Quand je me regarde dans un miroir, je ne vois qu’une minuscule figure cernée et trop pale, encadrée de cheveux blonds emmêlés le plus souvent et ternes. Plus petite, j’avais les joues roses et rondes, et je rendais le sourire aux plus dépressifs des amis de mes parents. A présent, c’est plutôt le contraire. J’ai les joues aussi blanches que le reste de mon visage et je ne prends plus le temps de me maquiller. Niveau vestimentaire, je m’habille toujours de la même façon, jean et t-shirt, ou chemisier. L’argent ne tombe pas du ciel et je n’ai pas changé ma garde-robe depuis des mois, voire des années.

Mes parents m’ont inculqué la politesse comme plus grand qualité. Puis, il y a eu la gentillesse, les manières à la française, et la joie de vivre. Les quinze premières années de ma vie complétèrent ces valeurs. Les quinze suivantes le firent beaucoup moins. Dès que j’ai rencontré Adrian, mon bonheur s’est décuplé, et s’est brisé d’un coup. A cause de ça, j’ai le moral en berne un jour sur deux. Je suis lunatique, et si je peux encore rire et aimer la vie comme avant, certains jours, je suis complètement déprimée. C’est mon lot pour le reste de ma vie, maintenant !

Je suis née à Saint-Nazaire, en France, dans la fin des années quatre-vingt, d’un père canadien et d’une mère française. Je n’ai jamais manqué de rien, mes parents ont toujours été là pour moi, ont veillé à ce que je sois toujours heureuse. Fille unique, j’ai eu l’occasion d’être gâtée jusqu’à ne plus savoir quoi faire de mes jouets. J’ai toujours été très entourée, mais je n’ai jamais su garder mes amis. Au final, j’étais bien souvent seule, profitant simplement de l’ambiance des salles de classes, de fous-rires ponctuels et de soulèvements lycéens qui donnaient à chacun l’impression de faire partie d’une équipe, d’un groupe. Tout ce que je recherchais, c’était une bande à laquelle m’intégrer et ne plus être solitaire. Cependant, rien n’a jamais évolué positivement, et je suis restée le plus souvent entourée de dizaines de connaissances, de copains, d’amis, sans jamais m’intéresser réellement à eux.
A 15 ans, mes parents divorcèrent, et je suivis mon père au Canada. Je n’étais pas bilingue, mais nous vivions à Montréal, alors j’eus bien le temps de perfectionner la langue de Shakespeare en continuant de parler Français. J’ai vécu dix ans à Montréal où j’ai tenté de faire des études, avant de me faire embaucher dans un magasin de prêt-à-porter. A 25 ans, j’ai décidé de quitter Montréal et de m’installer à Toronto, pour changer d’air, et pour tenter de trouver un meilleur travail. Sans grand succès. Je fus de nouveau embauchée dans un magasin, de chaussures cette fois, et j’y suis encore, d’ailleurs.
Cependant, j’ai rencontré Adrian et ça a été comme un revelation pour moi. Si j’en croyais mes collègues, c’était ce qu’on appelait un “coup de foudre” et je n’allais pas pouvoir y résister. Lui non plus ne résista pas, et bien rapidement, nous sortîmes ensemble. J’étais amoureuse pour la première fois de ma vie, un sentiment bien étrange, qui me convenait parfaitement. Au bout de six mois, nous emménagions ensemble. Un an après notre rencontre, on se fiançait. Sept mois après nos fiançailles, j’appris avec ravissement que j’étais enceinte, et que nous allions donc avoir un bébé. Il y avait bien des choses que je ne connaissais pas d’Adrian, et il ne voulait jamais en parler, mais je l’aimais comme il était, et ça ne me dérangeait pas. Je ne lui racontais pas tout non plus et c’était bien comme ça.
Quand Charlie est né, nous étions les parents les plus heureux du monde, et ce bébé était mon plus beau cadeau. Je le chérissais plus que tout au monde, c’était mon fils, et jamais je ne pourrais le quitter. Adrian était un père modèle, et il faisait tout pour que tout aille bien dans notre nouvelle famille. Jusqu’au jour, deux mois plus tard, où l’on retrouva Charlie inanimé dans son berceau. Ce fut le début de la descente aux Enfers pour Adrian et moi, et il ne supporta pas le choc. Il partit, en me laissant toute seule avec ma souffrance. Et moi, je n’étais même pas capable de le haïr pleinement… Encore aujourd’hui, Adrian reste l’homme que j’aime, et je pourrais tout faire pour le récupérer.