Elle accepta mon invitation.

- J'espère que ça ne vous dérange pas de marcher ? Le café n'est pas très loin, mais il est adorable, c'est un ami qui me l'a fait découvrir, j'en suis tombé amoureuse dès la première visite.

Vu la façon avec laquelle elle me vendait ce café, je ne pouvais que la suivre. Elle avait les yeux qui pétillaient en en parlant, ce qui me donnait encore plus envie de découvrir le lieu.

- Je m'appelle Ella, au faite !

Quelle gourde ! J'en avais totalement oublié de me présenter.

- Eh bien enchantée Ella ! Je m'appelle Sarah, et vous avez un très joli prénom !

Je la suivai donc jusqu'à ce fameux café dont elle vantait les mérites. Sur le chemin, je me décidai à lui poser une petite question.

- Ca ne vous dérange pas si on se tutoie à partir de maintenant ?

- Oui, avec plaisir, j'ai l'impression d'être au travail quand je vous-voie les gens.

Nous arrivâmes au café. Ella n'avait pas dit grand chose le temps du trajet. Elle avait l'air d'être assez timide, et étant moi-même assez timide je n'avais pas beaucoup engagé la conversation non plus. Nous entrâmes dans le café, c'était un lieu calme et très charmant, avec plusieurs petits espaces. Je lui demandai ce qu'elle voulait, elle me dit qu'elle voulait un chocolat. J'allai chercher la commande au comptoir et je rejoignis Ella à l'endroit où elle s'était assise.

- Et voilà, deux grands chocolats bien chauds !

Je commençai à boire le mien, il était excellent. Je ne savais pas qui était cet ami qui lui avait fait découvrir ce lieu mais si j'avais la chance de le rencontrer un jour je le remercierais de l'avoir montré à Ella. Je n'attendis pas que le silence s'installe de nouveau et je pris la parole.

- Alors, dis-m'en un peu plus sur toi. Tu viens de Toronto ? Et tu étudies quoi ?

- Non, je viens d'Angleterre, je suis arrivé il y a 6 mois ici, pour poursuivre mon internat de médecine. Je travail à l'hôpital... Et toi ? Au vue de ton accent, tu n'es pas d'ici non plus ? Je tenterai l'Amérique ??!

Elle travaillait donc à l'hôpital ... Je ne m'en serais jamais doutée, je la voyais étudier dans un autre domaine. J'étais étonnée mais en bien. Peu de gens de nos jours avaient la vocation de soigner les gens et surtout d'accorder du temps aux autres ...

- Tu as vu juste ! Je suis californienne, j'arrive tout droit de la banlieue de Los Angeles. J'ai décidé de m'installer à Toronto pour le travail, et mis à part le froid, je ne regrette pas du tout d'être partie de L.A. !! Il y a quelque chose dans cette ville qui fait qu'on s'y sent vraiment bien je trouve, et les gens y sont accueillants, que ce soient des torontois pure souche ou des immigrés comme toi ! Ca fait du bien d'habiter dans une ville où les gens sont humains et prennent le temps de vivre, pas comme dans les grandes villes états-uniennes ...

C'était vrai, je me sentais bien à Toronto. Ma voisine, Abigail, était adorable, Ella aussi. La seule exception à ce jour c'était Thomas, mais c'était un cas à part, je le sentais. Los. Angeles ne me manquait pas, mais alors pas du tout ...

Un sourire se dessina sur son visage suite à ma réponse.

- Je comprend totalement, j'avais un peu la peur au ventre quand je suis arrivé ici, mais très rapidement je me suis dis que c'était là que je voulais vivre. J'aime l'Angleterre, mais ici... c'est différent, tout est différent et j'apprécie beaucoup ça ici. On adopte rapidement la vie Canadienne.

Elle reprit quelques gorgées de son chocolat chaud, je fis de même avec le mien, ce serait dommage de le laisser refroidir tellement il est délicieux. C'était donc parfait, j'avais sous mes yeux l'exemple d'une expatriée qui s'était vraiment plue dans cette ville, ce qui me rassurait pour mon propre cas. Je me décidai quand même à lui poser une question qui me tenait à coeur.

- Ce n'est quand même pas trop difficile de partir dans un pays totalement étranger, de quitter sa famille ? Rien ne te manque de ta vie anglaise ?

Des souvenirs de ma reconstruction après mon amnésie partielle me revenaient en mémoire. Ma mère n'avait jamais été très présente donc je m'attendais à ce qu'elle ne soit pas à mon chevet. Mais je me rappelais de mon père, qui avait toujours été là pour moi, et qui était mort dans le créneau que ma mémoire avait décidé d'effacer. Je savais qu'à l'époque j'aurais beaucoup donné pour pouvoir avoir un petit peu de famille à mes côtés, et je me devais d'avouer que j'avais du mal à comprendre le choix d'Ella, de venir ici, à des milliers de kilomètres. Etant sans attache maintenant, pour moi, c'était du gâteau. Mais je ne connaissais que trop bien ce sentiment de manque de famille et de repères.

- Non, pas le moindre en faite. J'ai personne qui m'a retenu, et j'avais envie de partir de la bas, je voulais vivre comme je le souhaitais.


Je trouvais son histoire très triste, que sa famille la laisse partir comme ça, et Ella avait une voix triste en évoquant sa famille, j'en déduisais qu'elle ne devait pas souvent avoir de nouvelles ...

- J'arrête de te poser des questions sur ta famille alors, je vois que ça te gêne un petit peu ... Mais sache que si jamais un jour l'envie te prend de m'en parler, je serai là pour t'écouter !

Je devais l'avouer, je me sentais honteuse d'avoir touché son point sensible. Ella était de ces personnes discrètes et adorables, celles qui ont toutes les qualités requises pour être de bonnes amies, et moi je ne trouvais pas mieux que de l'embarrasser avec mes questions ... Quelle gourde je faisais ...

Spoiler:

Ella me sourit juste avant de me répondre. Cela me rassurait, au moins elle ne m'en voulait pas !

- Merci Sarah, j'y penserai. Mais ne t'inquiète pas.

Elle se remit à boire son chocolat, je fis de même, ça serait dommage de le laisser refroidir !

- Mais et toi ? Tu as tout laissé à L.A, pour travailler ici, pourquoi donc ? Tu en avais marre d'avoir trop chaud ?

Je m!attendais à ce qu'elle me pose la question. C'est vrai, pour beaucoup de gens, vivre en Californie c'était le rêve. Soleil et chaleur quasiment tous les jours même en hiver, plage, palmiers ... Mais tout cela n'est pas aussi idyllique quand on y a vécu toute sa vie. Demandez à un Parisien s'il est heureux de vivre dans la ville la plus romantique du monde et s'il s'estime chanceux, les chances pour qu'il vous sorte une réponse négative sont assez élevées.

- On peut dire ça comme ça ! Non, en fait j'avais envie de partir depuis quelques temps, mais quand on est auto-entrepreneur c'est difficile de tout quitter comme ça. J'ai donc attendu tranquillement une opportunité de m'installer à l'étranger et j'ai beaucoup de chance car cela a pu se faire, et c'était pas vraiment gagné ! Et je dois t'avouer quelque chose : en Californie ils ont peut-être du soleil dans le ciel, mais les gens sont détestables. Ici, le soleil n'est pas toujours présent, mais les gens l'ont dans leur coeur, et pour moi c'est le plus important.

C'est vrai que je ne suis arrivée que depuis peu, mais je n'ai croisé personne comme en Californie. Pas de pimbêches, d'ados qui se dandinent comme des bimbos, de mecs qui vous draguent lourdement parce que vous avez la malchance de porter des vêtements qui laissent un peu trop entrevoir vos formes ... Non, pour moi, je vivais un petit rêve depuis mon arrivée.

- C'est vraie que nous sommes bien accueillis ici, j'ai rencontrer beaucoup de monde dans mon travail, bien entendu il y a quand même des personnes énervant, mais pour la plus part ils ne sont pas méchant envers nous parce que nous ne sommes pas d'ici. C'est vraiment agréable de se sentir enfin quelque part où nous ne sommes pas transparent...

J'étais on ne peut plus d'accord avec Ella. Plus la ville était grande, plus les gens étaient égoïstes et ne pensaient qu'à leur petite personne. Cette théorie se vérifiait, encore une fois.

Je sentais qu'Ella partait dans ses pensées, ses dernières paroles étaient empreintes d'un ton nostalgique. Elle devait sûrement penser à sa famille en Angleterre ... Et je pensais comprendre de mieux en mieux les raisons de son exil à Toronto.

Je sentais aussi mon chocolat chaud devenir de plus en plus froid, j'en repris donc quelques gorgées avant de reprendre la conversation ... Et je ne savais pas vraiment sur quoi l'enchaîner. Je connaissais Ella depuis moins d'une heure, même si je l'appréciais, il était clair que je ne pouvais pas aborder n'importe quel sujet avec elle. Après quelques instants, tout en finissant mon chocolat, je me décidai à reprendre la parole.

- Et donc tu travailles à l'hôpital ? Tu comptes te spécialiser dans quelque chose en particulier par la suite ?

Le travail. Sujet basique, certes. Mais je la sentais passionnée par ce qu'elle faisait, et, après tout, c'était un bon sujet pour apprendre à connaître une personne !

- Je veux être chirurgienne pédiatrique. J'ai encore quelques années d'études avant de l'être pour de bon, mais je m'accroche et je vais y arriver. J'adore les enfants, et les voir sourire c'est juste magique ! Je ne me lasse pas du sourire d'un enfant et de ses parents quand on leur annonce que leur petit peut quitter l'hôpital.


Elle fit une petite pause, j'en profitai pour finir ma tasse. Le chocolat était maintenant froid, à la limite du glacé, mais il était quand même sacrément bon !! Cet endroit rentrait définitivement dans mes endroits favoris et je fus ravie que ce soit Ella qui me le fit découvrir.

- J'aime vraiment ce que je fais, même si c'est exténuant et que je n'ai pas vraiment de vie pendant un certain temps, mais je fais ce que j'aime, alors ça passe bien plus facilement.

La façon dont elle parlait de son futur métier forçait le respect. Elle était passionnée, plus que passionnée même, ça se sentait, et c'était bon de l'écouter en parler. On avait l'impression d'y être. Peu de gens sont aussi passionnés aujourd'hui, ça me redonnait un peu foi en l'humanité. En tout cas foi en mon avenir dans cette ville. Je venais tout juste d'arriver et j'étais déjà amoureuse de la ville et de ses habitants, espérant ne jamais la quitter.

- J'adore t'entendre parler de ton travail. J'espère que tu garderas cette passion que tu as ...

Je jetai un coup d'oeil à ma montre, et en effet, je n'avais pas vu l'heure passer et le soleil avait déjà bien amorcé sa descente, laissant sa place à la lune qu'on commençait tout juste à distinguer.

- Je suis désolée, je vais devoir te laisser, mais je te remercie d'avoir passé l'après-midi avec moi, ça m'a fait très plaisir !!

Je lui tendis une de mes anciennes cartes de visite, que j'avais encore sur moi en attendant les nouvelles.

- Ne te fie pas à l'adresse, mon numéro est encore bon pour le moment, si tu veux me contacter pour sortir, pour discuter, pour n'importe quoi ... Tu peux !

Je me levai de ma chaise, et m'avançai vers elle pour lui faire la bise avant de partir. J'espérai vraiment garder contact avec Ella, je n'avais passé qu'un après-midi avec elle mais j'avais ce sentiment qui me disait que j'avais très sûrement trouvé une amie aujourd'hui.