Ella semblait toute perturbée que je lui dise tout cela. Mais c’était ce qu’elle était, forte et merveilleuse. Elle n’avait pas besoin de se faire emmerder par son frère. Pas maintenant et jamais, d’ailleurs. Ce n’était pas à lui de décider comment elle ferait sa vie, et elle ne devait pas laisser cette histoire de mariage lui bouffer la vie. J’allais l’en empêcher en tout cas, si je voyais que c’était le cas. Elle devait se concentrer sur l’hôpital, sur David, pas sur Lewis ; ni sur aucun membre de sa famille. Je ne voulais surtout pas qu’elle foire tout à cause de son frère.
Après avoir eu la confirmation d’Ella quant au fait qu’elle allait y réfléchir, et qu’elle me tiendrait au courant, je la vis regarder de nouveau son portable et je ne pus que sourire, en me rendant compte qu’elle devait très certainement regarder si un certain jeune homme lui avait répondu. Elle était impatiente, je reconnaissais bien là les symptômes d’un coup de foudre. Elle devait attendre, cependant, et puis, peut-être avait-il des choses à faire. Il n’avait aucune attache ici, il devait apprendre à maîtriser la ville, il devait trouver des affaires certainement, bref, il avait du boulot devant lui, et elle le savait. Au lieu de me parler de lui, elle me questionna sur mon baby-sitter. Je détournai le regard, en continuant à marcher, le long de l’eau. La vie avait continué, depuis, et je ne devais plus penser à ce baiser, bien qu’il continuait de me hanter, tous les jours. A vrai dire, j’aurais voulu plus, mais il était jeune, trop jeune pour moi, et puis il devait bien avoir d’autres filles en vue. Il était guitariste, il devait pouvoir en trouver plein.

- Il m’a accompagnée à l’hôpital pour Leopold… et on s’est embrassés, mais rien de plus ! Et avant que tu demandes, je ne sais pas ce qui m’a pris de faire ça. En fait, il a le même parfum que Matt, et j’étais fatiguée, j’ai… oublié que ce n’était pas lui…

Je me sentis rougir à mes mots. C’était ridicule de ma part d’avoir fait ça. Je devrais avoir honte. Et en fait, je n’avais pas honte, j’étais simplement gênée…

Je savais qu’Ella allait me charrier, je le sentais, et je l’avais mérité, en fait. Je n’aurais pas dû lui en parler. Mais c’était ma cousine, elle avait l’exclusivité de tous mes secrets, et j’avais l’exclusivité des siens, après tout. Et c’était une personne de confiance, elle allait se taire par la suite. Et elle pourrait me donner de bons conseils. J’avais cru comprendre qu’elle le connaissait un minimum, ça m’avait beaucoup amusée d’ailleurs. On connaissait les mêmes personnes elle et moi, à chaque fois grâce à de géniales coïncidences.
Et enfin, elle me posa la question fatidique. Ce que j’avais pensé de l’affaire, s’il embrassait bien, si j’avais aimé… Je ne savais pas quoi lui répondre. J’étais perdue dans cette histoire. Je n’aurais pas dû faire ça, mais je ne le regrettais qu’à moitié en fait. D’abord, parce que nous en avions discuté, et parce qu’il ne m’en voulait pas. Et ensuite, parce qu’il fallait bien que je reprenne une vie normale. Et c’était sur Jonathan que c’était tombé. Non pas que c’était un homme comme un autre, oh non pas du tout. Je voulais simplement dire par là que j’étais tombée sous son charme… et pas sous le charme d’un autre. Pourtant, il y avait des tas d’hommes de mon âge à Toronto. C’était simplement que … je ne savais pas exactement comme définir tout ceci, il m’attirait c’était tout. Et je ne savais pas si c’était seulement un léger béguin, ou si ça pouvait déboucher sur quelque chose de plus étendu.

- Je ne sais pas.. oui il embrasse bien mais… enfin j’ai trouvé ça très bien, hein, ne crois pas le contraire, mais je sais pas. C’est juste que … je trouve que… enfin.. c’est mal, pour moi ok ? J’aime encore Matthew, malgré sa mort, malgré le temps, et je pensais que ce serait plus facile pour moi de passer à autre chose. En fin de comptes, je vois que ce n’est pas le cas…

Je baissais les yeux. Je savais ce qu’Ella allait me répondre. Elle allait me dire qu’il fallait que j’avance, que je réussisse à passer le cap, à ne pas oublier Matthew mais à fréquenter d’autres hommes. J’avais cru en être capable, et en fait, je me le demandais encore….

Ella n’allait pas me juger, je le savais pertinemment, mais bon sang, c’était tellement étrange d’avoir embrassé quelqu’un d’autre que Matthew. Bien sûr que ce n’était pas la première fois que j’embrassai un homme depuis qu’il n’était plus là, mais ça me faisait un petit quelque chose quand même, et je ne savais pas si j’allais capable d’assumer. Pourtant, au fond, j’en voulais plus, j’en étais sûre. Néanmoins… ça ne me venait pas aussi facilement que je l’aurais cru. Ella avait raison en disant que nous étions tous les deux adultes. Mais je ne savais pas si j’étais prête à porter une nouvelle relation. Et si ça se passait mal, au final ? Si nous n’étions pas faits pour nous entendre ? Je ne voulais pas me tromper. J’avais toujours dit que Matthew serait le dernier homme de tout l’univers que je pourrais aimer. Je voulais qu’il soit à moi pour toujours, et si c’était bien le cas, je voulais l’être pour lui également. Sauf qu’il n’était plus là… Et je ne savais plus quoi faire, malheureusement. Ella était adorable, à reprendre mes mots, mais ce n’était pas la même chose. Elle, c’était clair que David lui plaisait. Et si Jon me plaisait, certes, je ne pouvais pas foncer et ne pas penser aux conséquences. J’avais des enfants, et lui ne semblait pas plus intéressé que ça en moi. Je ferais mieux de lâcher l’affaire.

- Je ne sais pas ce que je vais faire. Je vais y réfléchir. Et je te dirais… seulement si tu me tiens au courant de ton histoire avec David, je veux tous les détails !!!

Je lui tirai la langue, en continuant d’avancer. Ça me faisait tellement de bien d’être dehors, à marcher, seule avec ma cousine. C’était relaxant. Et j’allais rentrer à la maison reposée.

Nous continuâmes de marcher. Je me sentais tellement bien, sans penser à rien d’autre qu’au soleil sur ma peau, et ma cousine à mes côtés. C’était agréable de pouvoir sortir, sans les enfants, et même si je n’aimais pas non plus en être trop longtemps séparée, j’appréciais le fait de pouvoir me détendre sans eux. J’étais heureuse de savoir qu’Ella allait m’appeler plus souvent, pour me raconter ses histoires avec David. J’avais hâte que tout se goupille entre eux deux. Il était temps qu’elle se pose avec quelqu’un de bien. C’était tout ce que je lui souhaitais. Elle le méritait. Et David aussi méritait quelqu’un de bien. Ce n’était pas facile pour lui de rester à Toronto, très certainement. Avec Ella, ça l’aiderait à passer le temps plus vite. Mais encore une fois, j’avais peur de la réaction de ma cousine, si un jour, David décidait de repartir de Toronto, pour continuer son tour du monde. Au fond, j’espérais qu’il ne fasse pas de conneries. Sinon, il m’entendrait. Vraiment.
Soudain, Ella me demanda si j’avais eu des nouvelles de Franz. En réalité, depuis que j’avais appelé Tom, il m’en donnait quasiment tous les deux jours, sans même que je le demande. On échangeait beaucoup de mails tous les deux, et on se parlait comme si rien n’avait changé. Et mon fils allait bien, même si Tom n’était pas prêt d’accepter de m’envoyer notre fils sans que je lui dise où il allait et avec qui il partait. J’allais trouver une solution, très vite. Je voulais le revoir. Ce n’était qu’une question de temps.

- Il va très bien. Il a repris les cours assez rapidement et apparemment, l’école lui plait beaucoup. Je suis contente qu’il s’y sente bien. J’ai hâte de le revoir…

J’aimais mieux que l’on parle de mon fils. Au moins, je maîtrisais un tant soit peu la situation. C’était bien. Je n’avais pas très envie d’évoquer Jonathan. Pas maintenant, pas tant que je ne savais pas ce que ça donnait. Bref, revenons-en à Franz. J’avais hâte de pouvoir le revoir, mais je ne savais pas quand ce serait. Et Ella me disait qu’elle pouvait aller le récupérer, maintenant qu’elle était en vacances. Cependant le problème ne venait pas de Toronto, mais de New-York. Franz avait tous les papiers pour voyager, mais son père n’était pas spécialement d’accord.

- Je peux me mettre en relation avec lui si il le souhaite, ainsi il me connaitra et si j'ai sa confiance il me laissera récupéré Franz pour l'amener ici près de toi !

Je hochai la tête. C’était la dernière solution possible et nous devions l’utiliser, bien sûr. Je voulais voir mon fils et je ne voulais pas rentrer à New-York, même pour une semaine. Ils seraient capables de me faire revenir sur ma décision et rentrer aux Etats-Unis. Et c’était hors de question. J’étais bien ici, et je ne m’en irais pour rien au monde… Plus maintenant.

- Je te donnerais son adresse mail et son numéro alors… mais je le préviendrais d’abord, si tu veux bien. Sinon il va psychoter !

Je vis Ella sourire et je baissai la tête vers mes pieds, alors que notre promenade continuait. Il fallait qu’il accepte la proposition d’Ella. Ou alors, il n’avait qu’à venir à Toronto avec notre fils, s’il avait si peur de ce qu’il pouvait lui arriver. Jenny accepterait bien ça quand même…

Je savais qu’Ella partageait mes sentiments. Elle aussi avait envie de voir mon fils, son petit-cousin. Après tout, c’était une partie de sa famille qu’elle n’avait jamais vue, et j’étais sûre que le courant passerait très bien. Franz n’était pas un mauvais bougre, et il était très câlin, et très sociable. Il avait déjà vu beaucoup de choses pour un enfant de son âge, et comme son petit frère, il était né prématuré. Un miracle de la nature, que j’aimais plus que tout, et qui me manquait énormément. Alors en effet, si Ella pouvait aller me le chercher, par n’importe quel moyen que ce soit, je l’en remercierais du fond du cœur. J’avais honte, parce que je ne pouvais même pas aller chercher mon fils moi-même. J’étais ridicule, finalement. J’étais une mère indigne. Je préférais me cacher, et encore, étais-je vraiment cachée ?

- Ça ne devrait pas être à toi d’aller le chercher… mais je te remercie, Ella. Je sais que je peux compter sur toi et ta discrétion…

Avant qu’elle ne puisse me répondre, son téléphone sonna, et je devins un peu plus curieuse quand je vis qu’il s’agissait de Jonathan. J’étais soupçonneuse… je croyais qu’elle voulait fréquenter David, et pourtant, c’était Jon qui lui envoyait des messages … ? Elle eut tôt fait de me rassurer.

- On est ami ne t'inquiète pas, mais je ne lui ai toujours pas dit que sa patronne était ma cousine !

Je souris, avant de lever les yeux au ciel. Il serait temps qu’elle lui dise. Peut-être que ça le ferait réagir, enfin ! Même si j’en doutais. Il ne semblait pas décidé à changer d’avis, et malheureusement, j’avais pris une décision de mon côté aussi. Même si je ne cessais pas entièrement d’espérer, j’avais bel et bien tiré une croix là-dessus.

- Tu fais bien ce que tu veux avec lui, ma belle. Qu’est-ce qu’il te dit, pour te déranger en plein milieu de la journée ?

Bien malgré moi, la conversation dérivait sur Jonathan. Ce n’était pas du tout mon intention et malheureusement, je devais en passer par là. J’aurais dû m’en douter aussi. Ella était ma cousine, et elle se fichait pas mal de parler des sujets qui fâchaient, bien au contraire. Et c’était évident, d’ailleurs, parce que je faisais pareil de mon côté. Alors il fallait que l’on parle de Jon, et nous en parlerions. Tant pis pour moi. C’était de ma faute.
Alors comme ça, il avait envie de passer du temps avec ma cousine. J’espérais qu’il était clair dans ses sentiments au moins, parce qu’il n’avait pas intérêt à tout faire foirer entre elle et David. Je m’y opposerais clairement et s’il fallait pour ça que je le bloque, d’une manière ou d’une autre, je le ferais. Mais Ella m’avait nettement fait comprendre qu’ils étaient simplement amis. Alors je la croyais. Et je ne cherchais pas plus loin. En plus, c’était leurs affaires, pas les miennes.

- Je pourrai lui parler de toi ? Juste essayer de savoir si il voudrai plus que votre baisé....

Je m’arrêtai tout net dans ma marche. Non. Hors de question qu’elle lui parle de moi. Ce n’était pas la peine, nous pouvions régler cela tous les deux. Je n’avais pas envie d’un troisième élément entre nous, et encore moins que ce soit ma cousine. Parce que s’il se passait quelque chose, que Jon et moi nous disputions, elle se retrouverait au milieu et ça ne serait pas juste pour elle, et elle aurait forcément à choisir entre l’un de nous. Même si nous agissions en adultes, il faudrait qu’elle prenne parti. Et c’était impossible.

- Ne fais rien. S’il te plait, je te le demande. S’il doit se passer quelque chose, il se passera quelque chose entre lui et moi. Mais ce n’est pas le cas pour le moment et c’est loin de l’être. Il est distant, il veut le rester et il me l’a bien fait comprendre. J’ai pigé, Ella, j’ai compris qu’il s’en foutait, et je ne veux pas que tu t’en mêles…

J’avais fini ma réplique en murmurant, un peu en colère, mais surtout, surtout très triste. Triste d’être seule depuis des mots, désespérée de ne même pas réussir une relation avec un homme, et déçue de voir que cet homme, qui au départ paraissait intéressé, se révélait plus compliqué à décrypter que prévu et surtout, un peu distant, lointain. Il ne m’appréciait pas, il fallait le dire simplement. Je n’avais plus qu’à trouver quelqu’un d’autre, au final. Et recommencer à zéro.

Par chance, Ella ne fit pas d’histoires. Heureusement, parce que sinon ça aurait vraiment pu déraper, et je n’aurais pas vraiment voulu ça. Néanmoins, je sentais qu’elle n’allait pas non plus lâcher l’affaire. Ce n’était pas parce qu’elle ne dirait plus rien à ce propos qu’elle n’y pensait pas. Mais elle n’avait vraiment pas intérêt à lui parler. Ou alors c’était clair que je ne ferais rien pour arranger les choses. Et puis, en fait, ce n’était pas à moi d’arranger les choses, enfin ! C’était lui qui avait commencé à être distant et froid, pas moi !

- Tu trouveras quelqu'un Abigail, qui veut passer tout son temps avec toi et les petits bouts.

Je ne pus m’empêcher de sourire, en me rappelant que de toutes façons, elle ne désirait que mon bonheur, comme je ne voulais que le sien. C’était normal, c’était évident, c’était humain. Nous n’étions pas cousines pour rien après tout, il fallait bien que l’on se serre les coudes. En attendant, j’étais seule, et visiblement, je l’étais encore pour un bout de temps, vu que je n’étais pas spécialement prête à tourner pour de bon la page.
Alors que j’allais lui répondre, Ella regarda son portable et un grand sourire se peignit sur son visage. Je compris instantanément qu’il s’agissait de David. Et apparemment, il avait dit oui. Et Ella était aux anges. A sa place, j’aurais été pareille, bien entendu. Elle en avait de la chance. J’espérais que tout se passe bien entre eux. Il le fallait, ça lui ferait du bien.

- Raconte, il a juste dit oui ou il a rajouté quelque chose ??! Est-ce qu’il est pressé ?!

J’étais tellement contente pour Ella que j’aurais presque voulu l’accompagner à son rendez-vous pour les épier. Hors de question que je fasse cela, bien sûr, parce que ça la ferait stresser. Et parce que ce n’était pas mes oignons aussi. Ma cousine n’avait pas à me supporter pendant qu’elle draguait David. Tout ce que je voulais, c’était qu’il soit gentil avec elle, qu’il ne soit pas expéditif si jamais ça n’allait pas… Mais apparemment, d’après le reste de son message, ça n’allait pas être mauvais entre eux. Il était « ravi de la revoir ». Si ce n’était pas du rentre-dedans pur et dur, alors je n’étais plus aussi calée qu’avant en rendez-vous.

- Ca ressemble à un rencard non ?

Je ris doucement en voyant la maladresse de ma cousine. Elle n’était pas douée pour tout ça apparemment. Peut-être avait-elle encore besoin de mes conseils. Il était vrai que si je n’étais pas très douée pour mes affaires amoureuses personnelles, depuis la mort de Matthew du moins, je l’étais cependant pas mal pour les affaires des autres et je donnais toujours de bons conseils. Alors je pourrais toujours lui dire quoi faire.

- Oui, c’est un rencard ma grande. Et quel rencard ! Il est plutôt pas mal, alors tu as intérêt à gérer !

Je souris, en lui mettant bien la pression. Elle allait me détester, mais elle serait heureuse, par la suite, j’en étais sûre.

Soudainement, Ella semblait toute stressée, et ça ne m’étonnait même pas d’elle. Elle était adorable, elle angoissait pour un rien. Un rendez-vous avec un garçon, ce n’était pas grand-chose et en plus, David était parfait. Gentleman, beau garçon, aimable… je ne doutais pas une seule seconde de l’issue du rendez-vous.

- Tu crois qu'il la compris aussi comme ça ? Ou comme un rendez-vous entre ami ? Mais je suis bête bien sur que c'est comme un rencard, il n'est pas bête, si je l'ai vue comme ça lui aussi !!

Je ne pus m’empêcher d’éclater franchement de rire. Je ne l’avais jamais vue ainsi. Et pourtant, il n’y avait rien de particulier pour avoir peur, pour dire et faire n’importe quoi. Elle devait être naturelle, et ne pas se prendre la tête. David l’avait rencontrée à l’hôpital, toute professionnelle, toute naturelle… eh bien elle devait faire la même chose, le professionnel en moins, bien sûr. Alors que je riais encore, Ella me regarda, sourcils froncés, en me disant que je ne devais pas me moquer qu’elle, parce que je lui avais mis la pression… Je devais avouer que j’avais dit qu’elle ne devait pas se louper… mais elle se mettait la pression toute seule là.

- Tu seras super, Ella. Il va être fou de toi. N’en doute pas une seule seconde, d’accord ?

Je souris en la prenant par les épaules pour la regarder droit dans les yeux. Jamais elle ne devrait douter d’elle. Ce n’était pas son genre et ça ne devrait pas l’être. Je comprenais qu’elle soit stressée, mais elle était belle, elle était intelligente, elle avait de quoi plaire. Et David avait accepté, c’était déjà une victoire en soi. Une façon de se rassurer et de se dire qu’il était fou.

- Et puis, c’est bien d’avoir la pression de temps en temps. Au moins comme ça je sais que tu ne vas pas le laisser partir.

Je regardais toujours Ella avec une attention toute particulière. Elle stressait tellement… on dirait moi à l’époque où j’allais rencontrer des garçons, au conservatoire, ou même après, en tournée. J’avais très peu de temps pour ça, mais je le faisais quand même, pour ne pas devenir folle, de voir toujours les mêmes têtes. J’avais bien changé depuis. J’avais gagné en assurance. Je n’étais plus aussi craintive. C’était bien. Et en même temps je me disais que ça n’allait profiter à personne, du moins pour l’instant !

- La pression je la connais dans mon métier, mais là... c'est différent.... je ne suis pas la même quand je suis hors le contexte de l'hôpital, j'ai moins d'assurance et j'ai bien plus de peur qui apparait. Je sais que c'est étrange...

Je ris de plus belle. Elle était complètement tarée, ça ne m’étonnait même pas que nous étions de la même famille. Elle n’avait pas à avoir autant peur de se tromper, de mal faire. Elle était brillante, que ce soit dans la vie professionnelle ou personnelle et jamais personne ne pourrait lui faire croire le contraire. C’était une femme géniale, et David allait forcément l’adorer, c’était presque évident.

- Arrête de flipper, veux-tu ? S’il a accepté, c’est qu’il a envie de te revoir, en dehors de l’hôpital. Et puis, s’il a dit oui, c’est qu’il est déjà tombé sous ton charme, alors le tour est joué. Sois provocante, mais pas trop pour ne pas être vulgaire, et prends les devants si tu penses que ça ne va pas assez vite, ou si ça part dans une mauvaise direction ! Les hommes adorent ça, mais ne le disent pas !

Ella semblait toute perdue, même étonnée que je lui dise de prendre les devants. Evidemment, tous les hommes n’étaient les mêmes, mais David semblait être une crème, et c’était évident qu’il adorerait ça. Je ne le connaissais pas beaucoup, mais pour le peu que je connaissais de lui, je ne pensais pas me tromper. Seul l’avenir nous le dirait de toutes façons. Mais j’étais pratiquement sûre d’avoir raison. Je me trompais rarement quand il s’agissait de cela. J’aurais dû devenir conseillère en relations. Ça aurait aussi bien marché que violoniste, c’était clair !

- Prendre les devant ?! Sérieux ?! Mais ça touche leur virilité non ?!

Je ris de plus belle devant sa naïveté. Il ne fallait pas qu’ils se sentent tout puissants non plus. Pas besoin de flatter leurs egos plus qu’ils n’en avaient besoin ! Il adorerait ça si elle prenait les devants, et elle pourrait vaincre sa timidité, ce serait parfait ! J’étais sûre que c’était une bonne idée, et elle avait tout intérêt à suivre mes conseils, si elle voulait le revoir encore et encore, son David. Et puis, j’avais toujours un moyen pour lui parler à lui… enfin ça, elle n’était pas vraiment sensée le savoir !

- Ça ne dérangerait pas Matthew, à l’époque, et je suis certaine que David aimera ça ! Ça montre que tu as du caractère, Ella !

Ella parut se calmer quelques instants et je restais de marbre, sans rien dire, pour ne pas la vexer, ni l’énerver de nouveau. Il fallait qu’elle se détende, c’était primordial. Le rendez-vous n’était pas pour tout de suite, et surtout, ce n’était pas la peine de s’exciter pour rien. Tout allait bien se passer, j’en étais persuadée.

- Bon, parle moi d'autre chose, parce que là, je deviens une vrai machine à question et je déteste ça. C'est débile de se poser des questions où il n'y a pas lieu d'être....  

Nous rîmes ensemble, et elle sembla oublier ses soucis pour un instant. Il fallait que l’on change de sujet en effet, c’était une condition que je ne pouvais pas marchander apparemment. Mais de quoi parler ? Nous avions évoqué David, nous avions évoqué Jonathan, nous avions aussi évoqué les enfants… je n’avais plus grand-chose à lui raconter, pour ma part. Il ne se passait rien de bien palpitant dans ma vie maintenant. J’étais posée et … oooh ! Je savais ce que je ne lui avais pas dit. Et ça m’était complètement sorti de la tête !

- Tiens, j’ai revu un ami d’avant dans une salle de sport l’autre jour ! C’est un musicien, il jouait parfois avec nous, pendant des remplacements ! Ça m’a fait tout drôle de le revoir ! Je ne pensais pas retomber un jour sur quelqu’un que je connaissais …