Les vacances de fin d'années n'étaient définitivement pas les meilleures pour moi. Elles me rappelaient le souvenir d'une année qui ne s'était pas vraiment bien déroulée. J'avais cru pouvoir oublier, et essayer d'avancer... ce n'était pas vraiment ce qu'il s'était passé. Alors oui, certes, j'avais avancé, mais ce n'était pas forcément mieux. Enfin, j'avais une nouvelle vie à Toronto, et cette ville se révélait très agréable, en la connaissant un peu mieux. Mais je n'avais toujours plus Matthew, et ça, ça me faisait mal. Un an et quelques jours avaient passé. Et la douleur avait toujours la même intensité. Ce feu si intense qui ne cessait de me hanter et de me tourmenter.

J'étais en vacances en même temps que mes étudiants, et leurs examens n'étaient plus qu'après la reprise, en janvier. J'étais donc tranquille à la maison, et c'était certainement la période la plus propice pour que je me repose et que je revois certaines personnes. Notamment Ella, ma cousine. J'avais hâte de la revoir. Elle me manquait un peu. Souvent, nous nous échangions de longs messages par sms, mais c'était tout, parce qu'elle n'avait pas le temps à cause de son internat, et de mon côté, je devais m'occuper de mes élèves et de mes enfants.

Alors ce soir, j'avais décidé de l'inviter pour une soirée entre filles, et elle n'avait pas d'autre choix que de venir. Je lui avais demandé quelle soirée dans son emploi du temps l'arrangeait et j'avais tout fait pour que ce soit possible.
Je l'attendais de pied ferme, j'avais hâte qu'elle arrive et que nous puissions toutes les deux nous changer les idées. De nombreuses discussions de filles m'aiderait à aller mieux et elle, elle n'aurait plus à penser à ses patients, le temps d'une soirée !

Enfin, la sonnette de l'entrée retentit, et les enfants furent absolument contents de savoir que leur cousine était arrivée. Je les avais prévenus bien entendu, et ils étaient excités comme des puces. Je pris Leopold dans mes bras et Johanna me suivit jusqu'à la porte d'entrée, que j'ouvris avec empressement, un grand sourire aux lèvres. Ella était toujours la même, toujours aussi radieuse, quoi qu'un peu fatiguée, si j'en jugeais par ses cernes. Je l'embrassai sur les deux joues avant de la faire entrer. Les enfants s'empressèrent de lui dire bonjour à leur tour. Ils étaient bien moins timides que la première fois, du moins pour Johanna, parce que Leo n'était pas timide du tout.

Ella me tendit les pâtisseries qu'elle avait acheté en venant et je m'empressai de les ranger dans le frigo, pour plus tard, alors que je l'invitai à aller s'installer dans le salon. Puis, je la rejoignis, en laissant les enfants aller jouer tranquillement. Je m'installai à côté d'elle dans le canapé en repliant mes jambes à côté de moi, tout sourire.

- Alors, comment vas-tu ma belle ? Ca fait un bout de temps qu'on ne s'est pas vues !

Tout en m'écoutant, Ella regardait tout autour d'elle. C'était la première fois qu'elle venait ici, alors c'était tout nouveau pour elle, et puis elle découvrait. Et ce que je voyais dans ses yeux était plutôt sympathique. Elle semblait apprécier l'endroit et le trouver plutôt bien décoré. J'y avais mis du coeur, dans les premières semaines où j'étais arrivée à Toronto. Je voulais quelque chose qui me ressemble, quelque chose qui soit différent de New-York, qui contienne plus de couleurs, plus de lumière, même si la maison de New-York était très lumineuse. Matthew, quand il l'avait acquise, avait voulu une décoration sobre, du noir, du blanc. Il n'avait rajouté des couleurs que lorsque les enfants étaient nés. Même si j'adorais le style qu'il avait voulu mettre en place, je trouvais que ça manquait de couleur, et j'avais préféré changer tout cela pour cette nouvelle vie.

- Et bien, pas grand chose, tu sais à part l'hôpital je ne sors pas beaucoup. Et toi ? C'est les vacances scolaires non ? Tu dois profiter de tes loulous, ça doit être agréable...

Je souris tristement en l'entendant dire que son emploi du temps était si chargé. Je devais avouer qu'elle avait bien du mérite à être en médecine. Je n'aurais jamais pu faire ça, même si mon cursus était aussi très strict. Il fallait un moral d'acier.

- Oui, c'est les vacances, pour moi, et je n'ai absolument rien à corriger pour l'instant, alors c'est très bien comme ça, je peux profiter de mes chéris. Ça me fait du bien, tu ne peux même pas imaginer...

Je voyais le regard d'Ella se faire compatissant. Elle devait bien s'imaginer pourtant que je n'étais pas au top de ma forme, même pendant les vacances. Surtout en ce moment. Je ne savais pas si elle était au courant de tous les détails concernant la mort de Matthew, mais elle devait sûrement savoir que c'était dans cette période là.

- Je peux le comprendre, passer du temps avec les gens qu'on aime c'est le plus important, surtout pour les fêtes... c'est un moment joyeux, et remplis d'amour.

Elle tourna la tête vers les enfants, en souriant encore. Elle les observa quelques instants, les regardant jouer tous les deux. Ils avaient dû encore grandir depuis la dernière fois où elle les avait vus. Les enfants changent tellement vite à cet âge, ça m'impressionnera toujours ! Et puis, elle qui voulait faire de la pédiatrie, elle le savait aussi bien que moi.

- Oui, et puis je n'avais pas la possibilité de rentrer à New-York, alors j'ai passé tout mon temps avec eux, ça fait vraiment du bien.

Je me relevai doucement et repartis vers la cuisine, où je nous servis deux verres de jus de fruits, que je ramenai sur la table basse ensuite.

- Mais alors tu n'as aucun congé pour les vacances de Noël ? C'est pas que tu serais rentré en Angleterre, mais au moins pour te reposer... tu n'as rien ?

Ella ne tarda pas à me répondre, en me disant tout d'abord qu'elle n'avait droit qu'à un peu de repos, mais pas beaucoup plus. J'avais donc raison, elle n'avait rien du tout. La pauvre... ils profitaient parce qu'elle n'était qu'interne. Ce qu'elle me confirma à demi mot juste après. Elle me parla ensuite du personnel ayant une famille, qui avait la priorité sur les fêtes, ce qui était normal dans un sens, et aussi anormal parce que tout le monde a le droit d'être en vacances pour Noël.

Enfin, ça ne m'étonnait qu'à moitié qu'elle ait sacrifié ses vacances pour ses collègues. D'un côté, certes, elle n'avait pas le choix, mais si elle était toujours comme avant, quand nous étions plus jeunes, elle avait le coeur sur la main. Et puis, j'imaginais bien que pour elle, comme pour moi, Noël n'était plus une fête si drôle que ça. D'ailleurs pour elle, ça ne l'avait certainement jamais été...

- Tu as bien du courage de travailler à cette période. Les urgences doivent être blindées...

Ella me fit un sourire et approuva ce que je venais de lui dire, concernant les urgences blindées. Je savais qu'elle n'allait pas me dire le contraire ; dans tous les hôpitaux du monde, c'était le même bazar pendant les vacances de Noël.

- En effet, je ne sais pas ce que Noël fait aux gens mais ce n'est pas très beau à voir ! Mais le pire sera au réveillon de la Saint Sylvestre, je sens que je ne vais pas m'ennuier.... Avec tous les gens irresponsable qui reprenne le volant, les bagarres tout ça du à l'alcool, ça va être un vraie plaisir !

Ella plaisantait sur ce sujet, et je la comprenais vraiment. A vrai dire, je préférais en plaisanter aussi, parce que si on pleurait à ce propos, on n'aurait jamais fini, malheureusement. Personnellement, ça faisait bien longtemps que j'avais arrêté de boire la moindre goutte d'alcool, depuis ma première grossesse, celle de Franz. Alors je n'allais pas me retrouver à l'hôpital pour le Nouvel An.

- Enfin bref, j'essaierai de passer pour Noël.... ça doit être une fête agréable pour les petits, Noël reste toujours un moment merveilleux pour les enfants.

Je hochai la tête. Mes enfants adoraient. Pour Leopold, ce serait son premier Noël. Johanna passerait son deuxième Noël, sans son père. Mais nous allions réveillonner tranquillement tous les trois, et si Ella pouvait passer ce soir-là, ce serait parfait, parce que je serais beaucoup moins triste.

- N'hésite pas à venir manger avec nous, je serais ravie de te voir ce soir-là ! Et puis on se sentira moins seules comme ça, non ?

Je voyais bien qu'Ella semblait contente que je lui propose de venir pour le réveillon. Si elle pouvait terminer plus tôt, ce serait avec joie que je l'accueillerais. Et puis, ce serait moins morose, tout de même. Parce qu'une fois les enfants au lit, je ne savais pas ce que je pourrais bien faire.

- Je vais essayer de passer, mais je ne te promet rien les urgences c'est jamais précis... mais sinon si tu ne me vois pas dans la soirée, je passerai dans l'après midi du 25 sans problème.

Je hochai la tête avec un grand sourire. J'étais contente qu'elle accepte. Ca allait être bien, peu importe quand elle passerait. J'avais finalement hâte. Il faudrait aussi que je lui trouve un cadeau, du coup !

- Sinon, comment ça va ? Ton baby sister est toujours aussi bien ? Toujours aussi mignon ?  

Je ris doucement. Tout allait bien de mon côté, et mon baby-sitter n'avait pas changé, toujours aussi bien et toujours aussi mignon. Même si je devais encore le dire : il était beaucoup trop jeune pour moi. Si un jour je devais retrouver quelqu'un, je chercherais quelqu'un dans mes âges. Jonathan était mon élève, en plus de ça !

- Il est dans mes cours, à l'université ! Alors il est mignon, mais seulement pour le plaisir des yeux, c'est tout ...

Je lui fis un clin d'oeil avant de rajouter rapidement :

- Mais toi, peut-être qu'il serait à ton goût !

Brusquement, je vis le rouge monter aux joues d'Ella. Il y avait quelque chose qu'elle me cachait, à propos de sa vie privée. Elle n'avait même pas besoin de le dire, je savais ce qu'il se passait. Il y avait quelqu'un dans sa vie ! J'avais hâte d'en savoir plus, mais j'attendis qu'elle parle.

- Mais qui te dis que je ne suis pas sur la voie du non célibat....


Ha! J'avais raison ! Il y avait quelqu'un... mais alors qui ? Quelqu'un de l'hôpital ? Un médecin ? Un titulaire ? Non, elle n'oserait pas, je connais bien ma cousine et elle n'oserait pas sortir avec un de ses patrons.
Je la regardai avec de grands yeux alors qu'elle reprenait une gorgée de jus de fruits. Il fallait qu'elle m'en parle, je voulais tout savoir !

- Qui c'est ? Un collègue ? Il est mignon ? Raconte !

Un petit sourire rêveur s'installa sur les lèvres de ma jeune cousine et je ne pus m'empêcher de rire en remarquant que c'était comme un rêve pour elle, apparemment. Je reconnaissais bien là les symptômes du grand amour, je les avais ressentis bien avant elle, moi aussi !

- Je l'ai rencontré à l'hôpital, mais c'est un patient, enfin un ancien. Mais il ne sait encore rien passé, on a juste été boire un café une fois.... Si tu le voyais, il est beau comme un dieu, un regard à tombé, et une musculature.... Un vraie canon ! C'est bien ça le problème il est trop beau pour être un mec bien, même si il me paraît équilibré...

Je ne pus m'empêcher de rire et de lui tirer la langue quand elle le qualifia de canon. Ce n'était pas parce qu'il était musclé qu'il était beau, il n'y avait qu'à regarder Matthew, quand il était encore là. Mais je comprenais ce qu'elle voulait dire. C'était une sorte de Dieu sur terre, d'Apollon personnifié, elle en avait de la chance !

- Je n'ai pas envie de souffrir comme avec Ben, alors je préfère ne rien précipité...

Je perdis un peu mon sourire. Qui était ce Ben ? Elle ne m'en avait encore jamais parlé, et apparemment, ce n'était pas un cadeau... Il l'avait faite souffrir, et je n'aimais pas ça, parce que vu comme elle en parlait, c'était qu'elle en était folle amoureuse ...

- Qui est-ce ?

Ella ne me regardait plus depuis quelques minutes, depuis que nous avions commencé à parler de ce certain Ben. Elle semblait gênée, et moi, je me demandais ce qu'il avait bien pu lui faire.

- Ben c'est mon ex.... Ca a été mon premier petit ami, on est rester un an et demi ensemble, on était bien, jusqu'au jour où je l'ai trouver entrain d'embrasser une autre fille dans un bar. C'est en partie pour ça que je suis partie de l'Angleterre, plus rien ne me forçais à rester, j'avais vraiment envie de changer d'air et de me construire une vie à moi....

Elle était obsédée par Leopold et il lui redonnait le sourire. Mon fils avait ce don de faire sourire tout le monde. Il était toujours adorable avec tout le monde, il n'était pas timide, il ne craignait personne... il était très sociable.

- Peut-être que mon dieu sur patte saura me faire oublier cet imbécile...

Je souris et quand elle me regarda, je ne pus m'empêcher de lui faire un clin d'oeil. Elle irait mieux, c'était sûr. Elle était déjà sur un petit nuage, rien qu'en pensant à son Dieu vivant. Ça allait marcher, je croisais les doigts pour !

- Tu me tiendras au courant hein ? Je veux tout savoir !

Ella me fit un sourire, et j'étais contente qu'elle accepte, par ce sourire, de me raconter un peu de sa vie privée. Si je comprenais bien, j'étais la seule à qui elle pouvait dire tout ce qu'elle avait envie de dire et faire.

- Tu seras la première mise au courant. Tu es ma seule confidente...

Je souris de plus belle, vraiment heureuse de ce qu'elle m'apprenait par ces mots. Et dans un sens, j'étais aussi déçue pour elle d'être seule à entendre ses histoires. Elle n'avait pas encore d'amis sur Toronto, c'était triste. Enfin, si je me regardais, c'était pareil, j'étais seule avec mes enfants. J'avais Jonathan, que je voyais tous les soirs quand je rentrais, ça me faisait de la compagnie pour quelques minutes..

- Mais et toi ? Tu as rencontré quelqu'un ? J'ai compris ton bel Baby-sitter est trop jeune, mais dans tes collègues ou un inconnu qui t'aurai abordée ? Tu es ravissante, il doit bien y avoir des mecs qui font la queue pour avoir ne serai-ce qu'un sourire de ta part ?!

Je souris timidement en baissant les yeux. Je me protégeais bien trop des autres et des inconnus pour me laisser aborder dans la rue, et mes collègues étaient trop absorbés par leur travail. Et puis je n'avais plus envie de rencontrer quelqu'un et sortir avec quelqu'un qui travaillait avec moi. J'attendrais que la bonne personne se présente. Et ensuite... on verra.

- Merci Ella, mais il n'y a personne pour l'instant.. Je dois avancer, je dois trouver quelqu'un, rien que pour les enfants puissent avoir un beau-père, mais ce n'est pas facile en ce moment. J'attends encore le bon moment...

A la fin de ma réplique, je relevai la tête vers Ella, qui semblait être mal à l'aise par rapport à ce qu'elle m'avait demandé. Elle n'avait pas à l'être, au contraire, elle avait raison. Je devais avancer, je le savais bien. Il était temps et en plus, c'était ce que Matthew voulait. C'était ce qu'il m'avait dit avant de partir. De refaire ma vie. D'être heureuse avec un autre homme.

- Prend ton temps, tu trouveras bien quelqu'un qui te ferra sourire au quotidien, et qui rendra heureuse les enfants...

Je souris en hochant la tête. J'étais sincère en souriant. J'allais trouver quelqu'un de bien, j'allais être heureuse, mais quand je serais prête à le faire. Ella devait bien le comprendre, et puis moi je devais me préparer. Pour l'instant, je n'étais pas capable de séduire, ou de me faire séduire. Mais je le ferais. Pour les enfants, pour moi, surtout.

- Un jour, je trouverais quelqu'un, et ça ira mieux, ne t'en fais pas. Je te tiendrai au courant, moi aussi, tu seras la première à tout savoir ! Entre cousines, on peut bien se dire ça !

Je savais que ça faisait plaisir à Ella que je lui dise qu'elle aussi serait la première prévenue. Maintenant que nous nous étions retrouvées, je n'allais pas laisser passer un seul moment où nous pourrions être toutes les deux, au contraire !
Soudain, Johanna vint nous rejoindre sur le canapé, se sentant seule puisque son frère était venu avec nous. Elle vint se coller à moi et je la serrai dans mes bras avec douceur, en lui caressant tendrement les cheveux.

- Tu me répond si tu veux, mais.... pourquoi tu es partie de New-York ? A cause des souvenirs ?

Je regardai Ella d'un air grave, cependant sans me départir de mon sourire. Je savais qu'un jour ou l'autre, il faudrait que je parle de tout cela, de mon départ, de ma volonté de partir... de tout ce qu'il s'était passé. Alors visiblement, le moment était arrivé...

- A cause des souvenirs, à cause des enfants, à cause de moi aussi... J'ai essayé de tenir le coup et de passer à autre chose, mais je vivais dans sa maison, j'avais parfois ses enfants avec moi, et dès que je voyais nos amis ou mon ex-mari, je pensais forcément à ... Matthew. Je n'ai pas eu le choix, je suis partie, sans rien leur dire. Ils ne savent pas où je suis actuellement, et je ne veux pas qu'ils le sachent.