Cette journée se poursuit de façon tout aussi catastrophique qu’elle avait commencé. Je quitte la voiture en trombe et me lance ainsi dans ma mission du jour : retrouver Lulla. Devançant l’assistante sociale qui me semble totalement inutile derrière moi, je me dirige vers une des ruelles se trouvant non loin du foyer que Lulla a quitté ce matin. Rongée par l’inquiétude, j’accélère la cadence au point de seulement entendre mes talons sonnés contre le macadam ; où est-elle bon sang ? Je me mords la lèvre inférieur avec énervement. Comment ont-ils pu la perdre ? Je sais de quoi ce petit démon est capable mais tout de même ! C’est une enfant ! De plus, je les avais prévenu de mon arrivée !
Jetant un œil aux alentours, je découvre un décor sale ; l’odeur y est nauséabondes et les poubelles s’y amassent de façon outrancière. Une horreur. Ne souhaitant pas laisser passer la moindre piste de retrouver l’enfant, je me faufile entre les immondices, mes hauts-talons servant d’échasses salvatrices pour mes bas. Une main plaquée sur mon nez, je persiste dans mes recherches, plongeant dans cet espèce de cauchemar auquel mon petit ange ne devrait se confronter. Tandis que je progresse, la voix de l’assistante m’interpelle mais je n’écoute pas. Hors de question d’écouter cette incapable !

- Veuillez ne pas m’importuner où je vous jure que je vous poursuis en justice! Lance ma voix sur un ton cassant.

Nan mais oh ! Manquerait plus qu'une gourdasse de ce genre ne me donne des leçons !
C’est finalement à l’angle d’une impasse un peu plus saine que je découvre une petite maison faite de carton. Ma sacoche heurte le sol d’émotion brusquement avant que je ne m’avance en direction de cette « hutte » miséreuse. Je retiens mon souffle, la mine grave.

- Lulla ! Lulla c’est Alex. Je suis venue te chercher trésor. Je peux te garder, ça y est ! On ne se quittera plus ! Fis-je.

Pourtant, seul le silence me répond et mon cœur se serre immédiatement. Elle n’est pas ici. Tout est vide. Je me redresse dans une grimace, mes paumes époussetant ma jupe crayon par habitude. Je l’ai encore perdue. L’espace d’un instant je reste plantée là. Je ne sais pas ce que je vais faire… J’ai tant bataillé pour pouvoir la garder près de moi que cet échec serait surréaliste, d’autant que cela ne serait pas un soucis administratif cette fois ! Non, ce serait sa simple et unique disparation.
L’espoir réapparaît soudaine lorsqu’un léger bruit se faire entendre derrière moi et je ne peux cacher ma joie quand je devine qu’elle est bien là, tapis dans l’ombre d’un proche étroit, pressant ses jambes contre son torse. Les yeux embués de larmes je m’abaisse à son niveau puis tend simplement les bras ; elle doit venir à moi et non l’inverse.

- Lulla ! …. Je suis là. On ne se quittera plus jamais… Je te le promets.

Impossible de mentir sur le sentiment qui me traverse actuellement. Tout ce que je perçois est si fort que je ne peux retenir des larmes de joies tandis qu’elle marche vers moi. Aussitôt est-elle arrivée à proximité, je caresse ses joues et dépose un baiser sur son front, mes bras se referment doucement sur elle pour la pressée contre moi de façon légère ; je n’ai pas envie de la blesser.
Mes baisers pleuvent sur ses joues. Machinalement je prends son visage en coupe entre mes mains, encrant mes prunelles dans les siennes comme le ferait une véritable mère.

- Tu vas bien ? Tu n’as rien ? Hein ?! Tu n’as pas de bobos ?

Mes lèvres embrassent ses petites mains abîmés par je ne sais quel travail comme pour apaiser tout ce qu’elle a dû encore traverser en solitaire. Je veux qu’elle sache que maintenant que nous sommes deux. Pour toujours.

Aux premiers bruits de pas, elle avait quittée son chateau. Elle aimait déjà beaucoup cette maison de carton à peine construite, aux murs couverts de fleurs qu'elle venait de terminer. Malheureusement, elle n'était pas très solide. Comme celle des trois petits cochons, si un méchant loup venait souffler dessus, elle s'envolerait. Alors elle devait se cacher dans les ombres rassurantes de protection. C'est à l'abri des regards qu'elle était le moins en danger. Ses jambes ramenées contre elle, elle regarde Alex arrivée après l'avoir entendue. Elle a envie de sortir de sa cachette, dès lors qu'elle la voit, un sourire se peignait sur ses lèvres, mais son élan est coupée court par la dame qui la suit. Lullaby est sûr que c'est une sorcière et ce, depuis la première fois qu'elle la rencontrée, il y a quelques semaines. Elle ne l'aimait pas. Elle l'empêchait, de sortir, de s'amuser et en règle générale de faire ce qu'elle avait envie de faire. Pourquoi rester ? Elle n'est pas à l'aise au milieu des autres gens. Elle ne sait pas quoi dire. Puis personne ne veut rester en prison. La preuve, toutes les princesses s'échappent de leur donjon.

Elle a pas dû être contente la sorcière, quand elle est parvenu à filer. La petite n'était pas peu fière d'elle ! Elle avait été à la hauteur des chats ! Patiente et tapie sous l'escalier à attendre le moment pour bondir. Quand la porte s'était ouverte, elle avait détallée et était passée entre les jambes de la femme pour se faufiler dehors. Elle ne s'était arrêtée de courir que très très loin. Elle le savait parce qu'elle avait presque plus de souffle et que ça lui faisait mal d'en reprendre. Elle souriait pourtant, contente d'avoir avant réussit. Avant elle s'était fait mal, puis punir d'avoir essayer d'ouvrir une des fenêtres munit d'un verrou avec des ciseaux... C'est comme ça qu'elle s'était faite mal aux mains, entre autre. Mais c'était pas grave, elle avait nettoyée dans une flaque d'eau et déposée un bisou magique sur chaque bobo.

Elle hésite de plus en plus à rejoindre Alex, trépignant sur place au point de heurter un cartons qui en fait tomber un autre. Elle a l'air triste Alex, Lullaby aime pas quand elle est triste. Mais elle lui en veut aussi. Pourquoi est ce qu'elle l'avait amenée chez elle si c'était ensuite pour la mettre en prison ? Tenue par une sorcière en plus. Elle fait une légère moue en fronçant les sourcils, croisant les bras contre son petit torse. Si c'était pour l'y ramener autant ne pas bouger. Volonté qui fond comme une glace tombée sur le trottoir alors que la fillette aperçoit les yeux mouillées de larmes de la juge. Elle promet en plus de ne plus la laisser. Elle sort donc de la brèche où elle s'était lovée sans plus hesitée et la rejoint, non sans un regard sombre pour la sorcière.

Il lui font du bien ses baisers, ça l'a fait même rire. Elle en garde un sourire et lui retire ses mains pour venir essuyer ses larmes de ses paumes. Doucement, elle ne veut pas lui faire mal. - J'ai pas de bobo, faut pas pleurer. Elle réfléchit un peu. - Sauf si tu es triste de me garder. Elle voit pas beaucoup d'autres raisons qui pourrait faire pleurer Alex.

Un léger rire égaye l'atmosphère face à la réponse que m'adresse mon petit ange. Lullaby a toujours tendance à se faire du soucis pour moi alors qu'au fond je reste la plus angoissée dans l'histoire ; douce ironie non ? J'embrasse une dernière fois son front puis secoue la tête simplement, le même sourire toujours encré sur les lèvres.

- Non, je suis juste très contente de te voir, c'est tout. J'avais peur de t'avoir perdu. Dis-je en remettant une de ses mèches de cheveux en place.

Remarquant que l'assistante sociale se rapproche à la vue de la petite je lui fais signe d'attendre quelques instants, je n'ai pas envie qu'elle gâche ces retrouvailles ou bien qu'elle l'effraie ; si la petite s'est enfuie ce n'est pas pour rien et ça je le sais bien.
Je me retourne l'espace d'une seconde pour attraper ma mallette en cuir qui ne me quitte jamais. C'est un cadeau de mon père pour mes trente ans, un simple sac avec une valeur inestimable à mes yeux, elle a transporté tellement de dossiers, de rapports et de photos atroces... Toutefois aujourd'hui ce qu'elle contient en son sein change des monstruosité habituelles : une peluche.
Je l'en sors calmement puis la tend à ma petite princesse dont les yeux pétillent déjà.

- Tu te souviens ? Tu m'as dit que tu la voulais la dernière fois qu'on était toutes les deux.

J'esquisse un petit rictus amusé face aux grands yeux bleu qu'elle lève vers moi. Elle avait été tellement enthousiaste lorsque nous étions passé devant ce magasin de jouet que je n'ai pas pu résister à l'idée de lui faire cette surprise.

- Elle est pour toi Lulla.

Mes phalanges effleurent une de ses joues avant que je ne sorte un papier tout aussi important que monsieur lapin.
Je prends place aux côtés de l'enfant et lui indique une certaine ligne.

- Regarde. On porte le même nom.

Avec une impatience dissimulée, j'observe sa réaction, comme incertaine de ma décision. Mon adoption a créer une véritable levée de boucliers au sein du palais ; soi-disant qu'il n'est pas correct qu'une magistrat adopte une enfant dont elle a géré l'affaire. Conneries oui ! Et je ne me suis d'ailleurs pas gêner pour le signifier à mes collègues dont les messes basses m'étaient parvenus aux oreilles.
Lulla c'est ma fille, qu'on le veuille ou non.

Rassurée par le rire d'Alex puis par le sourire qu'elle affiche, l'enfant agrandit le sien, essuyant les dernières traces de larmes sur le visage de la femme. Elle est quand même drôlement jolie avec ses cheveux et ses yeux noirs comme la nuit. - Je suis pas perdue, je suis ici ! Rajoute t-elle pour être sûr que la tristesse est bien partit. En tout cas, la sienne, oui. Lullaby ne se sent plus triste du tout, ni même en colère, elle est juste contente de la revoir... Il n'y a au final que la sorcière faisant un pas pour assombrir son humeur. Le geste est discret, presque imperceptible mais elle se rapproche de la Juge pour s'éloigner de la méchante. La curiosité se charge bien vite d’éclipser sa méfiance et elle jette un regard inquisiteur vers la valise, se mettant sur la pointe des pieds pour essayer d'y regarder.

Ses yeux s'ouvrent tout ronds quand elle aperçoit la peluche, la reconnaissant effectivement aussitôt.- C'est... c'est Monsieur Lapin. Elle a du mal à le croire et il faut assurément un peu de magie pour qu'il soit à présent juste devant elle, plutôt que derrière le mur transparent. Elle tend la main vers la peluche, le regard pétillants. Il faut cependant qu'Alex le précise pour qu'elle réalise que le jouet est à elle et surtout qu'elle peut le prendre. Le geste est vif quand elle le comprendre. Elle prend aussitôt la peluche et la serre contre elle, pressant sa joue contre le visage doux du lapin. Elle n'a pas vraiment l'habitude des cadeaux, si bien que les larmes lui montent un peu aux yeux.

Sans lâcher Mr Lapin, Lulla s'accroupit devant les papiers qu'elle lui montre, secouant la tête face au charabia des lettres qu'elle ne lit pas. Fronçant légèrement les sourcils, elle se concentre pourtant sur la ligne que lui montre Alex, regardant bien les deux mots. Elle a raison, ce sont les mêmes. Ou en tout cas, ils se ressemblent beaucoup. Elle comprend, à sa manière, ce que cela signifie, sans parvenir à réellement le concrétiser. - C'est... c'est le même. Confirme t-elle, finissant par s'assoir, par terre, presque sonné par les émotions nombreuses qui la traversent. - ça veut dire qu'on est une famille... Elle hésite à le dire, de peur de voir la Juge la détromper même si elle est presque sûr que tous les gens d'une même famille partage aussi un nom. Le sourire est grand sur ses lèvres, mais elle a aussi du mal à y croire, à l'intégrer. Alors, elle profite de la présence de la juge pour venir se serrer dans ses bras, cherchant presque à disparaitre contre elle. Elle est heureuse mais a aussi envie de pleurer, sans trop savoir pourquoi.

J'accueille Lulla contre moi et ferme les yeux de soulagement en sentant toute la joie qu'elle émane. J'ai bien fait. J'ai vraiment bien fait...J'inspire en fermant mes yeux de brèves seconde. D'une main je caresse ses boucles à peine salie par son excursion du jour puis parle à voix basse, comme si je récitais une prière juste pour nous.

- Oui, on est une famille et on a une belle maison qui nous attend. Rien que pour nous. Tu verras, ca va être fantastique. Souffle ma voix alors que je la serre davantage . Plus personne ne te fera du mal. Je vais veillé sur toi.

Voyant que d'importants nuages noirs commencent à s'amonceler dangereusement dans le ciel, je récupère ma sacoche puis soulève  Lulla.
Pour que le trajet se passe bien malgré la compagnie de Miss Assistante sociale, je souris à la petite tête rousse qui me dévisage.

- Tu me promets de prouver à tout le monde que tu es la petite fille la plus courageuse du monde ?

Je sais qu'elle a peur, qu'elle n'aime pas grand monde, mais il est important de reprendre la voiture. Je dépose un rapide bisou sur son nez avant de rire légèrement face à son air bien décidé ; on dirait presque une petite lionne.

- Prête alors ?

Nous échangeons un regard complice tandis que je me dépêche de regagner le véhicule dont les ronflements du moteur accompagnent bientôt les prémices de l'orage.
Par chance, l'incompétente m'ayant accompagné monte à l'avant, me laissant seule à l'arrière avec Lulla. Elle ne parle pas. Dieu doit loué ! Il a entendu mes prières.
Le chauffeur nous ayant accompagné garde également un calme absolu avant de démarrer en direction de l'adresse que je viens de lui confier. Bien installée contre l'habitacle de cuir, j'en profite pour légèrement couvrir la petite de mon manteau car vu ce que le ciel présage nous ne sommes pas prêt de revoir le soleil pour un moment.

Une fois en route, je la garde contre moi et l'observe d'un air détendu ; je peux enfin souffler. C'est bien la première fois depuis des mois !
Un soupire de soulagement m'échappe tandis que les gouttes de pluie maculent les vitres.

- Tu as faim ? Soif ? Tu pourras prendre une douche à la maison aussi si tu veux, ou même un bain. Dis-je à l'intention de Lulla. Et puis faut que je te montre ta chambre... Tu verras, elle est très grande ! Y a même un lit rien que pour toi.

Ses petites pupilles bleues qui me dévisagent me font fondre dans l'instant. Comment ne pas résister ? Je souris de toutes mes dents puis ajoute le détail qui finira de la faire rêver.

- Un lit en hauteur.

Elle se love tout contre elle, trépignant sur place. La joie qu'elle ressent est trop grande pour qu'elle puisse la garder pour elle. Elle se lit sur son large sourire, dans ses iris azurs pétillantes de vie et dans le baiser bruyant qu'elle dépose sur la joue d'Alex. Elle a gardé Monsieur Lapin, calé sous son bras. Elle compte bien l'emmener partout où elle ira. C'est la plus belle des peluches du monde et elle se trouve chanceuse qu'elle soit pour elle. Que ce soit en plus Alex qui lui donne, rend le doudou encore plus important. - Fantastique... Elle le répète pour mieux le réaliser, encore incapable de mesurer ce que tout cela peut impliquer.

Elle se laisse porter, éviter de regarder la sorcière pour l'oublier un peu et rester joyeuse. Elle hoche la tête, le regard déterminée. - Prête ! Elle l'assure, tenant à ne pas décevoir la juge. Bien pour ça d'ailleurs qu'elle ne dit rien à la femme qui les accompagne, alors qu'elle voudrait la voir partir. Elle relève ses yeux vers le ciel, observant les nuages noirs manger le soleil. Le temps va être en colère et encore gronder. Elle pose sa tête contre son épaule, observant le paysage puis le monstre dont il se rapproche. Lullaby se crispe un peu, son coeur loupant quelques battements. Elle déglutie, entendant l'animal de fer grogner... ça l'avait terrorisé la première fois qu'elle avait vu une voiture, manquant de se faire renverser alors qu'elle fuyait à toute allure sa maison en train de brûler. Un monsieur pas content avait ouvert le monstre pour en sortir et lui crier dessus. Un bien mauvais souvenir...

Elle a promit d'être courageuse alors elle ne tait. Elle est déjà monté dans l'estomac d'une de ces créatures, mais elle ne s'y sent pas vraiment en sécurité. Elle se serre un peu plus contre Alex, Monsieur Lapin dans une main, l'autre se refermant sur le haut de la Juge. Elle se cache un peu sous le blouson aussi. Elle secoue la tête, pas faim, ni soif. C'est quand le ventre lui fait mal et que la gorge est sèche qu'il faut agir, sinon c'est gâcher. Se rationner et garder toujours un peu pour le prochain repas. Elle préfère l'écouter parler de la chambre et du lit, se détournant ainsi de l'orage qui s'approche. - En hauteur ? Elle se redresse, un sourire nouveau sur ses lèvres. - Plus haut que le sol ? Lullaby ne dort pas dans les lits, elle n'y a jamais été habituée et ne se sent protégée que cacher, généralement sur les meubles les plus grands, ou tapie dans les recoins les plus sombres. Un lit n'est aucun de ces abris, elle y est à découvert.

Voyant que Lullaby se redresse directement après que j'ai mentionné la mezzanine, mon sourire s'élargit davantage. J'hoche vigoureusement la tête tandis qu'un premier éclair déchire le ciel d'un flash blanc désagréable.

- Oui, plus haut que le sol. Je sais que tu préfères les endroits hauts perchés petite coquine ! Fis-je en effectuant quelques chatouilles sur son corps frêles réfugiés entre mes bras.

Un rire commun nous gagne avant que je ne dépose un bisou sur son front. Je suis si heureuse de l'avoir véritablement près de moi que je ne pense plus au travail, aux affaires, je suis toute dévouée à ma petite fille. Elle a beau ne pas être mon sang, ma chaire, c'est tout comme, si ce n'est plus ! Il y a ce lien, cette confiance gagné sur le long terme qui nous unie ; une chose merveilleuse. La vie ne m'a jamais laissé le temps d'avoir une vie en dehors du travail, ou du moins pas après la mort subite de Jim il y a onze ans de cela... Il m'arrive parfois de penser encore à lui, mais quand je pose mes yeux sur Lulla je ne songe plus au passé, je ne pense qu'à avancer. Aller de l'avant. C'est ce que je vais faire.
Je cesse simplement les guilis avant de remarquer que nous sommes bientôt arrivées. Le plus naturellement du monde je soulève ma princesse en la gardant à l'abri de la pluie grâce à mon manteau. Tout en quittant la voiture, je m'adresse brièvement au duo qui nous accompagnait.

- Merci de m'avoir reconduit. Et vous, tâchez de ne plus perdre d'enfant à l'avenir.

Je claque la porte puis cours en direction du porche. Contrainte de chercher mes clés dans mon sac, je pose délicatement Lulla sur le sol puis ouvre la porte rapidement en la poussant légèrement à l'intérieur.

- Rentre ma puce. Je ne veux pas que tu attrapes froid.

Je la vois bien s'arrêter pour tout observer. Je vois même sa mine enjouée qui semble scintillé d'émerveillement désormais ; rien ne pourrait me faire plus plaisir. Mes phalanges saisissent mon trench la recouvrant pour le pendre sur le porte manteau ; par la suite j'ôte mes talons, expédie mon sac sur un pouf voisin et me positionne face a elle.

- Bienvenu à la maison.

J'attends qu'elle parle de nouveau, mais la surprise semble tellement importante que plus aucun son ne sort de sa bouche. A mon tour, je promène mon regard sur les pièces environnantes puis rigole.

- Tu veux visiter ? Demande ma voix calmement.

Elle ne voit pas l'éclair qui déchire le ciel, ni même entends le tonnerre qui gronde ensuite, elle est occupée à rire, dans un bref moment d'insouciance où elle doit non pas échapper aux méchants, mais juste à des chatouilles. Elle se tortille, joueuse et amusée, tentant d'onduler comme un serpent. Eux glissent toujours entre les doigts et sont difficile à capturer. Moins habille, elle ne peut que continuer de rire avant de reprendre son souffle quand Alex s'arrête. Elle suit le regard qu'elle porte sur la rue et observe à son tour. Elle n'a pas l'habitude des maisons aussi jolies et des rues aussi propres. Même les gens semblent différents. Elle est curieuse des costumes et des chapeaux, des robes et des chaussures qui doivent laisser les jambes se mouiller sous la pluie. Le monstre de fer s'arrête et par instinct, Lullaby se raccroche à Alex. Elle a peur qu'elle la laisse dans la voiture avec la sorcière. Elle cache son nez dans son cou et s’agrippe un peu plus quand elle la sent se redresser. Soupire de soulagement alors qu'elle la prend dans ses bras, plutôt que de l'abandonner là.

Elle aime bien la pluie, Lullaby, alors c'est pas grave si elles se retrouvent dessous. Elle écarte d'ailleurs un peu le blouson, pour la sentir tomber sur ses cheveux, ça la fait sourire. Pied à terre, elle fait quelques pas sous le porche, déjà affairée à tout observer. Elle ne manque aucun détail, les réflexes premiers étant de chercher les cachettes et les portes de sortie. Son regard s'y accroche avant qu'elle ne rentre à l'intérieur, agrandissant aussitôt les yeux. Une maison aussi vaste ça ne peut être qu'un château. Elle tourne sur elle même, les yeux brillants ne sachant dès lors où les poser. Il y a tant à découvrir. Elle cligne plusieurs fois des paupières pour s'assurer qu'elle n'est pas en train de rêver. Elle ouvre la bouche, mais la referme sans savoir quoi dire. C'est mieux que les cartons, surtout quand il pleut. C'est mieux que le foyer, il n'y a pas de verrou aux fenêtres.

C'est finalement la question d'Alex qui la sort de sa brève immobilité. - Oui ! Elle le crie presque, partant alors en courant comme si elle avait eut le top départ pour bouger. Elle passe d'une pièce à une autre sans s'arrêter. Elle repère finalement l'endroit idéal où se poser pour tout observer... A défaut d'avoir remarqué les escaliers, elle a repérer un buffet haut, le chemin pour s'y percher est tracé. Un bond sur une chaise puis sur la table, un dernier avec un peu d'élan et elle se hisse au sommet. Assise, elle croise ses jambes en riant. - C'est immense !! On pourrait y vivre à... Pleins !! Elle l'affirme, admirative.

Affolée, je me précipite en direction de ma petite sportive dont je devine déjà les idées saugrenues. Mon buffet sera donc sa première victime ! D'un pas preste j'essaie de la rattraper, mais c'est déjà trop tard.  

- Lulla ! Ma puce ! Fais attention !

Finalement je reste aux pieds du meuble à la dévisager d'amusement ; elle ne s'est pas faite mal et le meuble n'a rien non plus. Enfin pour le moment... Les poings sur les hanche je la laisse s'exprimer avant d'exploser de rire face à ses propos. Elle a cherché ses mots de façon si touchante que je ne peux que craquer face à un tel agissement. Plusieurs minutes s'écoulent durant lesquelles je lui laisse le loisir de décortiquer son nouveau royaume avant de tendre les bras.

- Allez, princesse Lulla il faut descendre ! On a encore l'étage à visiter.

J'effectue une brève révérence puis récupère mon petit diable qui descend de son perchoir improvisé. Mes doigts se glissant dans les siens, je finis par la mener jusqu'au escalier après lui avoir minutieusement présenter chacune des pièces situés au rez-de-chaussée. Vient le premier ; ma chambre, la salle de bain, les toilettes, bref ! Tout y passe. Lorsque nous nous rapprochons de sa porte, je la dévisage rapidement. La poignée pivote pour donner sur un univers que j'ai passé une bonne semaine à parfaire ; les couleurs sont dans des tons chauds automnales et une forte odeur de bois vernis tapisse les murs. La mezzanine n'est pas trop près du plafond ce qui permet de s'y installer confortablement, de s'y asseoir , de même y faire ce qu'elle veut. Une multitude de guirlandes parsèment les environs de l'oreiller, créant une atmosphère quasi féerique en cas de cauchemars.
J'avais envie qu'elle se plaise ici, qu'elle aime vivre avec moi alors j'ai tout fait pour. Plusieurs peluches jonchent les draps comme pour l'accueillir et l'on peut déjà deviner que la commode renferme des vêtements adaptés à sa taille.

Je m'assois calmement sur le sol ; j'avais peur que tout ne soit pas prêt pour son arrivée, mais je me trompais. C'est parfait. Du moins, je l'espère...

- Alors ? Ca te plait ? Dis-je en désignant l'endroit d'un vague mouvement de poignet. Si tu veux changer quelque chose tu me diras, d'accord ? C'est ta chambre à toi.

Je la dévisage soigneusement, la peur tiraillant mes entrailles. Maintenant que je suis mère, je me dois de prendre soin d'elle, de lui offrir une vie décente et de la nourrir convenablement. Pour l'heure j'attends son verdict concernant son petit monde. Va-t-elle l'aimer ? Je le souhaite de toute mon âme.

- Et tu as vu ? Je dors juste à côté donc si tu as peur de la nuit tu pourras venir me voir.

Ce n'est pas une parole en l'air. C'est bien une promesse.

Les pieds dans le vide, Lullaby rassure Alex d'un sourire bien qu'un peu contrariée par la remarque. - Mais je fais attention. Elle sourit finalement, la preuve est qu'elle ne s'est pas fait mal. Ce qui doit être suffisant pour la réconforter et ça la met pas en colère non plus. La sorcière avait crié quand elle avait fait ça au foyer. D'avantage, quand elle n'était pas parvenue à déloger l'enfant de son perchoir. Elle contemple les pièces visibles plusieurs longues minutes. Elle se demande pourquoi il y a autant de chaise et de fauteuils, alors qu'elle ne sont que deux à y vivre. Elle tend ses bras vers la juge et se laisse glisser dans le sien. Elle mordille sa lèvre, soudainement pensive. - Personne d'autre va venir, hein ? Elle pense à toutes ces femmes qui vivaient avec elle. Il y en avait beaucoup et elle les aimait toutes. Même celles qui restaient pas longtemps. Elles étaient gentilles avec elle et avec sa maman aussi... Pour autant, elle ne veut pas que d'autre vive ici... ça voudrait dire qu'il y aurait des hommes pour venir les voir. Elle serre la main de la Juge et la suit.

Elle oublie un peu ses pensées au fur et à mesure de la visite. Il y a tellement de pièces qu'elle pourrait se perdre. Elle sourit devant l'escalier, relevant les yeux vers l'étage. C'est là que sont les chambres. Lullaby n'a jamais eut la sienne et elle est pressée de savoir ce que ça fait. Elle est patiente pourtant, bien trop émerveillé par ce que Alex lui présente pour se précipiter. Elle a des ''oh'' et des ''ah'', des exclamations de joie, ponctué de rire, jusqu'à la découverte de sa chambre qui la laisse quelques secondes silencieuse. Les yeux courent dans chaque recoin, d'abord le lit et les lumières qui l'entourent comme des petites fées, les peluches et les oreillers, les murs peints ensuite,... Il faut qu'Alex le lui assure pour qu'elle puisse pleinement réaliser. Les larmes lui montent aux yeux et elle en laisse tomber Monsieur lapin, qu'elle n'avait jusqu'alors pas lâcher. Elle se jette au cou de la juge, passant ses petits bras autour. - Je veux rien changer. Elle le souffle, la voix tremblante.

Elle aimerait la remercier, lui dire à quel point elle est contente et reconnaissante. Elle aimerait mettre des mots sur ce qu'elle ressent et pouvoir le lui dire, mais Lullaby ne les connait pas. A défaut, elle se serre d'avantage dans les bras d'Alex.

Je presse le petit être contre moi, souhaitant véritablement la consoler de ce trop plein d'émotion. Mes lèvres déposent un baiser sur sa crinière de feu tandis que j'écoute son petit coeur faire écho au mien. Ainsi, assise par terre, mon petit ange dans les bras, je me sens complète. Quelques larmes pointent à leur tour le bout de leur nez, mais je les ravale aussitôt ; je suis heureuse, il est donc inutile de pleurer.

Fermant les yeux en prenant une respiration des plus profonde, j'esquisse un sourire en caressant doucement les mèches de Lulla du bout de mes phalanges.

- Non. Personne ne va venir. On va être toutes les deux Lulla... Toutes les deux... Dis-je à la manière d'un écho.

Elle ne veut rien changer. Rien. Elle l'a dit. Je suis si émue par sa réaction que ma gorge se serre d'une façon véritablement douloureuse en dépit de ma joie grandissante ; j'avais tant rêver de cet instant qu'une fois qu'il arrive je ne sais plus quoi dire. Moi, la juge à la main de fer, au verbe acerbe, je suis sans voix devant une fillette de sept ans. L'idée m'amuse assez pour m'étirer un sourire.
Nous restons ainsi sans bouger jusqu'à ce qu'une idée me vienne.

- Tu veux des cookies trésor ? Ou même de la purée de pomme de terre ? J'en ai fait spécialement pour toi.

C'est vrai. Ce matin j'ai failli arrivé en retard tant j'ai préparé des biscuits et différents plats pour son arrivée. Il a même fallu que je ramène plus d'un tupperware à ma greffière pour qu'elle en emmène chez elle... Que voulez-vous ? J'ai des origines juives et ma mère m'a toujours proposé au moins cinq plat à un seul repas. On ne se refait pas hein !
J'attrape ma poucinette dans mes bras et regagne la cuisine. Là, je la laisse rejoindre le siège de son choix puis commence à préparer un repas au complet : roast-beef, purée de pomme de terre et haricots verres. Le dessert ? De la mousse au chocolat ! Ou des cookies ! Ou même des pancakes ! J'ai de la pâte déjà prête sur le premier étage du frigo.
Un poil anxieuse, je met la table en jetant plusieurs oeillades à Lulla.

- Ca va ma puce ? Elle te plaît la maison ?

La confirmation qu'elles ne seront que toutes les deux à vivre là s'ajoute à cette joie qu'elle ressent déjà. Elle en déborde tellement qu'elle ne peut qu'un peut pleurer dans les bras d'Alex, se serrant contre elle jusqu'à chercher à y disparaitre. Elle est bien là, elle se sent bien. Presque comme les bras de sa mère, mais en mieux. Elle n'a pas à disparaître aux moindres bruits si elles ne sont que deux ici. Alors elle sourit, sans plus bouger. Elle savoure le câlin, sans se lasser d'observer le mur de sa chambre. C'est quand même mieux que son château de cartons. Même si y a pas de fleurs dessinées dessus, pas encore. Aucun méchant loup ne pourra souffler et faire envoler une maison aussi grande, même en essayant longtemps ! Elle referme les yeux un instant, fatiguée un peu quand même par toutes ses émotions.

- Y a des cookies ET de la purée ? juste pour moi ?! Lullaby est surprise mais affiche un grand sourire, hochant la tête, même si elle ne sait pas quoi choisir entre les deux. Elle aime l'un comme l'autre, habituée à des repas sur le pouce plus qu'à table. Se nourrir occupait beaucoup d'heure de ses journées passées dehors, avant de manger, il fallait trouver de quoi le faire. Elle se laisse porter, soudainement songeuse. Elle a vu beaucoup d'adulte réfléchir et ils se frottent souvent le menton avant de trouver. Elle s'y essaie, les sourcils froncés. Elle sait qu'on fait la purée en écrasant les pommes de terre, ce qu'elle ignore concerne les biscuits. - Les cookies ça pousse pas dans les boites ? Elle regarde Alex, curieuse, presque suspicieuse qu'elle ait pu ''faire'' des cookies.

Une fois par terre, Lullaby essaie plusieurs chaises s'asseyant sur une pour en rejoindre une autre, ne semblant jamais satisfaite. - Oui ça va ! Elle sourit, finissant par en tirer une vers les fourneaux où Alex s’affairait avant de mettre la table. - La maison, elle me plait plus que... Plus que... beaucoup ! ! regardant ce qu'elle pouvait bien y faire une fois debout dessus. Elle ouvre grand la bouche face à autant de nourriture. - Mais pourquoi y a plein comme ça ?! Ses yeux sont rivées et ébahie sur les plats qui mijotent. - On va exploser le ventre... Elle le souffle en le pensant, secouant la tête en se laissant retomber sur la chaise... Elle tourne ensuite la tête vers Alex, préoccupée... Où a t-elle trouvée tout ce manger ?

Je tente tant bien que mal de maîtriser mon amusement face aux réactions de ma petite Lulla mais je dois avouer que c’est un combat intérieur plus qu’intense.  Cette innocence qu’elle affiche ne cessera jamais de me sidérer et d’autant plus tant elle formule cela avec douceur. Tout en passant une main dans sa chevelure rousse, je lui souris.

- Oui, tout ça et y en a parce que je travaille dur ! Et comme Alex travaille bien, elle gagne de quoi se payer tout ce qu’elle veut à manger. Maintenant que tu vis avec moi tu n'auras plus à te priver.

Expliquer tout ceci à une enfant ne m’était jamais paru indispensable. Pourtant, Lulla a connu la misère a un point tel que je ne peux qu’essayer de lui montrer qu’il y a une autre façon de vivre, un autre moyen… J’installe ainsi les derniers couverts de part et d’autre des assiettes avant de regarder ma petite rouquine.

- Regarde Lulla, là on a une fourchette, là on a un couteau et ça c’est une cuillère. Pour la viande, les légumes trop durs pour manger d’un coup il faudra les couper avec la fourchette et le couteau, d’accord ? Et la cuillère : quand elle est grande c’est pour la soupe, quand elle est petite c’est pour le dessert, okay ?

J’adresse un sourire fier à ma petite recrue face à son hochement de tête solennel avant de regagner mes fourneaux tout en la surveillant d’un œil. Heureusement le roast beef s’est bien réchauffé et de même pour la purée. J’amène ainsi les deux plats relativement lourds sur la table puis en ôte le couvercle pour qu’une bonne odeur s’en échappe. Toujours soucieuse de la petite, je la regarde s’imprégner du parfum de ce repas fait maison et son air bienheureux me donne presqu’un coup au cœur. Il n’en faut pas plus pour que je la serve. Calmement, je prends le temps de lui montrer comment faire des petits bouts de viande, tout ceci en demeurant patiente. Ma voix se fait douce et je lui indique les bons gestes à réaliser ainsi que ceux à éviter. Tout semble si nouveau pour elle que je me dois de garder un rythme relativement supportable pour sa petite caboche ; je m’y emploie donc sans efforts. La voir bien manger me rassure assez pour me servir à mon tour et ainsi l’accompagner. Je ne suis pas peu fière de ma cuisine d’ailleurs ! Moi qui jusqu’ici commandais une fois sur deux, j’ai appris à mijoter de bonnes choses durant ces trois derniers mois afin de proposer un régime équilibré à la petite.
Songeant à une des questions qu’elle m’a adressé un peu plus tôt, je l’observe en mordant dans un morceau de bœuf.

- Tu voudrais voir comment on fait des cookies Lulla ?

Cette occasion nous permettrait sûrement de passer un bon moment toutes les deux en plus de faire une activité qui lui apprendrait quelque chose ; un bon compromis pour renforcer notre lien somme toute. En attendant qu'elle me donne sa réponse, qui ne tardera pas à venir j'en suis sûre, je caresse de nouveau ses boucles de feu en souriant. Côte à côté, assises autour de cette table, on forme déjà une famille. L'idée me serre le coeur autant qu'elle m'enchante.
Je n'avais j'imaginé un après si radieux après l'accident... Moi qui pensais finir seule...me voilà maman.

Lullaby s'applique à l'écouter, concentrée. Les sourcils froncés, elle assimile ce qu'elle a comprit du monde et des gens, en les observant beaucoup et longtemps, à ce que lui dit Alex. Elle sait que contre du travail, on donne des sous. Elle sait aussi qu'il y a beaucoup de travail différents et que les sous s'échange contre beaucoup de chose. - Tu aimes bien travailler bien et dur ? A ces femmes qui l'ont élevée, elle a souvent entendu des hommes crier de le faire. - Ma maman elle aimait pas ça, ça la fait pleurer. Elle était jeune sa maman. C'est rare que l'enfant parle d'elle même de ça. Elle est d'habitude plus vive à s'y opposer que consentante à parler de sa vie d'avant la nuit rouge. Mais elle fait confiance à Alex, bien que le sujet reste sensible. - Si ça te fait pleurer aussi, tu fais pas, hein ? C'est pas grave. Elle est prête à se priver, elle prête à rien manger... Surement pas à voir Alex pleurer aussi.

Elle passe à autre chose comme si le sujet était anodin. Elle est à présent bien plus préoccupée par les nouvelles explications données. Elle observe les couverts, ayant déjà vu des gens manger avec. Elle, préférait manger avec ses doigts. De toute façon, elle n'en avait pas et n'en avait pas besoin. Elle veut cependant faire plaisir à la juge alors elle écoute, attentive, avant de hocher la tête dans un grand sourire. Elle se met debout sur sa chaise pour la regarder faire et se rassoit quand elle pose les plats et fait de même. Une nouvelle fois, son ventre gargouille sous l'odeur alléchante des plats. Quelques secondes la tête lui tourne même. Elle a vraiment faim. Elle se force à la patiente, observant les gestes montrées et s'applique ensuite à faire les mêmes, coupant avec précaution la viande. Elle veut vraiment bien faire. C'est pas facile, d'autant plus qu'elle est gauchère et tient donc ses couverts à l'envers.

- Han ! C'est la meilleur cuisine du monde ! Elle en est admirative et la première bouchée est suivit par d'autres. C'est tout juste si elle prend le temps de mâcher, elle en est d'ailleurs à la moitié, lorsqu'elle s'interrompt à la question d'Alex. - Oui ! Beaucoup ! Beaucoup ! Beaucoup ! Elle aime les cookies, même si elle n'a goûté que des industriels bons marchés. Sa mère lui en achetait parfois en cachette. Elle sourit, trépignant presque sur place. - Tu sais faire plein de chose Alex ! Et tu sais beaucoup de choses aussi... Elle ne peut être qu'en être rêveuse. Il faudrait qu'elle la regarde beaucoup, comme ça, elle pourra faire comme elle ! Elle se redresse d'ailleurs et dans ce jeu qu'elle fait souvent, copie la position de la nouvelle mère et imite ses gestes. Elle est devenue douée, même sa petite frimousse se pare d'une expression similaire à la sienne; Elle peut y arriver. Fière, elle sourit ensuite.

Revenant à son assiette, elle continue de manger. Lorsqu'elle s'arrête, son assiette est pratiquement vide. Elle a finit la purée et les haricots vert mais à laisser des morceaux de viande qu'elle met à présent naturellement dans ses poches, désireuses d'en garder pour plus tard. Elle ne mesure pas vraiment à quel point cette vie que lui propose Alex est différente de celle qu'elle connait. Elle ne peut même pas imaginer le gouffre que les sépare. Ce n'est pas son quartier malfamé qu'elle a quittée, mais la rue. Et ça, elle n'est pas à même de le réaliser. La juge peut lui dire qu'elle n'aura plus à se priver, concrètement, elle ne le comprend pas. Elle ne le concrétise pas.

Tout en la regardant me complimenter pour le repas, je souriais d’un air béat face à tant d’énergie ; elle me bluffait sans cesse. Par la suite, ce qui se passa me laissa d’autant plus rêveuse. Lulla m’était tant de cœur à s’appliquer que je ne pus que l’admirer . Son ardeur à me recopier, à m’imiter à se tenir comme il faut était véritablement des plus charmants ; sans compter ses propos sur le travail. C’était une réalité tragique que je savais pour sa mère, mais j’avais envie de lui montrer le bon côté de la vie, du travail et c’est pourquoi je savais déjà que je l’emmènerais au palais le temps qu’elle s’habitue à sa nouvelle vie. Cette adaptation serait longue. Douloureuse. Surprenante. Toutefois, elle devait resté enrichissante et bienveillante.
Alors que j’allais récupérer son assiette pour la placer dans le lave-vaisselle, je la vis prendre plusieurs bouts de roast beef dans ses poches. Tout d’abord choquée, je n’osais bouger avant de me pencher près d’elle.

- Lulla… Ce n’est pas correct de prendre de la viande dans ses poches.

L’air tout d’abord souriant, je me mettais à son niveau et récupérais la nourriture en la regardant.

- Ecoute-moi. Ecoute-moi bien, d’accord ?

Sa frimousse rousse qui acquiesça m’arracha un sourire tendre. De ma voix la plus calme, je reprenais mes explications, mes mains tenant les siennes.

- Tu ne dois plus prendre de bout de nourriture comme ça. Ce n’est plus nécessaire. Quand tu auras faim il suffira de me demander !

Nous échangeons un regard avant que je ne poursuive en lui expliquant le déjeuner, le dîner puis le souper afin qu’elle se repère un minimum. Je savais pertinemment que ce ne serait pas facile, néanmoins je ne désespérais pas, conservant une patience à toute épreuve. Une fois le fonctionnement des repas expliqués, j’ajoutais que de temps à autre je lui ferais un goûter pour l’après-midi. Ses petits yeux me fixaient d’un air profondément songeur et cela me fit finalement rire.

- Alors, tu as tout compris ? Dis-je en caressant ses cheveux , l’air déjà très fière d’elle.

Elle fronce les sourcils dès qu'Alex se pose face à elle pour lui retirer des poches, ce qu'elle comptait manger plus tard/ Elle ne comprend pas. Et ce qu'elle lui dit ne l'aide pas beaucoup. Pas correct... Pour quoi ? Pour qui ? Cependant, elle ne demande pas encore. Alex n'a pas finit et poursuit en lui demandant de bien l'écouter. Elle hoche donc la tête, se concentrant malgré la contrariété et la sensation d'avoir été privée. C'est comme quand elle avait prit les fruits qui étaient posés dehors. Il y en avait plein et elle en avait prit juste un. ça n'avait pas empêcher un homme de sortir dehors, de l'attraper par le bras et de lui crier dessus. Ce qu'elle avait pu avoir peur. Elle avait du lui donner un coup de pied pour pouvoir s'échapper... Mais sans la pomme.

La juge ne crie pas. Lullaby n'en a pas peur non plus. Elle explique. Et elle explique bien. L'enfant aime beaucoup l'écouter parler. Elle sait tellement de chose. Elle a pourtant du mal à la croire. Elle ne pense pas qu'Alex puisse lui mentir en faisant exprès, mais elle peut se tromper. Ça arrive parfois, même aux Grands. L'idée de tous ces repas, tous les jours, la fait finalement sourire et elle hoche la tête. - J'ai compris ! Elle referme les yeux à sa main dans ses cheveux, appréciant définitivement cette sensation.

Elle réfléchit aussi, mordillant sa lèvre avant de relever son regard vers elle, hésitante. - Mais... Mais si un jour quand Lullaby demande, y a plus à manger ? Elle veut pas mettre en colère Alex. Elle est nerveuse et tire un peu sur son t-shirt trop grand qu'on lui a donné au foyer. - Ca... ça serait bien qu'il y est un peu de nourriture caché, non ? Elle n'arrive pas à intégrer qu'il puisse exister un avenir où la faim ne serait plus jamais un problème. C'était une trop grande préoccupation depuis bien trop longtemps. Même avant la nuit rouge, elle avait l'habitude de s'endormir le ventre gargouillant et douloureux.