, salit sa réputation dans les journaux. Les pires horreurs avaient couru sur lui. Quand il fut à bout, avec l'aide de ses amis si haut placés, il lui fit croire que sa fille était morte dans un accident. C'en était trop pour l'homme usé. Il ne le lui pas avait dit ce qu'il subissait, elle avait du chercher et enquêter pour découvrir les raisons de son geste désespéré. Et depuis, plus qu'une idée, se venger. Les rouages s'enclenchent, la roue tourne. Elle est patiente, à la voir bientôt les écraser. Elle a une liste et des noms à rayer.