Ella semblait réellement fière d'elle, et ça ne m'étonnait qu'à moitié qu'elle soit si heureuse. Je comprenais vraiment mieux pourquoi elle m'avait parue si pressée que j'ouvre son paquet. Évidemment, à sa place, j'aurais été aussi excitée. Mais surtout, elle ne s'attendait pas à ce que son cadeau soit aussi similaire, je m'en doutais. Cependant, j'avais sûrement moins visé juste qu'elle. Mais je ne savais pas quoi lui prendre, et puis, pour moi, c'était presque une évidence, un pendentif en forme de violon, bien sûr qu'il fallait me le prendre. Pour elle, c'était plus compliqué.

- Ravie qu'il te plaise ! J'ai pensé à toi dès que je l'ai vue, mais j'avais si peur de ne pas être dans tes gouts... 

Oh pourtant, elle avait très bien choisi. En même temps, mes goûts étaient assez simples. J'adorais le violon, et c'était un cadeau de ce fait parfait pour moi ! Il était absolument magnifique. Et surtout, elle avait bien choisi la chaine. Elle n'avait pas pris de l'or, mais de l'argent, pour que ça aille plus avec mes cheveux, avec mon teint, et même avec mes habits en général. Je ne savais pas si elle l'avait fait exprès, mais en tout cas, elle avait bien réussi son coup. Si je m'attendais à un cadeau pareil... ce serait mentir !

- Il est parfait, ne t'en fais pas. J'espère que mon cadeau sera à la hauteur, après celui-ci !

Ella ne semblait pas douter une seule seconde de moi. En réalité, moi je doutais énormément. Je n'avais jamais été très douée pour les cadeaux, sauf quand il s'agissait des cadeaux pour mes enfants, mais je les connaissais mieux que quiconque. Là, c'était ma cousine, que j'avais perdu de vue pendant longtemps. Et puis, je ne connaissais pas ses goûts, je ne savais même pas quel style de musique elle pouvait bien écouter. Je m'étais dit qu'un bijou lui ferait forcément plaisir. Et je ne pensais pas me tromper. Mais est-ce que le bijou que j'avais pris – et nous avions eu la même idée, c'était incroyable ! - allait vraiment lui plaire ? Je l'espérais très fort.

- Il le sera j'en suis certaine !

Je me relevai alors du canapé pour aller chercher le plus petit paquet des deux qui étaient réservés à Ella. Je m'assis de nouveau à côté d'elle et lui tendis. Elle me regarda, les yeux brillants et le sourire jusqu'aux lèvres. Et moi, j'étais fière de moi, malgré tout.
C'était un bracelet en argent, et même si je savais qu'elle ne pourrait pas forcément le porter à l'hôpital à cause des microbes et autres interdictions, j'espérais néanmoins qu'elle le porte le reste du temps. Il était tout fin, tout simple, en réalité comme Ella, mais magnifique. Je l'avais adoré dès que je l'avais vu. Et si ça n'avait pas été pour Ella, je l'aurais pris pour moi.

- J'espère que ça te plaira !

Apparemment, le présent semblait lui plaire, et j'étais très contente que ce soit juste. Ella ne pouvait être que sincère lorsqu'elle se jeta à mon cou. Je la serrai fort contre moi, en profitant du moment pour le graver dans ma mémoire. Je ne m'étais pas trompée, Ella adorait ce bijou, et c'était tant mieux.

- Merci, merci, merci beaucoup. Il est superbe. Je l'adore !

Elle l'enfila aussitôt après m'avoir lâchée, et moi j'étais aux anges. Elle avait les yeux qui brillaient, cependant, mon intention n'était pas de la faire pleurer. J'imaginais aisément que c'était des larmes de joie, et qu'elle ne pleurait pas de tristesse. Je m'en serais voulu sinon. Mais je savais que c'était parce qu'elle ne devait jamais avoir eu e cadeau comme celui-ci, un cadeau qui est offert avec plaisir, avec du coeur... Comme je voulais trucider une partie de ma famille, à cet instant précis...

- Tu remarqueras tout de même qu'on est très connectées, toutes les deux, on a les mêmes idées de cadeau !

Ella avait toujours le regard brillant, et ça me fit sourire de voir qu'elle était si heureuse, alors que ce n'était pas grand-chose. Ce n'était qu'un cadeau, et puis, il ne fallait pas se mettre dans un état pareil pour si peu. Mais c'était adorable, j'avais l'impression qu'elle se sentait entourée, aimée, et moi, avec mon instinct maternel, je ne pouvais pas dire que ça me déplaisait de prendre soin de ma cousine. Bien au contraire, c'était presque un besoin de le faire. Elle avait sûrement manqué de tout cet amour maternel, quel mal y avait-il à l'obtenir maintenant ?

Nous continuâmes notre soirée, dans les rires et la bonne humeur. J'étais réellement ravie de voir que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi légère. C'était étonnant. J'avais l'impression d'être normale, de ne pas avoir perdu l'homme de ma vie, d'être heureuse. Je devais sûrement remercier Ella pour ça. Quoiqu'il en soit, quand je partis me coucher, après avoir montré à Ella sa chambre, et après lui avoir souhaité une bonne nuit, je m'endormis avec un grand sourire sur les lèvres.

Quand je me réveillai le lendemain, les cris de mes enfants atteignirent mes oreilles de façon étouffée. Je regardai mon radio-réveil machinalement avant de me rendre compte qu'il était déjà neuf heures. Merde, j'avais dû louper le déballage des cadeaux ! Mais, d'ailleurs, avec qui étaient-ils ? Ella les avaient descendus ? Elle aurait dû me réveiller, je l'aurais aidée ! Ils devaient faire les petits monstres là …

Je descendis presque en courant les escaliers, en nouant ma robe de chambre autour de moi. Les enfants m'accueillirent avec de grands cris, du moins pour Johanna, qui courut vers moi et que je réceptionnai avec joie dans mes bras. Je rejoignis Ella et Leopold, au pied du sapin. Je constatai avec étonnement que les cadeaux n'étaient pas encore déballés.

- Bonjour, cousine... tu as réussi à ne pas les faire déballer les cadeaux du père Noël …  ? Comment tu as fait ?

Je n'en revenais pas de voir que les cadeaux des enfants avaient tous jusqu'ici. Je pensais qu'il n'en auraient fait qu'à leur tête et finalement, Elle avait fini par les distraire. Elle aurait vraiment dû me réveiller, elle n'aurait pas eu à faire la baby-sitter. Enfin, apparemment, ça ne l'avait pas dérangée. Je finis par m'asseoir dans le canapé, alors qu'elle rapportait les cadeaux des enfants sur la table basse. Ils n'allaient pas pouvoir attendre plus longtemps, du moins pour Johanna. Je la laissai avec Ella, parce qu'elle pouvait se débrouiller toute seule et je gardais Leopold sur mes genoux, pour l'aider avec le papier cadeau. En même temps, j'allumai mon appareil photo pour ne rien oublier de ce Noël si particulier.
Evidemment, les enfants étaient ravis par leurs jouets et par ceux qu'Ella leur avait offert. Dès que tous leurs cadeaux eurent été ouverts - avec leurs papiers déchirés en mille morceaux - ils n'eurent plus aucune attention pour nous et commencèrent à jouer ensemble. Nous nous retrouvâmes alors toutes les deux, Ella et moi, et avec nos deux derniers cadeaux à ouvrir. Pour ma part, il s'agissait d'un livre sur la médecine, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction. Je l'avais trouvé original, de par son format et aussi de par ses couleurs. Pour un livre sur la médecine, il était plutôt bien décoré et aussi très coloré. Toutefois, j'espérais que ça plaise à Ella, ce dont je n'étais pas sûre. Il s'agissait de ses études, de son travail, mais ne voudrait-elle pas justement en sortir un peu ... ?

Finalement, quand Ella ouvrit le paquet, je sus instantanément que le livre lui plaisait. Son regard ne pouvait pas me tromper et j'étais contente de savoir que je n'avais pas été trop maladroite. Surtout qu'il fallait bien le dire... je n'y connaissais rien, en médecine. Alors le choix du bouquin avait été surtout esthétique. Elle me remercia et vint me prendre dans ses bras, avec un grand sourire, que je ne pus que lui rendre. J'avais tellement peur qu'elle me dise qu'elle l'avait déjà, ou bien qu'elle n'aimait pas ... pas de doute, là j'étais rassurée.
Elle me tendit alors son cadeau et je m'extasiais déjà devant le très joli emballage. Ma cousine avait du goût, c'était très agréable. Je l'ouvris, et je découvris alors un petit cadre en bois peint, très finement décoré. Il contenait une photo et je nous reconnaissais, étant enfants. Où avait-elle pu retrouver cette photo ? Elle devait dater d'il y a au moins quinze ans. J'étais déjà grande, mais elle était encore petite. Je me rappelais de ce moment, et c'était un véritable bonheur de l'avoir en photo. Je ne savais pas quoi lui dire et j'étais bouche bée devant le cadre, le bonheur m'envahissant avec douceur.  

- Ella, c'est magnifique ! Je... c'est vraiment.... merci !!

Je vins à mon tour le prendre dans mes bras. C'était définitivement un très bon Noël que l'on passait elle et moi. Il me manquait une seule chose pour que ce Noël soit parfait : ma famille au complet. Mais rien que la présence d'Ella était suffisante à mon entier bonheur.

- J'arrive pas à croire que tu aies retrouvé cette photo. Comment as-tu fait ?

Ella me raconta alors comment elle avait réussi à retrouver la photo qu’elle avait encadrée pour me l’offrir. Il s’agissait en fait d’un fait plus ancien que notre rencontre à Toronto. Elle l’avait retrouvée en faisant ses valises, juste avant de partir, et elle l’avait pris, en souvenir du bon vieux temps. J’aimais cet état d’esprit, j’étais contente de voir que je n’avais pas franchement quitté son esprit. Alors qu’elle aurait pu m’oublier, après tout, j’étais plus vieille qu’elle, j’étais partie alors qu’elle était encore petite, c’est vrai qu’elle aurait pu ne plus savoir qui j’étais. Mais elle s’en souvenait, et voilà où nous en étions. J’étais tellement heureuse de savoir que je comptais encore pour quelqu’un. En fait, je me disais que c’était cela, qui me manquait : du monde autour de moi, qui ne me parle pas comme à une gamine parce que j’ai perdu mon mari. J’avais besoin d’amis, de gens de confiance. J’espérais qu’Ella concrétise quelque chose, sentimentalement parlant.. ça me ferait du bien de savoir ça.
Je posai de nouveau les yeux sur la photographie. Tout ce temps où nous aurions pu nous voir, et finalement, nous nous retrouvions là, si loin de nos familles respectives. Comment en était-on arrivées là ? C’était triste, en y pensant. Nous ne parlions plus à nos parents, j’étais loin de mon premier fils, et elle n’avait jamais été chouchoutée. Il était temps que les choses changent. J’espérais réellement pouvoir ramener Franz ici, pour quelques jours. Il fallait que Tom dise oui, pour Ella. Il le fallait. Sinon, je ne savais pas ce que je ferais. Je ne pourrais probablement pas voir mon fils, et ça me détruirait. Rien que d’y penser, ça me faisait mal. Et ce n’était pas aujourd’hui que je devais me faire du mal, certainement pas ! Je tournai alors la tête vers les enfants, pour penser à autre chose et pour discuter d’autre chose également :

- Ils ont l’air content de leurs cadeaux, ils ont été bien gâtés cette année…

Puis, j’ajoutai tout bas, pour ne pas éveiller leur attention :

- Tu n’aurais pas dû leur prendre tout ça, c’est beaucoup trop …

Je savais néanmoins que rien de ce que je pourrais dire à Ella ne la ferait changer d'avis. Elle savait très bien que c'était trop, mais elle n'avait sûrement pas pu s'en empêcher. Elle ferait mieux de garder son argent. Pour l'instant, elle n'était encore qu'interne, il fallait qu'elle s'assure d'avoir un boulot par la suite, même si je n'en doutais pas une seule seconde. Elle était douée, du moins, je l'imaginais douée, alors elle n'aurait aucun mal à trouver un emploi, peut-être même dans l'hôpital où elle faisait son internat. Mais ça n'empêchait pas qu'elle n'aurait pas dû acheter tant pour eux. Ils étaient encore petits, ils n'étaient pas trop exigeants, il fallait garder ses idées pour les futures années.

- Ce n'est pas moi c'est le papa Noël, il a trouver qu'ils ont été très sage cette année. Il fallait bien les récompenser.

Je souris à mon tour, non sans lever les yeux au ciel en même temps. Ils avaient été sages parce qu'ils n'étaient pas en âge de faire des bêtises. Mais déjà, parfois, je voyais dans le regard de Johanna ou même de Leopold qu'ils avaient cet air espiègle et joueur que Matthew avait parfois. Ils n'allaient pas tarder à devenir aussi hyperactifs que lui, et là, ce serait un carnage dans cette maison. Je me disais de plus en plus que j'aurais besoin de quelqu'un pour m'aider avec eux... mais qui pourrait prendre la place de Matthew ? Personne. Ni dans mon cœur entier, ni dans le leur, même s'ils ne s'en rendaient pas encore compte...

- J'espère qu'ils vont le rester, sages.

Le plus longtemps possible serait le mieux, pour tout le monde. Je n'avais pas très envie qu'ils grandissent. Mais c'était la vie, je n'avais pas le choix. Un jour, même, ils quitteraient la maison et ils partiraient vivre leur vie, comme je l'avais fait avant eux. Ça me faisait tellement mal de me dire ça. Surtout, j'avais peur de devenir comme ma mère et de ne pas accepter leurs choix. Je ne voulais pas les perdre pour de bon, c'était proscrit. Mais ce n'était pas de la faute de ma mère, comme ce ne serait pas de ma faute, de vouloir protéger son enfant contre quelque chose que l'on ne comprend pas ou que l'on ne contrôle pas...
Je changeai rapidement de sujet, sans vouloir évoquer les choses qui fâchent avec ma cousine. Je regardai alors mon cadeau, qu'elle tenait dans ses mains, et je décidai de lui parler de ça, plutôt.

- J'ai espéré que tu n'avais pas ce bouquin, je n'avais pas envie de me tromper ! Tu connais le médecin qui l'a écrit ?

Visiblement, j'avais vraiment bien choisi. Les yeux d'Ella me certifiaient que c'était une bonne idée, que j'avais bien fait et que je ne m'étais pas trompée. Au moins, ça me rassurait. Mes deux cadeaux avaient été parfaits, et elle était heureuse ! Et du coup, je l'étais aussi. Je touchai du bout des doigts le collier qu'elle m'avait offert... une merveille !

- Pas personnellement, mais il est très réputé. J'admire beaucoup son travail, il a inventé quelques technique révolutionnaires. Je reverrai de le rencontré, même si je me sentirai trop impressionné pour lui parler.

J'imaginais sa tête, si elle le rencontrait un jour. J'aurais fait la même si j'avais rencontré Mozart. Bien que Mozart, de son temps, n'était pas vraiment apprécié. C'était l'un des compositeurs les plus appréciés... une fois qu'il eut été mort. Je me félicitais d'avoir été avec Matthew avant qu'il ne meurt. Pour moi, il était le meilleur depuis des lustres, depuis que je ne le connaissais. Au moins, ce n'était pas parce qu'il était décédé que j'avais décidé de m'intéresser de plus près à lui.

- Peut-être que tu le rencontreras un jour, qui sait ? Tu deviendras sûrement la meilleure chirurgienne pédiatrique de ton temps et tu rencontreras les plus grands !

Ella ne semblait pas convaincue, pour le fait qu'elle le rencontrerait peut-être un jour ou l'autre. Moi, j'osais espérer que si. J'avais pu rencontrer de grandes personnes en travaillant dur comme je l'avais toujours fait. Elle était aussi travailleuse que moi, alors elle réussirait elle aussi, à voir du monde, à réaliser ses rêves. J'en étais persuadée.

- Merci de m'avoir invité, j'ai adoré passer du temps avec toi et les petits. Je m'en rappellerai toute ma vie.

Elle en faisait trop, elle ne s'en rappellerait pas toute sa vie. En plus, il y aurait d'autres Noëls, que nous ferions toutes les deux, avec les enfants, avec ses enfants, à elle aussi. Ce serait avec un grand plaisir, et de toutes façons, elle n'aurait pas le choix ! J'allais la forcer. Elle allait revenir ici au moins une fois toutes les deux semaines de toutes façons, en fonction de son emploi du temps. Je voulais que l'on passe du temps ensemble toutes les deux.

Finalement, la journée passa très - trop - vite. Et il fut bientôt l'heure pour Ella de quitter la maison pour aller à l'hôpital et prendre son tour de garde. Nous nous enlaçâmes longuement, après qu'elle ait câliné les enfants, et je la relâchai à contrecœur.

- Merci encore Abigail, c'était parfait !

Je souris, avant d'hocher la tête. Oui, ça avait été parfait, puisqu'elle était là. J'étais tellement heureuse d'avoir pu fêter Noël avec quelqu'un que j'aimais. J'aurais eu mes enfants, certes, mais Ella, c'était autre chose, c'était ma cousine, c'était une adulte... ça faisait plaisir !

- Merci à toi d'être venue, Ella. Si tu savais comme ça m'a fait plaisir ! A très vite !

Enfin, elle quitta le duplex, et je me retrouvais seule avec les enfants. Néanmoins, je savais que nous venions d'accomplir quelque chose de grand, quelque chose de fort, et que ce n'était pas la dernière fois que ça arriverait. Au contraire...