La pluie battait les rues de Toronto alors que je sortais de l'Université à la fin de ma journée de cours. Je m'abritai sous le porche de l'entrée, fouillai quelques instants dans mes poches pour trouver mon paquet de cigarettes, en portai une à la bouche et l'allumai frénétiquement. C'était absolument immonde comme goût, ça sentait le papier et la fumée. Pourtant je soufflai la fumée avec soulagement. Au centre, ils avaient tenter de me convaincre d'arrêter de fumer, mais j'ai jamais tenu plus de trois jour. Je n'ai pas vraiment remplacé une addiction par une autre, comme le font certaines personnes. J'ai plutôt éliminé la plus dangereuse. Maintenant je ne me tue plus qu'à petit feu.

J'eu un petit ricanement amer, peut être un peu sonore vu le sursaut qu'il provoqua au type debout pas loin. Je terminai ma cigarette assez vite. Ça faisait maintenant quelques semaines que j'étais à Toronto et je m'habituais doucement à la ville. Les cours se passaient plutôt bien et j'avais même un boulot grâce à Douglas. Et pourtant, je me sentais triste, voire déprimé aujourd'hui. Je n'avais aucune explication à me fournir, peut être la solitude ? Je secouai la tête, jetai ma cigarette dans une poubelle et, voyant que la pluie n'avait pas l'air décidée de s'arrêter, parti en courant vers le bureau de Douglas en maintenant mon sac à dos au dessus de ma tête.

Heureusement, l'endroit n'était qu'à quelques rues. Tout en parcourant les trottoir, je jetai un coup d'œil au quartier. Tout respirait le luxe, ça me mettait mal à l'aise. Je suis presque certain que je pourrai pas me payer ne serait-ce qu'un risotto dans un de ces Italiens huppés. Je ralentis en approchant de ma destination et monte les marche et toque à la porte. Malgré mon sac à dos, je suis trempé jusqu'au os. C'est la première fois que je vois une pluie pareille depuis que j'ai emménagé.

J'entendis la voix lointaine de Douglas me dire d'entrer et je m'exécutai. Il était assis à son bureau. Ses yeux étaient levés vers moi mais ses doigts continuaient de pianoter frénétiquement sur les touches de son ordinateur portable. Il a l'air bien occupé.

- Salut Ryan ! Réchauffe toi vite, pour que tu n'attrapes pas froid. Je dois avoir un chemise propre dans le placard, si tu es trop mouillé.

Je jetai un coup d'œil dans le miroir de l'entrée et constatai l'étendue des dégâts. Mon t-shirt était trempé, ainsi que mes baskets et ma veste carrément bonne à jeter. Je répondis à son salut et acceptai sa proposition. J'avais pas l'habitude d'emprunter des vêtements, ou quoique ce soit d'autre, au gens mais si je ne me changeais pas j'allais attraper la crève.

J'ôtais donc mon t-shirt que j'essorai dans l'évier de sa kitchenette et pris une chemise dans son placard. Une fois celle-ci enfilée je me senti un peu mal à l'aise. C'était une chemise très classique, pas une style bûcheron comme j'avais l'habitude de porter. J'avais l'impression d'être totalement ridicule, mais au moins, j'étais au sec.

Je me tournai enfin vers Douglas. Il me proposai un café que j'acceptai volontiers. J'aimais pas trop ça, avant, mais depuis quelques mois je ne pouvais plus m'en passer. Comme si mettre fin à une addiction m'avait rendu accro à plein d'autre petites choses, certainement plus insignifiantes mais tout aussi dérangeantes.

"Beaucoup de boulot à ce que je vois. C'est quoi le programme aujourd'hui ?"

Certainement du triage d'archives et du rangement de dossiers, comme d'habitude. Je prends place sur la chaise située en face de lui, habituellement réservée aux clients.

"En effet, pas mal de travail, et d'ailleurs en parlant de ça."

Il lâcha son ordinateur et s'enfonça confortablement sur sa chaise, comme les grands patrons dans les films. Je lui lançai un regard interrogateur. Généralement, il me disait seulement ce qu'il voulait que je fasse et je me mettais au travail.

""Ca fait quelques semaines que tu es là, et je suis très satisfait de toi, vraiment, tu m'aides beaucoup et tu fais un excellant travail. Mais comme tu peux le voir l'agence fonctionne bien..."

J'attendis la suite, perplexe. Ou voulait-il en venir ? Peut-être qu'il n'avait plus besoin de moi, qu'il souhaitait trouver quelqu'un de plus compétent. Avec un diplôme ou de l'expérience par exemple. Je ne lui en voudrais pas, après tout je n'ai absolument aucunes qualifications en quoi que ce soit, excepté mon brevet de natation. Je doutais que cet argument joue en ma faveur. Mais je devais avouer que j'aurai aimé travailler plus longtemps pour lui.

"Tu aurais envie de faire un peu plus que du tri ? Je suis débordé, les affaires arrive rapidement, et certaines plus longue que d'autre. Je te propose donc de m'aider dans les filatures. Je t'apprendrais bien sur, et tu n'auras que des cas pas trop compliqué pour commencer. Qu'en dis tu ?"

Je restai quelques secondes sans voix avant de pousser un petit soupir de soulagement. Je ne réfléchi presque pas avant de répondre :

"Ce serait avec plaisir ! J'ai cru un moment que tu ne voulais plus de moi pour t'aider !"

Je lui souris, heureux de cette opportunité. Je ne savais pas trop en quoi ça allait consister exactement, mais rien que le mot "filatures" me faisait penser aux films d'espionnage. Ça avait une dimension mystérieuse. Et puis ça faisait toujours plus cool que du triage.

"Et ça consisterait en quoi exactement ? Suivre les gens, observer leurs faits et gestes ?"

Il me répondit par l'affirmative en hochant la tête. Je me penchais en avant pour écouter ses explications, intéressé.

"C'est ça, sauf qu'il faut tout retenir, chaque geste, des personnes que tu vois, tu dois prendre des photos discrètement et la règle la plus importante, ne pas aller lui parler. Certes parfois c'est très tentant, mais c'est une règle très importante."

Je fis un signe de tête pour dire que j'avais compris. Retenir ça devrait pas être trop compliqué, j'avais toujours eu une bonne mémoire. Je me demandais un peu pourquoi il était interdit de parler à la "cible", mais je laissai Douglas continuer.

"Pour les premières fois, je viendrais avec toi et quand je te sentirais près, je te laissera en faire une tout seul. Ca te convient ? "

Tout ça me semblait fort intéressant. Tellement plus que du triage. Par contre, je ne savais pas trop si j'étais taillé pour le job. Je n'avais jamais été très discret, enfin, à part pour échapper au flics... Peut être que j'avais un peu d'expérience après tout. Il ne me laissa pas le temps de lui répondre.

"Et bien entendu, tu auras augmentation de salaire ça va de soi !"

Cet argument n'était pas vraiment nécessaire pour que j'accepte et je pense que Douglas le savait très bien. Il devait avoir vu mon enthousiasme.

"Ça me convient parfaitement ! Je vais avoir beaucoup à apprendre à mon avis, j'espère que je ne serais pas un boulet pour toi..."

Je voulu mettre mes mains dans mes poches avant de me souvenir que je portais la chemise de Doug. Je me demandais un instant si il fallait porter la chemise pour les filatures. Je chassai cette idée. Il fallait être le plus naturel possible, je ne devais sûrement rien changer à mes habitudes vestimentaires.

"En tout cas merci beaucoup pour cette opportunité. Je sais vraiment pas comment je pourrai te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi depuis le soir ou on s'est rencontrés."

Il me lança un de ses sourires totalement sincère et honnête dont il a le secret. Y'a pas à dire, c'est vraiment un gars bien. Je me demandai un instant si il était capable de tuer une mouche. Après tout, il était si gentil ! Enfin, peut être que si c'était une très, très méchante mouche, il pourrait la tuer...

"En me rendant fier ! Mais je sais que tu feras du bon travail. Demain on commence le terrain, j'ai eu une petite affaire normalement pas trop compliqué. Et une fois que je te sens prêt, je te confirai une filature."

Je lui souris à mon tour et hochai la tête. J'avais hâte de commencer. Les cours m'ennuyaient, à par celui de musique qui était intéressant. J'avais repris des études plus par besoin que par passion. Je n'étais pas sur que c'était la bonne solution, mais j'avais pas vraiment le choix. Heureusement qu'il était là, cette opportunité allait changer mon quotidien !

Je me rendis soudain compte que je ne savais pas grand chose de Douglas. Il savait que j'étais un ancien drogué, même si je n'avais pas raconté mon histoire en détail. Il savait aussi que j'avais entreprit des études. Mais moi, que savais-je de lui, excepté qu'il était détective privé ? Je me dis que c'était peut être l'occasion d'en savoir plus.

"Dis Doug... Comment tu es devenu détective privé ? Je veux dire, c'est pas courant comme job. Et puis, y'a pas vraiment d'école pour ça..."

Son sourire s'effaça et il détourna le regard, soudain pensif. Apparemment, il n'aimait pas trop parler des raisons qui l'avaient poussé à devenir détective. Je regrettai un peu de le mettre dans cette situation, mais d'un autre côté, cette réaction attisait ma curiosité.

"J'ai été policier avant... J'adorais mon travail et j'étais presque inspecteur principal quand j'ai démissionner."

Il dit une pause, comme si il devait rassembler ses idées. Je me penchai en avant, intéressé par son histoire. Si il adorait tant son travail, qu'est ce qui avait pu le pousser à démissionner ? Je me retint de lui poser la question, lui laissant le temps d'y arriver par lui-même. Après une nouvelle inspiration, il continua.

"Lors d'une enquête nous avons été pris dans une fusillade avec des délinquants... et j'en ai tué un. Je n'ai pas réussis à passer outre. Ne sachant pas quoi faire d'autre de ma vie, quelques années après, une fois que je me sentais près, j'ai décidé d'ouvrir l'agence... Voilà..."

Il souris à nouveau, mais ce sourire était différent des précédents. Il semblait douloureux, à l'image du souvenir qu'il illustrait. Je m'enfonçai dans mon siège, un peu étonné. Et dire que quelques secondes plus tôt, je le disais qu'il ne ferai pas de mal à une mouche. C'est certainement cet incident qui l'avait poussé a vouloir autant faire le bien.

Je me remémorerai mes années à Détroit. J'en avais vu des fusillades, j'avais toujours fait en sorte de les éviter, mais ça arrivait souvent. Avec la police, entre différents gang, cartels,... Certains endroits étaient dangereux. Et parfois, des gens mourraient. Certains étaient des vrais truands, des sales types. Mais d'autres étaient des jeunes comme moi. Ça arrivait, c'était triste, mais personne ne pouvait rien y faire. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire, ne me sentant pas bien placé pour le réconforter. Après un long silence, je me lançai.

"Je ne peux pas vraiment te dire que c'est pas grave tu sais. Mais en tout cas, tu dois aller de l'avant. Je sais que c'est déjà fait en partie, tu as monté ton agence, tu as l'air d'aller bien. Mais essaie de ne pas trop ressasser ça."

Je savais très bien que c'était plus facile à dire qu'à faire. Mais après tout, l'erreur est une composante de la nature humaine. Et Douglas n'était vraiment pas un mauvais gars, il ne devait pas se laisser bouffer par cet incident. Mais je ne savais pas comment lui faire comprendre ce que je ressentais.

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J'avais conscience que mes dires étaient maladroits et pas très bien formulés, mais c'était l'intention qui comptait comme on dit. Douglas me sourit, il semblait légèrement amusé par mon air sérieux. Fallait avouer que ça ne m'allait pas vraiment.

" J'ai avancé, mais je ne peux pas ne pas y penser chaque jour. Ca fait partie de moi maintenant. Mais après plusieurs années de thérapie, j'ai appris à vivre avec se poids."

Je hochai la tête en restant silencieux. Il n'y avait pas grand-chose à ajouter de toute façon. Il me regarda un instant et continua.

"J'espère que je ne te fais pas peur.... je sais très bien que le mec que... enfin, ça aurai pu être toi à Détroit... Si tu as d'autre questions n'hésite pas. C'est le moment !"

Je baissai les yeux quand il évoqua Détroit. Je n'étais pas encore très à l'aise avec ça, et encore moins depuis que je savais qu'il avait été flic. Je savais que c'était idiot, mais j'avais encore besoin d'un peu de temps.

"Ca à du être dur d'abandonner ton métier... Tu as eu quelqu'un pour te soutenir à ce moment là ?"

C'était plutôt indiscret, mais je considérai vraiment Doug comme un ami maintenant, et j'espérai que c'était réciproque.

Il passa la main dans ses cheveux et regarda une photo sur son bureau. Je ne pouvait pas la voir d’ici, mais j’avais déjà aperçue. Si je me souvenais bien, il s’agissait d’une jeune fille brune qui ressemblait un peu à Doug.

« Et bien... en faite... pas vraiment, j'ai une petite soeur, mais je ne voulais pas l'embêter, alors j'ai été voir un psy... et j'ai réussis à m'en sortir, enfin à vivre avec ce que j'ai fais... C'est ainsi que va la vie. »

Il me sourit, l’air un peu triste. Personnellement, mes parents m’avaient beaucoup aidé dans mes pires moments. Mais lui n’en avait même pas parlé à sa sœur. En fait, je n’arrivais pas à savoir si je trouvais ça courageux ou égoïste.

« Et tes parents, tu leur en a parlé ? »

Il me lança un regard triste, comme si il s’attendait à cette question. Je cru lire une certaine réticence dans ces yeux alors je continuai.

« Je suis désolé si je t’embête avec mes question, tu n’es absolument pas obligé de répondre bien sur… »

Il me sourit et me signifia que s’il ne voulait pas parler, il ne le ferait pas. Il sembla réfléchir un peu avant de continuer.

« Ils sont mort tragiquement il y a bien longtemps, j'ai grandi sans eux, et j'ai toujours voulu protéger ma petite soeur. C'est pourquoi je ne voulais pas lui parler... »

Je restai silencieux, ne sachant que répondre. Je m’étais bêtement imaginé qu’il ne s’entendait pas avec eux, un truc du genre. L’idée qu’ils soient décédés ne m’avait même pas traversé l’esprit. Ce que je pouvais être naïf des fois.

« Je suis vraiment désolé, Doug. »

C’était pas très original et je savais que ça n’arrangeais absolument rien, mais au moins ça venait du cœur. Que répondre d’autre de toute façon ? J’avais envie de lui demander les circonstances du décès de ses parents, mais je me retins. Désireux de changer de sujet, je repris la parole.

« Si tu veux, tu peux me poser des questions aussi. Je comprendrai que tu veuille en savoir plus sur moi étant donné que je travaille pour toi… »

Je n’avais pas spécialement envie de m’épandre sur ma vie, mais je trouvais normal de lui donner un minimum d’informations s’il le souhaitait… Et sinon, c’était aussi bien !

« Merci Ryan, mais tu sais, depuis toutes ces années, j'ai réussi à vivre sans eux, et puis, j'ai ma petite soeur. »

J’hochai la tête en même temps qu’il me souriait. J’avais l’impression qu’il essayait se donner la façade d’une personne ayant totalement surmonté ses démons, alors qu’en fait ils dormaient encore en lui, se réveillant à la moindre occasion. Mais je me faisais peut-être des idées. Je n’avais jamais été doué pour cerner les gens après tout. Quoiqu’il en soit, j’étais certain qu’il parlerait s’il en avait besoin.

Un petit silence gêné suivi cette déclaration. Douglas jouait avec ses mains, cherchant sans doute une manière polie de me demander comment j’étais devenu toxico. Quelle autre question pouvait-il avoir envie de me poser ? Quand je lui avais proposé de m’interroger sur mon passé, je me doutais de quoi il allait en retourner. Finalement, alors que je feignais être absorbé par mes chaussures, il releva la tête.

« Comment tu es tombé dans la drogue ? »


Ah, bon, en fait peut-être qu’il n’avait pas vraiment cherché de périphrase pour me le demander. Enfin, ce n’était pas plus mal au fond. Je pris une grande inspiration et lui lançait un petit sourire triste avant de me lancer.

« J’aimerai pouvoir te dire que j’ai vécu un traumatisme dans mon enfance, que j’ai été abandonné dans la rue ou quelque chose qui pourrait, à défaut d’excuser, expliquer comment je suis tombé là-dedans. »

Je m’arrêtais, respirant un peu. J’avais longuement réfléchi sur le sujet, mais ça faisait quand même du bien d’en parler. Je détournai les yeux quand je repris.

« La vérité, c’est que j’ai fait des erreurs en arrivant à Détroit. J’ai trainé avec des types pas nets que j’aurai certainement mieux fait d’éviter. Ça a commencé avec des joints, puis un de mes amis à voulu me faire découvrir autre-chose. C’est là que c’est devenu incontrôlable je crois. »

Les yeux dans le vague, je me remémorais mon parcours et tout ce que j’aurais pu faire pour en sortir. A quoi pensais-je à ce moment-là ?

« Ça n’a cessé de s’empirer, je suis même entré dans un petit cartel pour lequel je vendais de la marchandise pour pouvoir me payer ma part. J’ai vécu un an dans différents squats quand mes parents ont tout découvert. Je suis vraiment un idiot. »

Je m’arrêtais, me rendant compte que j’allais plus loin que ce qu’il demandait dans sa question. Je reportais mon attention sur mon interlocuteur. Mon sourire s’était effacé et seulement le regret pouvait se lire sur mon visage. Souhaitant détendre un peu l’atmosphère après ces révélations, je fis un sourire forcé et je lançais d’un ton de plaisanterie :

« Je ne devrai peut-être pas raconter tout ça à un ancien flic… »

Il ria à mes mots, ce qui me fît sourire. J'étais content d'avoir pu détendre l'atmosphère. Je n'aimais pas être celui qui plombait l'ambiance et mais malheureusement, mon histoire s'y prêtait bien.

"Tu l'as dit toi-même, je suis un ancien flic ! Et sans preuve, sans flag on ne peut rien te faire. De plus tu as tout arrêté, tu as fait une croix là-dessus..."

J'acquiesçais, même si je n'étais pas aussi confiant que lui. Bien sur je voulais m'en sortir. Mais comme on dit, c'est plus facile a dire qu'à faire. Enfin pour le moment, je m'en sortais plutôt bien. Il fallait que je continue sur cette voie et tout allais bien se passer.

Un silence s'installa pendant que nous étions tout deux plongés dans nos pensées. Tout à coup, je pris la parole.

"Pour en revenir aux filatures, je commence quand ?"

« Eh bien, dès demain, si tu le souhaites, je t'apprends les bases, et quand je te sentirais près, j'aurai une petite filature à te confier. Pour que tu me retrouves une adresse... Donc demain si tu pouvais venir un peu plutôt... ça serait parfait. Mais tu vas voir, ce n'est pas compliquer, il faut juste être discret et prudent pour ne pas se faire repérer. »

J’acquiesçais avec un sourire. Il avait l’air de trouver ça facile, j’espérais que c’était vrai. Je n’étais pas la personne la plus discrète du monde, mais j’étais un jeune homme tout banal. Je devais pouvoir y arriver.

Nous continuâmes à parler de choses et d’autres et au bout d’un moment, je me décidai à me lever pour retourner chez moi. Si je ne bossais pas un peu pour mes cours c’était mal parti… Nous nous donnâmes rendez-vous le lendemain, un peu plus tôt, pour qu’il puisse m’apprendre les rudiments du métier.

Heureusement, je finissais plus tôt le lendemain. Je fonçai immédiatement au bureau de Doug. Depuis que j’étais à Toronto, je n’avais pas vraiment eu le temps de m’ennuyer. C’était plutôt une bonne chose, ça me gardait occupé. J’avais de la chance d’être tombé sur Doug dès mon premier jour, sinon j’aurai certainement été contraint de prendre un petit boulot de serveur dans un café ou l’autre, et Dieu sait combien ces jobs sont éprouvants autant physiquement que moralement. Passer son temps à servir des gens désagréables pour un salaire minable, ça me donnait pas trop envie.

Une fois chez Doug, il m’invita à entrer et je posais ma veste dans un coin alors qu’il se rasseyait dans son fauteuil. Je lui tendis la chemise qu’il m’avait prêtée la veille en lançant sur le ton de la plaisanterie.

« Tiens, je te l’aurais bien piquée mais c’est pas trop mon style. »

En effet, je portais un t-shirt délavé avec une chemise style bucheron à gros carreau. Pas tout à fait pareil. Je souris et m’asseyais dans le siège en face de lui. Je n’attendais plus vraiment qu’il me dise de m’assoir maintenant, on avait dépassé ces politesses futiles.

Il me sourit et rangea sa chemise dans son placard avant de venir s’assoir devant moi. Il termina en vitesse ce qu’il était en train de faire quand j’étais arrivé et reporta son attention sur moi. J’étais plus qu’impatient de commencer.

« Bon, avant de partir, il faut que je te donne une telle petite mise en garde. Ne pas faire de chose bizarre qui attirerait l'attention sur toi, ne pas engager la conversation avec la cible, ni poser des questions sur cette dernière. Il faut être prudent, discret et essayer de voir partout à la fois. »

J’acquiesçais, attentif. Je devais pouvoir faire tout ça. Si je m’appliquais à ne pas être maladroit et que je restai bien prudent, je devrais pouvoir être discret et me faire passer pour un gamin comme tant d’autres dans une grande ville. Du moins je l’espérais.

Il me demanda si j’avais des questions avant de partir et je ne pus m’empêcher de lui demander quelque chose qui me trottait dans la tête depuis que je réfléchissais à ces filatures. Dans les films, les mecs qui espionnent les autres ont toujours des énormes appareils photos, des jumelles, des lunettes de soleil,… Mais je ne savais pas vraiment si c’était pareil en vrai. Ca ne devait pas être trop discret si c’était le cas, non ?

« Ben… Je me demandais s’il fallait un matériel ou une tenue particulière ? Tu sais, genre des lunettes de soleil ou un appareil photo… »

Il allait peut-être se dire que je regardais trop de série, mais à  vrai dire, je n’avais jamais eu l’occasion d’observer un type en prendre un autre en filature dans la vraie vie…