Smile like you mean it.

Un sourire plaqué aux lèvres en me souvenant de la tête qu’il avait fait lorsqu’il m’avait revue, chez lui. C’était un souvenir qui n’avait pas pris, et je le garderais toute ma vie durant. J’aurais même dû le prendre en photo pour lui montrer par la suite. Il aurait tellement ri en voyant sa tête… ça aurait nous fait une photo de plus d’ailleurs ! Ça m’avait tellement manqué de prendre des photos de lui et moi, ensemble… En relevant les yeux vers Ella, après m’être perdue dans mes pensées et souvenirs, je vis qu’elle semblait émue par ce que je racontais, et elle reprit rapidement la parole :

« C'est une belle histoire d'amour en fait entre lui et vous... Mais pourquoi êtes-vous obligé de rester ici ? votre ami ne veut plus voyager ?
- Je… »

J’allais lui répondre que j’étais obligée de rester parce qu’il travaillait ici, mais je m’interrompis. Que venait-elle de dire là ? Une belle histoire d’amour ? Comment pouvait-elle le savoir ? Je n’avais pas dit qu’il s’agissait de mon petit-ami. D’un œil suspicieux, je fronçai les sourcils, méfiante.

« Il a été engagé ici-même, dans cet hôpital… en tant que médecin… peut-être que vous le connaissez, le docteur McCoy ! »

Je me tus quelques secondes, avant de finalement reprendre la parole, le plus vite possible pour qu’elle n’ait pas le temps de me répondre pour le moment. Je ne voulais pas perdre l’occasion qui se présentait devant moi :

« Mais je n’ai pas dit qu’il s’agissait de mon petit-ami, Ella… »

A moins qu’elle ne connaisse David, elle ne pouvait pas savoir à l’avance.. peut-être l’avait-elle deviné ! Je n’étais pas très bonne en tant qu’actrice, peut-être que ça se voyait sur mon visage que j’avais cherché l’homme de ma vie à travers toute la planète…

Smile like you mean it.

Pourquoi croyais-je avoir raison de me méfier de cette fille ? De toute ma vie, je n’avais jamais été réellement jalouse de quelqu’un. Avant mes quinze ans, David était simplement mon meilleur ami, il n’y avait aucune ambigüité. Je l’aimais plus que n’importe qui d’autre, mais c’était simplement une très forte amitié, qui après, avait évolué. Après, quand je suis vraiment tombée amoureuse de lui, et qu’il ne le comprenait pas, je savais qu’il travaillait d’arrache-pied à la fac et pendant ses stages à l’hôpital. Il n’avait pas le temps de voir d’autres filles : la première personne qu’il voulait voir dès qu’il avait du temps, c’était moi. Et puis, une fois que nous nous soyons mis ensemble… j’avais vite compris que je n’avais pas à m’inquiéter, parce que les autres femmes ne l’intéressaient pas. C’était moi, et il n’y avait que moi ! Alors pourquoi cette fois était différente ? Ah oui, bien sûr… parce qu’il y avait eu une autre femme. Cette femme. Qui était quelque part dans cet hôpital et qui m’avait rendue malade pour une journée entière avant qu’il ne rompe avec elle ! Et depuis deux mois, j’étais jalouse. De n’importe qui. Même s’il ne regardait pas les filles dans la rue, je ne pouvais pas m’empêcher de l’imaginer avec une autre… et ça me rendait dingue. Pourtant… je n’avais pas de quoi l’être. Lui et moi… rien ne pourrait plus nous séparer, ni personne.

« On ne cherche pas trois ans une personne si ce n'est pas par amour . Si ? Et puis, le docteur McCoy est vraiment mignon... »

Encore méfiante, et encore plus maintenant qu’elle me disait une chose pareille, je ne pus cependant qu’approuver. Evidemment que le docteur McCoy était mignon ! Enfin, elle avait raison : il n’y avait que par amour qu’on pouvait faire une chose pareille. Mais même si nous n’avions été qu’amis, David et moi, je l’aurais cherché jusqu’au bout du monde. Il comptait beaucoup trop moi, même avant qu’on se mette ensemble. Mais elle ne pouvait pas le savoir, bien sûr.

« Vous avez raison… »

Mon expression s’était radoucie, et je la regardai maintenant avec un sourire. Malheureusement, à côté, en silence, je me demandais combien de personnes trouvaient le docteur McCoy mignon dans cet hôpital… Mmh. Elle n’était qu’interne, je pouvais bien lui demander ça, elle n’irait pas le répéter à David, et il n’en saurait donc rien !

« J’imagine que vous n’êtes pas la seule à le trouver mignon … il y en a d’autres ? Pour savoir si je dois revenir plus souvent ici ou non ! »

Loin de moi l’envie d’être menaçante, mais s’il fallait que je marque mon territoire sur lui, je n’aurais aucun mal à le faire. Les autres femmes n’auraient qu’à bien se tenir. Y compris l’idiote qui avait décidé de tomber amoureuse de lui. Je ne laisserais personne me le prendre…

Smile like you mean it.

Des infirmières, hein ? Combien d’infirmières pouvaient-ils y avoir dans cet établissement ? Des centaines ? Des milliers ? Elles n’avaient qu’à se trouver un autre médecin, si c’était vraiment ce qu’elles voulaient. Mais pas David. Il serait bientôt marié, et il était hors de question qu’elles fricotent avec lui. Ce qui était bien au moins, à Edimbourg, c’était que pratiquement tout l’hôpital me connaissait. Que ce soit parce que j’y avais passé des heures entières à attendre David dans les services, ou bien parce que j’y étais retournée pendant son absence, mais cette fois en tant que patiente. Ici, je devais me méfier de toutes les femmes, et c’était vraiment barbant. David, s’il entendait mes pensées, me dirait que je n’avais pas à faire ça, parce que lui n’aimait que moi et que c’était tout ce qui importait. Mais je ne supportais plus le regard des autres femmes sur lui. J’aurais dû être flattée qu’elles le trouvent beau et qu’elles soient jalouses de sa future femme, c’est-à-dire moi, mais je n’y arrivais pas. Vraiment pas. Quant au fait qu’il ne pense qu’au boulot… ça je le savais. Et ce que je savais aussi, c’était qu’un jour prochain, il faudrait qu’il se calme là-dessus. Je voulais une vie de famille, lui aussi la voudrait un jour ou l’autre, et je ne voulais pas être la seule à voir nos enfants. J’attendrai qu’il se spécialise, s’il le voulait, pour qu’il ait moins d’heures peut-être, ou un emploi du temps plus flexible… mais s’il continuait comme ça, nous ne pourrions rien faire… et il se tuerait à la tâche.

« Il est vraiment très demandé partout dans n'importe quel service, et il court toujours partout, une vraie acharner du travail ! »

Avec un sourire en entendant cette expression, je baissai les yeux. Il l’avait toujours été. Quoi qu’il fasse, il fallait qu’il le fasse à fond. C’était bien pour cette raison que j’avais eu tant de mal à le retrouver. Il avait fallu qu’il se fasse renverser par une voiture pour qu’il s’arrête. Et parfois, j’avais honte de le dire, mais je bénissais cette voiture ! Vraiment. Je l’imaginais bien, dans cette fourmilière. Il devait être heureux comme un poisson dans l’eau : plein de travail, des tas de patients à aider, des cas rares à traiter… le pire dans tout cela, c’était que quand il rentrait à la maison, il n’était jamais épuisé et il avait toujours du temps pour moi. Parfois, je me demandais s’il n’était pas une sorte de super héros, toujours prêt à aider et à donner aux autres, plutôt que de garder du temps pour lui. Je l’aimais pour ça. Je passerais toujours avant lui-même… même si je ne le voulais pas !

« Oui… il a toujours été comme ça. Il était le plus jeune de sa promo à la fac.. à quatorze ans. Et c’était même le plus jeune médecin du pays, à vingt-trois ans. Et je ne l’ai jamais connu autrement qu’à fond dans son travail. Quand David veut quelque chose, il l’obtient… si vous voyez ce que je veux dire… »

Je m’autorisai un petit clin d’œil à la jeune femme, qui ne semblait, elle, pas particulièrement sous le charme de David. Ou alors elle cachait bien son jeu. Quoi qu’il en soit, je l’aimais bien… et peut-être qu’elle pourrait m’aider, pour savoir ce qu’il se passait dans cet hôpital. Après tout, en tant que médecin, elle devait avoir les yeux partout non ?

Smile like you mean it.

Le regard d’Ella sembla se voiler encore un peu, alors que j’évoquais tous les exploits de David. Etait-elle jalouse de son talent ? Ou plutôt de son intelligence ? C’était vrai que ça pouvait être rageant de savoir tout cela. Surtout quand on était soi-même interne et qu’on galérait comme un veau. Je le savais parfaitement bien, je m’étais mis à la place des autres internes quand David l’était. Et même moi parfois, j’étais jalouse de ses facilités, pendant que je trimais des heures et des heures à la bibliothèque pour boucler mon mémoire, alors que lui terminait sa thèse presque sans efforts.

Je n’eus pas le temps d’embrayer sur autre chose, puisqu’Ella se leva rapidement, en regardant à notre opposé. En tournant la tête, je vis David arriver et je lui fis un grand sourire pour l’accueillir. Il avait un air plutôt grave, et ses yeux surpris nous dévisageaient toutes les deux. J’agitai doucement le sac contenant notre repas à tous les deux pour lui faire comprendre que j’étais venue pour déjeuner avec lui, et finalement, je me levai à la suite d’Ella, qui me disait qu’elle allait nous laisser tranquille et qu’elle devait retourner travailler. Elle me regarda avec un sourire qui sonnait un peu faux, mais je n’en tins pas rigueur. Lorsqu’elle nous souhaitait un bon appétit, je la remerciai chaleureusement, et la regardai s’éloigner avec un sourire.

« Elle est plutôt gentille cette interne ! »

David ne me répondit pas, ou plutôt, il me prit contre lui d’un bras à ma taille et je posai ma tête contre son épaule en appréciant le câlin qu’il m’offrait. On aurait dit qu’il en avait bien besoin. La matinée avait dû être difficile, un peu longue peut-être. Ça lui arrivait de temps en temps, quand il n’arrivait pas à sauver un patient ou quand il ne trouvait pas un remède à un mal.. En l’embrassant sur la joue, je me détachai de son étreinte pour finalement le tirer par la main vers l’intérieur. Il ne devait pas avoir une grande pause déjeuner, et puis, il devait avoir faim. Moi aussi d’ailleurs. Nous ne parlâmes pas de cette interne, David préférant me demander comment s’était passée ma matinée… Mais je savais que ce ne serait pas la dernière fois que je voyais cette femme !