Aujourd'hui, j'avais rendez-vous avec Ella. Elle m'avait appelé il y a de cela quelques temps, pour me prévenir qu'elle allait être en vacances, et qu'elle voulait me voir, parce qu'elle avait « des tas de choses à me dire ! » Apparemment, c'était assez urgent. Ainsi, nous avions convenu d'un jour, d'un lieu, d'une heure, et de mon côté, j'avais demandé à Jonathan s'il pouvait garder mes enfants, le temps d'un après-midi supplémentaire. Il avait bien entendu accepté, et c'était avec une joie immense que j'étais sortie dans Toronto sous le soleil, pour rejoindre ma cousine, à l'endroit convenu.

Le bord du lac Ontario. C'était là que l'on devait se retrouver. Avec la splendide météo à laquelle nous avions droit, ces derniers temps, ce serait une honte de ne pas en profiter plus que ça ! Les températures n'étaient plus aussi fraîches qu'avant et je n'avais pris qu'un gilet pour me couvrir, au lieu de mon gros manteau. C'était tellement agréable de pouvoir sortir comme ça, sans se prendre la tête.

J'arrivai la première au point de rendez-vous, mais je n'attendis pas longtemps avant qu'Ella ne me rejoigne. Je lui fis un grand sourire en la saluant de loin, d'un signe de la main. Elle arriva près de moi et  m'enlaça tendrement. Elle était tout belle, toute apprêtée, maquillée et chaussée de talons hauts. Qui était-ce et qu'avait-il fait de ma cousine ? Est-ce qu'elle devait voir David, après moi ? Ou bien l'avait-elle déjà vu ?

- Salut ma belle ! Les vacances te vont à ravir, Ella ! Si j'avais su que tu serais aussi jolie, j'aurais fait un effort !

J'étais presque choquée de la voir habillée ainsi. Mais j'avais l'habitude de la voir dans sa blouse, ou bien dans les vêtements qu'elle prenait pour aller travailler, et qu'elle laissait dans son casier, dans les vestiaires. Évidemment que ça la changeait, du coup. Mais elle était tellement jolie, quand elle était habillée avec ses vêtements de tous les jours. Alors qu'elle me retournait le compliment en me disant qu'elle voulait profiter de ses fringues tant qu'elles n'étaient plus dans son casier toute la journée, je la fis tourner sur elle-même. Je l'observais d'un œil attentif, comme une mère regarderait sa fille avant que cette dernière sorte en ville.

Puis, elle me demanda comment j'allais et ce qu'il s'était passé depuis notre dernière rencontre. Je lui souris, en repensant aux nombreuses choses qui étaient survenues. L'asthme de Leopold qui s'était déclenché, notre passage aux urgences en pleine nuit, la présence de Jonathan et surtout notre baiser... il s'en était passées, des choses... Elle voulait sûrement en savoir plus. Mais j'étais sûre qu'elle aussi en avait des choses à me dire. A propos de David notamment !

- Tout va bien, il y a eu un passage à vide, malheureusement... J'ai dû emmener Leo aux urgences l'autre nuit, parce qu'il n'arrivait plus à respirer. Il fait de l'asthme... C'était un peu... flippant.

Je me doutais que je venais de tendre le bâton pour me faire battre. Mais j'avais déjà trop attendu avant de lui dire ce qu'il s'était passé. Elle avait bien le droit de savoir, en plus, c'était une apprentie-médecin, elle pourrait toujours m'aider, au cas-où. Mais tout allait bien maintenant, alors il n'y avait pas de quoi paniquer. Au contraire.. Leopold était dans un état merveilleux, rayonnant et plein de vie, comme à son habitude. Je n'étais pas sûre qu'il se rende compte qu'il était tombé malade une nuit... ça avait été très vite oublié pour lui, et c'était très bien comme ça !

- Il va mieux maintenant, c'est ce qui compte, mais la prochaine fois, du m'appelle, et si je ne te répond pas, du me demande à l'hôpital... Bon... Et toi ? Tu t'es remise, je sais que ça fait peur, mais tu as bien réagis et à temps. Il va bien se soigné et il ira bien, tu verras...

Je souris, en hochant la tête. Je ne l'avais pas appelée, sur le coup, parce que j'étais tellement stressée que j'avais d'abord pensé à Jonathan, qui voyait Leopold tous les soirs, qui savait comment le calmer d'une deuxième façon, différente de la mienne. J'avais ensuite pensé à Ella, bien sûr, mais c'était la nuit, je ne voulais pas la déranger, et puis, si elle ne travaillait pas, je n'allais pas la faire venir à l'hôpital pour rien. En plus, ce n'était pas grand chose, juste de l'asthme carabiné. Il s'en était remis. Et tout était bien, à présent. En tout cas, je savais qu'Ella était là pour m'aider, au cas-où. Surtout que c'était la spécialisation qu'elle voulait choisir, la pédiatrie, s'occuper des enfants malades.. alors je n'avais pas à m'en faire, elle s'y connaissait. De toutes façons, je n'en avais jamais douté, bien entendu ! C'était juste que j'avais tellement paniqué pour mon fils que mon cerveau n'avait pas vraiment pensé à l'appeler. J'aurais dû pourtant, elle aurait pu me rassurer sur l'état de mon fils plus facilement que tous ses collègues.  

- Désolée, j'aurais dû t'appeler. Le principal, c'est qu'il aille bien. Et moi aussi, ça va. Je suis un peu fatiguée, mais c'est la période qui veut ça.

Je tournai la tête vers regarder les vagues, un peu plus bas, juste en face de nous. Le front de mer était si joli, cet après-midi là, sous le soleil. J'appréciais de plus en plus Toronto, alors qu'au départ, j'étais venu ici comme pour purger ma peine. Finalement, j'avais bien fait de venir. Ça me rappelait les vacances à Lübeck, quand j'étais petite, avec mes parents.

- Les élèves sont plutôt lourds en ce moment, ils ont envie d'être en vacances, ils n'écoutent rien, c'est épuisant. Mais j'apprécie de plus en plus de donner des cours, même si ce n'est définitivement pas mon truc...

Mes yeux s'attardèrent sur une petite fille qui construisait un château de sable avec son grand frère, plus loin sur la plage. Dans quelques années, mes enfants feraient la même chose. J'espérais que l'on soit encore à Toronto à ce moment là. Ce qui commençait à être un peu compromis, depuis les tous derniers évènements.

- Et puis, apparemment, quelqu'un fait des recherches sur moi, ces derniers temps. J'ai vu plusieurs fois un homme me suivre... Enfin, j'ai l'habitude maintenant !

Rien de bien alarmant, mais c'était trop tard, j'avais vu le regard d'Ella s'allumer d'une lueur d'inquiétude. Elle ne devait pas paniquer, j'étais encore célèbre, malgré la fin de ma carrière avec les garçons. Je l'avais dit, j'avais l'habitude des journalistes et paparazzi, bien qu'ils m'agacent toujours autant.

Evidemment, Ella était inquiète, anxieuse, et tous les adjectifs possibles. Forcément qu'elle allait se poser des questions. Moi aussi, je m'en posais. J'avais tellement peur de devoir encore partir, ou me cacher. Et surtout, je ne le voulais pas. J'étais bien, ici, à Toronto, et partir me ferait trop mal, encore. Les enfants étaient petits, certes, mais j'avais ma cousine, j'avais mes élèves. Et je ne voulais pas vivre cachée indéfiniment.

- Et bien.... tu m'en apprend des choses. Mais qui est-ce qui voudrait te suivre ? Tu as le droit à ta vie !

Evidemment que j'avais le droit à ma vie.. mais c'était aussi le lot de toutes les personnes publiques comme moi. Encore que le rythme s'était ralenti, depuis quelques mois, les gens s'étaient lassés de mon histoire de veuf éplorée. Et tout allait bien. Mais je ne savais pas qui était ce type, et très honnêtement, je n'avais pas envie de le savoir. Encore un crétin qui écrirait des torchons sur moi, ce ne serait ni la première, ni la dernière fois.

- Il se lassera, ne t'en fais pas. Je n'aime pas dire ça, mais j'ai l'habitude... et ce n'est pas un journaliste de plus qui va me faire peur !

Je voyais bien qu'Ella était inquiète pour moi. Il n'y avait vraiment pas de raisons. J'allais affronter cette nouvelle épreuve journalistique, en essayant d'avoir le sourire, et je me ficherais pas mal de savoir ce qu'il pourrait raconter sur moi. Ce que je ne voulais pas, c'est que tout s'ébruite jusqu'à New-York et que les autres sachent que je sois là. Mais bon, si ça arrivait, alors ça arriverait. Je m'en sortais tout le temps, de toutes façons, ce n'était pas un problème. Si ce journaliste pensait m'embêter, il se mettait le doigt dans l'œil.

J'entendis ma cousine s'énerver contre les paparazzi, et je ne pus m'empêcher de sourire, en voyant son affolement. Elle n'était pas de ce milieu, elle était complètement en dehors de ça, et c'était pour ça que j'adorais sa présence. Elle n'avait rien à faire du showbiz, des strass et des paillettes... c'était vraiment bon, de ne pas toujours avoir à répondre de tous mes actes, d'être considérée comme quelqu'un de normal, ce que j'étais, en somme.

Soudain, Ella me demanda si je savais à quoi il ressemblait, si je l'avais déjà vu. Je tournai de nouveau la tête vers l'horizon, en lissant ma jupe. Je ne l'avais jamais vu, et je préférais ne pas le voir. En réalité, moins j'y pensais et mieux je me portais forcément. Mais j'avais parfois tendance à oublier qu'à présent j'étais seule, avec mes enfants, et avec Jonathan certes, mais seule tout de même. Matthew n'était plus là pour me défendre ou défendre les enfants dès qu'il voyait un fichu journaliste dans la rue. Il lui arrivait de leur courir après, ou bien de les menacer de porter plainte – ou pire, parfois, quand il était vraiment furieux – mais maintenant je n'avais plus ce privilège.

- Je ne sais pas du tout... je ne veux pas savoir, en fait. Ca ne me fait pas peur, vraiment pas, mais je n'ai pas envie d'en savoir plus. Qu'il trouve des informations, grand bien lui fasse. Je porterais plainte si c'est trop poussé !

Il fallait qu'Ella me fasse confiance, je savais gérer les situations de crise comme celle-ci. C'était elle qui devait plutôt faire attention à elle. Je ne craignais rien de particulier, mais j'avais plutôt peur qu'on lui pose des questions à elle. C'était ma cousine. Si quelqu'un de mal intentionné venait à le savoir, ça pourrait poser des problèmes. Mais j'allais me retenir de lui dire, ce n'était pas la peine de lui faire peur et de l'inquiéter encore plus. Elle s'en faisait déjà bien trop.

Ella me donna l'occasion rêvée pour changer de sujet, parce qu'elle regarda nerveusement son téléphone. Il y avait quelque chose qui clochait ou bien je ne m'y connaissais pas ! Que se passait-il ? Elle attendait un appel apparemment, et elle semblait déçue de ne pas avoir reçu de message, quand elle releva la tête. De but en blanc, je lui demandai si quelqu'un devait la joindre, mais elle secoua la tête. Je fronçai les sourcils, surprise, et finalement, elle prit la parole pour m'expliquer :

- En faite... heu... comment dire.... Bon, David est sortie de l'hôpital et m'a donné son numéro lors de ma dernière visite.... et je ne sais pas quoi faire maintenant...

Je souris de toutes mes dents. Alors David et elle, ça comptait se concrétiser ?? Elle m'avait caché qu'ils s'entendaient si bien que ça. Evidemment, elle m'en avait parlé, mais pas plus que ça.. et c'était normal, en fin de comptes, puisque c'était sa vie privée. Mais alors qu'attendait-elle, si elle voulait le voir, elle n'avait qu'à lui envoyer un message. Elle ne devait pas attendre une seconde de plus. La vie était courte, j'étais la mieux placée pour le savoir, et elle crevait d'envie de le revoir, c'était évident. Si toutefois David était dans la même optique. Il avait l'air d'être quelqu'un d'attachant, de vraiment adorable, et j'étais sûre qu'il ne serait pas un véritable goujat. De plus, il était obligé de rester à Toronto quelques mois à cause de son état de santé. Alors il fallait qu'elle fonce !

- Vas-y, Ella, envoie lui un message et dis-lui de te rejoindre quelque part, fonce ! Ne laisse pas passer cette chance, si tu l'apprécies !

Ella semblait devenir toute timide, alors que ce n’était pas la première fois que l’on parlait de garçons, pourtant. Je sentais qu’elle était nerveuse, et que c’était surtout parce que l’on parlait de David. Elle n’était pas comme ça, d’habitude, alors je ne savais pas ce que je devais comprendre. Etait-elle nerveuse parce qu’elle voulait quelque chose de particulier avec lui ? Certainement ! Mais en tout cas, il ne fallait pas qu’elle reste là à ne rien faire, au contraire ! Il fallait qu’elle prenne les devants. J’étais sûre que ça pourrait plaire à David, une femme qui prend les devants ! Et ça lui en boucherait un coin surtout, alors il répondrait oui, c’était évident ! En tout cas, s’il lui plaisait, elle avait tout intérêt à lui envoyer un message.

- Mais... c'était mon patient, ça va être bizarre... Et si il ne voulait pas me voire ? Si on avait rien en commun à part notre profession ? Et si je ne lui plaisait pas ?


Je souris, avant de lui chiper son portable. Je cherchais rapidement son numéro, en me levant rapidement pour être hors d’atteinte d’Ella. Une fois le numéro de David trouvé, et alors qu’Ella pestait pour que je lui rende son portable, je tapai rapidement un message, en indiquant un endroit, une heure donnée, et en lui disant qu’elle avait hâte de le revoir. Bien sûr, j’écrivais tout cela comme si j’étais Ella. Pas question de laisser passer une chance comme celle-ci. Elle avait un prétendant : qu’elle l’appelle, qu’elle le contacte, et qu’ils puissent avancer tous les deux, bon sang !
Quand j’eus terminé, je lui rendis le téléphone, sans appuyer toutefois sur « envoyer », et avec un grand sourire, je la vis lire ce que j’avais écrit.

- Tu es la seule à décider si tu l’envoies ou non… mais je te conseille vivement de le faire ! On s'en fiche que ce soit ton patient, si tu attends que l'homme parfait tombe du ciel, ça n'arrivera pas Ella. Alors prends ce qu'on te donne, bon sang, en plus il est adorable, et il est sexy !

Ella me regarda avec de grands yeux. Elle ne devait pas s'attendre à ce que je lui dise que je trouvais David sexy. Pourtant, c'était le cas, il n'était pas mal du tout, mais je savais très bien qu'elle avait des vues sur lui, alors je ne tenterais rien. Pourtant, s'il fallait que je lui fasse croire que j'avais des vues sur lui, juste pour qu'elle se bouge, alors je le ferais sans problèmes.

- Bah ça je le sais ! Mais pas touche hein.... On ne touche pas à David !  Non mais !

Je me mis à rire en l'entendant être déjà si possessive envers un homme avec qui elle ne sortait même pas encore. Il fallait qu'elle l'envoie, ce message. Il le fallait ! Elle voulait le revoir, elle en crevait d'envie, ma chère cousine. Et si jamais David lui faisait du mal, je me ferais un véritable plaisir de lui botter les fesses !

- Alors si tu ne veux pas qu'on y touche, fonce ! Et dis-lui ! Garde-le pour toi, vite !

Je souris en la voyant envoyer alors directement le message. J'étais fière d'elle. Il était temps qu'elle trouve quelqu'un de bien pour elle, et si ça pouvait être David, ce serait parfait. Il était adorable, et c'était un voyageur. Il plairait forcément à Ella. Il lui plaisait déjà de toutes façons. Et je ne savais pas pourquoi, mais je me doutais que c'était pareil de son côté.

- Mais raconte-moi, il s'est passé quelque chose d'autre à l'hôpital ?

Ella ne semblait pas particulièrement passionnée par ce qu’il pouvait bien se passer actuellement à Toronto. Elle me regarda en haussant les épaules. En même temps, elle passait son temps à l’hôpital, et s’il n’y avait rien de particulier là-bas, alors c’était clair qu’elle n’aurait rien de bien croustillant à raconter. Toutefois, je sentais qu’il y avait tout de même quelque chose de particulier, quelque chose qu’elle ne m’avait pas encore dit, mais qu’elle mourrait d’envie de me dire. Et ce n’était pas à propos de David, mais quelque chose d’autre. Malgré moi, je ne dis rien pour la faire parler plus vite, au contraire, je la laissais prendre son temps et choisir ses mots.

- Abigail... j'ai eu un mail de Lewis.....

Je restai interdite quelques instants, en cherchant pourquoi ce prénom me disait quelque chose. Et enfin, je compris. Lewis, son frère. Mon cousin. Celui que je n’avais certainement vu que trois fois dans ma vie. Je croyais qu’elle n’avait plus de contacts avec sa famille alors, pourquoi me disait-elle qu’il lui avait envoyé un mail ? D’un coup, je fus très curieuse, parce que ça m’intriguait, d’abord, et ensuite parce que j’espérais qu’il ne lui avait rien appris de grave. Ce n’était pas très bon signe que son frère lui envoie un mail. A moins que ce ne soit bourré de regrets, de tristesse et qu’il lui avoue qu’elle lui manque, ce qui serait vraiment miraculeux, d’après ce que j’avais compris.

-Lewis… ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Des bonnes nouvelles j’espère !!!

Je devais bien dire qu’Ella m’avait pris de court, cette fois. Comment son frère pouvait-il la narguer à ce point, si toutefois il la narguait ? C’était bas, c’était vil, c’était méchant. Je ne pensais pas qu’il en arriverait à ce point-là. D’ailleurs, je n’avais pas reçu d’invitation non plus. Je me demandais si ma mère en avait eu une, du coup. Mais je n’allais certainement pas lui demander… oh que non. Pas la peine de reparler à ma mère, simplement pour un petit con.
Et puis, lui se marier ? Quelqu’un avait bien voulu de lui ? Bon, d’accord, j’étais méchante sur ce coup-là, mais je voulais absolument défendre ma cousine après tout. Il lui avait fait du mal durant toute son enfance, et maintenant il fallait bien qu’elle se venge, et je la vengeais par la même occasion. Néanmoins, j’étais choquée. Son mariage… et sa sœur ne serait même pas là. Parce qu’elle n’allait pas y aller, du moins, je doutais qu’elle décide de rentrer en Angleterre pour lui. Quoique ça pourrait être une bonne façon de leur mettre la pression, là-bas. Si elle y allait avec David, par exemple, ça pourrait être très drôle. Elle pourrait montrer qu’elle avait aussi bien réussi qu’eux, et qu’elle n’avait pas eu besoin d’eux. Mais je n’étais pas certain qu’elle veuille bien de mon idée, et j’allais bien me retenir de lui dire. Surtout qu’avec David, il n’y avait rien de bien particulier pour l’instant.

- Tu savais qu’il avait une copine, ou bien c’est tout récent ? Je n’ai rien reçu non plus, je te rassure, je pense que j’ai été « oubliée »… et ça ne m’étonne pas.

Ella semblait toute perdue, en parlant de son frère et de ce dit mariage. J'étais aussi étonnée qu'elle qu'il puisse se marier. Dans un sens, j'étais contente pour lui, même si je ne l'appréciais pas plus que ça, mais se marier, c'était la meilleure chose qui pouvait arriver, et dans un autre sens, je soutenais Ella et je comprenais qu'elle soit effrayée, voire énervée. Elle m'expliqua qu'elle ne savait pas qu'il pouvait aimer quelqu'un, et que lorsqu'elle était partie d'Angleterre, elle n'avait pas eu l'impression qu'il veuille se poser, parce qu'il voyait plusieurs filles.
Je restai silencieuse, en continuant de marcher, lentement, en profitant des premiers rayons de soleil de l'année. C'était étrange tout cela. Je ne savais pas comment réagir, en fait, parce que je ne savais pas si je devais lui dire d'y aller ou bien de rester ici. La pauvre...

- Je dois faire quoi ? Faire comme si il ne m'avait rien envoyé ou alors y aller ?

Et voilà, c'était la question que je ne voulais pas avoir. Que répondre à cela ? C'était elle qui décidait de ce qu'elle voulait faire, et pas moi. Personnellement à sa place, je ne pourrais pas y aller, même avec la plus forte volonté du monde. Même pour lui montrer que j'avais réussi, je n'y arriverais pas. Je n'acceptais pas de me prendre des remarques, même si je savais que j'avais raison. J'étais susceptible, mais c'était devenu plus fort encore depuis la mort de Matthew. Alors je n'étais pas vraiment de bons conseils. Néanmoins, j'allais essayer de lui répondre le plus subjectivement possible.

- Est-ce que tu te sens capable d'y aller ? C'est surtout ça qu'il faut te demander. Est-ce que tu penses que tu pourras le supporter... les supporter ? Est-ce que tu seras capable de garder la tête haute pendant que ton frère se marie ?

Je ne voulais surtout pas la dissuader d'y aller, mais je me rendis bien compte que j'étais en train d'être objective, et de faire en sorte qu'elle n'y aille pas. En fait, je me disais qu'il ne fallait pas qu'elle y aille seule. Ce n'était pas une bonne idée. Enfin, elle ferait bien ce qu'elle voudrait...

Ella semblait hésiter, alors que nous continuions notre promenade, sur le bord du lac. J'étais encore un peu choquée que son frère ait osé lui envoyer le mail. Quel petit con. A sa place, je me serais écrasée. J'aurais eu honte d'inviter ma sœur, que j'ai renié toute ma vie. Mais il ne pensait qu'à lui, apparemment, et Ella en payait les frais.

- Je ne sais pas... c'est bien ça le problème, je ne sais pas si je suis assez forte pour y retourner, pour faire face à leur regard si ils osent me regarder...

J'avais envie de croire qu'elle était assez forte pour cela. Je n'allais pas lui dire que je la croyais assez forte, mais je voulais qu'elle le soit. Elle méritait de l'être, d'être plus forte qu'eux, tous au complet. Et si elle se sentait capable d'y aller, alors je n'allais pas la retenir, au contraire. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Je n'allais pas décider à sa place, et elle était assez grande pour choisir ce qu'elle voulait. En tout cas, moi c'était clair qu'à sa place, j'enverrais mon frère bouler sans aucun scrupules.

- C'est dans plusieurs moi.... j'ai encore le temps pour prendre une décision.

Effectivement, elle avait encore du temps. D'ici-là, beaucoup de choses pouvaient encore changer. Sa relation avec David pouvait évoluer dans le bon sens, et elle pouvait encore prendre plus d'assurance vis-à-vis de sa famille. Elle pouvait devenir plus forte, elle pouvait se montrer digne d'y aller la tête haute. Quoiqu'elle fasse, elle prendrait la bonne solution. J'en étais persuadée.

- Tu feras comme tu le sentiras ma grande. Tu es la meilleure, Ella ! Et tu lui prouveras ce que tu vaux. Si ce n'est pas à son mariage, ce sera plus tard !