Je voyais le regard de ma cousine se perdre au loin. Elle devait penser à tout mon monde, si médiatisé et si irrespectueux de la vie privée de chacun. Je faisais de mon mieux pour protéger la mienne et celle des enfants, mais malheureusement, je ne pouvais pas être partout à la fois, et il y avait toujours des photos qui paraissaient, et qui me montraient une vision de moi quelque peu déplacée ou qui comméraient sur mon statut de veuve. Je faisais avec, j'avais toujours fait avec. Avant, c'était Matthew qui s'énervait à chaque fois qu'il voyait un paparazzo. Avant, je m'en fichais un peu. Mais avant, nous étions deux pour faire attention à notre famille. Maintenant, j'étais seule, et je comprenais à quel point c'était difficile de faire attention à tout à la fois.

- Tu as trouvé une nounou pour tes petits ? Je suppose que tu ne les emmène pas avec toi à fac ?!


Je ne pus m'empêcher de rire un peu. Heureusement que je ne les emmenais pas à la fac. Tout le monde jaserait sinon, et je n'en aurais pas fini. Je n'avais pas envie que l'on voit mes enfants, et surtout pas des étudiants remplis de questions, de pourquoi, de comment... et qui avaient si facilement accès aux réseaux sociaux. Tout le monde savait déjà que j'étais professeur à l'université de Toronto. Ca n'était pas resté secret une journée entière. Je faisais avec. Mais il était hors de question que j'emmène mes enfants là-bas. S'ils étaient malades, je restais à la maison, et si Jonathan n'était pas disponible ou malade, je restais également à la maison, c'était hors de question qu'ils bougent, sauf pour aller à la crèche.

- Oui, j'ai trouvé en postant une annonce. C'est un étudiant très sympa, qui est aussi dans mes cours, tu parles d'une coïncidence ! Il est très sérieux et doué avec les enfants, je l'aime beaucoup.

Ella semblait surprise que j'ai choisi de prendre un homme pour garder mes enfants. Il était vrai que ce n'était pas très commun. D'habitude c'était toujours les femmes qui s'occupaient des enfants. Mais il était étudiant, il avait besoin d'argent, et je le comprenais parfaitement, donc je l'avais engagé. Peu importe que ce soit un homme ou non, je m'en fichais, du moment qu'il faisait bien son travail. Et c'était le cas !

- En tout cas, si tu as un soucis, je peux te dépanner, ma supérieure n'est pas trop embêtante.

Je souris, réellement touchée par la volonté de ma cousine de se montrer à l'écoute et prête à m'aider. J'étais très contente de la retrouver, vraiment. De longues soirées entre filles allaient s'imposer, quand son emploi du temps le permettrait et quand elle serait un peu plus libre !

- Et il est comment ce baby-sister ? A part d'être sérieux et doué avec les enfants ? Agréable à regarder j'espère ! Autant que ça soit encore plus agréable quand tu rentres chez toi ?!

Je baissai un peu les yeux. Je n'aimais pas spécialement parler de garçons ces derniers temps, et ce n'était pas à cause de Matthew. Enfin si, mais ce n'était pas vraiment lui la principale raison. Nous étions bientôt à la date fatidique, celle de son anniversaire. Et celle de sa mort également. Et ce n'était pas vraiment le moment que je préférais dans l'année. Ce serait la première fois que je passerais cette date et ce mois sans lui, c'était la première fois que je subirais cet anniversaire et je n'étais pas sûre de pouvoir vraiment y faire face comme je le devrais.

- Il est ... pas mal ! Pas mal du tout même. Mais il est trop jeune, il doit bien avoir dix ans de moins que moi ! Et puis je ne me sens pas encore prête...

Je ne pouvais m'empêcher de penser à Matthew, et à tout ce qu'il m'avait dit. Il m'avait demandé de trouver quelqu'un qui puisse m'aimer comme lui le faisait, et même si je sentais que ce serait un jour possible de retrouver quelqu'un, je n'étais pas sûre toutefois de pouvoir être aussi épanouie que je ne l'étais avant.

- Si il fait du bon travail qu'il soit mignon c'est bien plus agréable ! Plus jeune ou non... tant que les yeux profite !  

Ella avait raison, bien évidemment, il fallait que je profite. Mais je n'avais pas envie d'y aller trop vite et de me tromper. Je l'avais déjà fait une fois, je m'étais bien trompée, en effet, et ça avait été assez douloureux. C'était également pour cette raison que j'avais décidé de ne pas rester à New-York et de partir à Toronto. Enfin, c'était du passé maintenant. Et peut-être qu'ici, je pourrais trouver quelqu'un de vraiment bien.

- Et toi ? Il doit bien y avoir un bel infirmier qui t'a fait craquer ? Ou un médecin ? Tu as quelqu'un en ce moment !

Ella se mit à rire en entendant mes questions. Je ne comprenais pas vraiment, parce qu'il ne devait pas y avoir que des types moches dans un hôpital. Quand j'étais hospitalisée pour mes deux derniers accouchements, j'avais eu affaire à beaucoup de femmes, certes, mais les garçons que j'avais pu voir et rencontrer étaient adorables et vraiment mignons ! C'était peut-être parce qu'ils étaient dans l'étage maternité...

- Non, et pour le moment je m'en préoccupe pas vraiment de ça, je préfère rester concentrer sur mon travail. Je dois comme même réviser beaucoup, et les gardes s'enchainent mais comme j'aime ça, et ça me donne pas beaucoup de temps pour penser à un garçon... Ca viendra quand ça viendra. Mais c'est vrai qu'il y a bien un ou deux médecins de sexy !

Je la vis réfléchir quelques secondes. Il devait y avoir quelqu'un qui l'intéressait, mais je ne la taquinais pas plus que ça, ce n'était pas le moment. Nous aurions le temps d'en reparler plus tard. Je terminai mon chocolat à mon tour et regardai mes enfants avec tendresse. Je n'imaginais même pas leur adolescence, sans leur père. Je jouais à quitte ou double avec ça. Soit ils seraient adorables mais fragiles, soit ils seraient ignobles et n'en feraient qu'à leur tête. Il faudrait sûrement que je trouve quelqu'un pour les élever. Mais qui ? C'était triste à dire, mais il fallait que ce soit quelqu'un de mon rang, de ma tranche de société. Or, si le monde musical me connaissait bien, c'était plus parce que j'étais mariée à Matthew, plutôt qu'une autre raison. Alors dans ce cas, personne ne voudrait se retrouver avec la veuve Polloni. Et je ne pouvais pas me permettre de rendre la vie atrocement compliquée pour quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'avait jamais eu affaire aux journalistes et autres paparazzis. Je sentais que le choix serait difficile.
Néanmoins, ce n'était pas la question pour le moment.

- J'étais venue chercher des vêtements pour Johanna, tu veux qu'on fasse quelques magasins ensemble ?

La perspective que l'on continue de faire les magasins ensemble parut ravir ma cousine et je souris alors à mon tour, vraiment contente d'avoir décidé de bouger jusqu'au centre commercial aujourd'hui.

- Avec plaisir, j'adore faire les magasins, mais toute seule c'est loin d'être marrant.

Avant que nous ne partions, elle se pencha vers Johanna pour la taquiner un peu. Je regardais ce spectacle avec bonne humeur. Jo semblait vraiment timide avec Ella. Pourtant, avec Jonathan, elle se lâchait. A croire qu'il lui fallait un temps d'adaptation. De toutes façons, maintenant, elle serait amenée à revoir Ella.

- Je vais pas te manger, tu sais, j'adore les enfants, alors n'ai pas peur de moi petite princesse...

Je souriais en les regardant toutes les deux, tandis que Leopold semblait ravi, lui aussi. Ella regardait ma fille avec attention, j'étais sûre qu'elle s'était arrêtée sur ses yeux. Tout le monde faisait ça. Johanna avait la chance d'avoir hérité des yeux de son père.

- Elle ne sera plus timide très vite. On ne dirait pas comme ça, mais elle adore parler et faire son intéressante !

Johanna se cacha encore plus quand Ella lui annonça qu'elle avait hâte de l'entendre parler, et l'appela petite princesse. Leo quant à lui, se mit à rire en voyant sa soeur si gênée. Ella s'occupa alors de mon fils à son tour.
Puis, je payai les deux chocolats en insistant un peu pour payer également celui d'Ella. C'était la moindre des choses et je pouvais me le permettre. Nous partîmes ensuite à la recherche des derniers magasins que je n'avais pas encore visité pour trouver des fringues à ma petite fille. Avec la présence d'Ella ça irait plus vite et en plus, j'aurais un deuxième avis pour le choix.
Elle trouva rapidement une robe pour Johanna et un ensemble très joli pour Leopold et s'assura auprès de moi que ça me plaisait aussi. Mais après tout, ce n'était pas moi qui allais porter ces vêtements, c'était aux intéressés de dire ce qu'ils en pensaient. Leo ne serait sûrement pas capable de le faire mais Johanna pourrait dire ce qu'elle en pensait.

- La robe te plait mon coeur ? Tu as envie de l'avoir ?

Johanna regarda la robe, puis me regarda et je vis de suite dans son regard qu'elle la voulait. Je ne pus m'empêcher de rire quand elle hocha frénétiquement la tête pour dire oui. Je regardai ensuite Ella et lui fis un clin d'oeil.

- Je pense qu'elle l'aime bien et qu'elle voudra la porter ! Qu'en penses-tu ?

En fait, Ella et moi devions en profiter. Tant que Johanna n'osait pas encore ouvrir la bouche, nous étions tranquilles, mais dès qu'elle allait avoir quelque chose à dire elle n'allait pas hésiter, et elle n'allait pas arrêter une seule seconde.

- Je crois aussi, toutes les petites filles voudraient porter une robe aussi belle, et pas que les petites...

Je la regardai avec un grand sourire. Elle avait tellement raison quand elle disait ça. Toutes petites, nous avions rêvé de grandes robes belles, tout en soie ou en satin, et nous n'avions rien eu de tout cela. J'avais porté de jolies robes pour des concerts ou des soirées, mais ce n'était pas le même rêve qu'avant. J'avais mon prince charmant aussi, mais comme les contes de fées n'existent pas, je l'avais perdu. Et plus jamais je ne me sentirais aussi belle dans les robes que je portais auparavant.

- Elle sera ravissante dans cette robe ! Tu l'as très bien choisie ! Et l'ensemble pour Leopold aussi, merci !

Ella semblait un peu mal à l'aise, même si elle gardait son sourire. Je savais qu'elle devait penser qu'elle me devait quelque chose, ou qu'elle devait quelque chose aux enfants. Ce n'était pas du tout vrai. Elle était leur cousine, c'était tout. Et c'était la première fois qu'elle les voyait. Mais il y aurait d'autres fois, c'était évident, maintenant que nous habitions dans la même ville.

- C'est normal, je ne leur ai rien fait pour leur naissance, et puis, j'ai tellement craqué sur ces vêtements, que je ne pouvais pas faire autrement. J'aime voir les personnes sourire, et parfois il ne faut pas grand chose...

Je souris, pour lui prouver qu'en effet, il ne fallait pas grand chose. Et puis.. je pensais à Franz, resté à New-York avec son père. Je m'en voulais d'être partie, de l'avoir laissé là-bas, mais nous étions arrivés à cette décision-là, Tom et moi. Il allait rester à New-York avec notre fils. C'était le seul qui était au courant avant les autres que j'allais partir. Et encore, il ne savait pas où. J'avais tout fait en catimini. J'étais sûre qu'à l'heure qu'il était, Franz me détestait. Je lui avais dit, avant de partir, que j'allais très vite le revoir, qu'il ne devait pas s'inquiéter. Mais quel genre de mère partait en laissant son enfant derrière elle ? Et ce n'était pas le seul ... Andrew, Mary, Eva-Lily, les enfants de Matthew. Ils m'adoraient, et je les avais laissés à New-York, avec leur mère, alors que j'avais promis à leur père que jamais je ne les abandonnerai... Mais tout cela était au dessus de mes forces. C'étaient des promesses que je ne pouvais pas tenir.

- C'est ma manière à moi de me faire accepter dans leur vie même si on ne peux acheter l'affection, mais j'espère bien te revoir toi et les petits bien plus souvent maintenant qu'on a réussi à se retrouver !

Je revins dans la conversation quand Ella termina de parler. J'étais beaucoup moins encline à sourire, mais je me forçai à le faire, soucieuse de ne rien montrer. Il ne fallait pas qu'elle se mêle de mes affaires new-yorkaises, même si elle était ma cousine et que je pouvais tout lui dire. Je savais que ce n'était pas son genre, mais je n'avais réellement pas envie de revoir qui que ce soit de New-York. Et même Franz... je ne pouvais pas le faire venir ici. Il allait tout raconter à son père, ou aux autres. Même si je savais que les autres, que ce soit Dom ou Jenny, savaient parfaitement où j'étais, grâce à ces stupides paparazzis.

- Je te remercie, vraiment. Et évidemment qu'on va se revoir, on se reverra le plus souvent possible, ma belle ! Toutes les semaines, si tu veux !

Leopold jouait avec le sac d'Ella, et je devais avouer que j'étais contente qu'il se calme un peu. Il avait beau être tout jeune, il n'en était pas moins très vif, et surtout aussi hyperactif que son père. Au moins je ne pouvais pas douter de son lien de parenté avec Matthew.

- Parfait alors, ça me ravie qu'on se soit retrouvé, et qu'on puisse se voir le plus souvent possible, on va pouvoir rattraper un peu le temps perdu...

Je hochai la tête en souriant. J'étais exactement du même avis. Il était temps que l'on se connaisse enfin réellement, même si elle devait en savoir plus sur moi que je n'en savais sur elle, merci les magazines. Enfin, si elle ne les lisait pas, tout allait bien. Nous allions apprendre à nous connaître et nous deviendrions de vraies cousines, qui se connaissent et qui s'adorent. Comme je n'avais pas de frère ni de soeur, j'avais toujours voulu ce lien avec quelqu'un. Et une cousine me suffisait amplement.

- Au moins, on ne pourra pas dire qu'on est pas proches ! On va le devenir ! Et mes enfants auront quelqu'un d'autre de leur famille ici, à Toronto. Ils seront contents !

Ella semblait réellement très heureuse de cette rencontre si fortuite et moi je ne pouvais pas m'empêcher de me dire que j'avais de la chance, mine de rien. C'était très agréable de me dire que j'allais pouvoir compter sur quelqu'un de ma famille. Après la mort de mon père, je n'avais plus eu que ma mère et ma vie new-yorkaise, mais maintenant que j'avais quitté New-York et que ma mère avait décidé de ne plus me parler, ça me faisait énormément de bien de savoir que j'aurais toujours quelqu'un ici.

- Pas que je ne veux pas rester plus de temps avec toi, mais je dois rentrer réviser un peu.

Je souris en hochant la tête. Bien sûr qu'elle devait aller réviser et travailler, je m'en voudrais de lui prendre plus de temps que nécessaire et surtout, je ne voulais pas qu'elle loupe quoi que ce soit, au niveau où elle en était, ce serait bien dommage. Elle était destinée à devenir un bon médecin, elle ne devait rien négliger. C'était en travaillant tous les jours que j'étais devenue la meilleure violoniste de ma promo, celle que Matthew avait choisi d'employer.

- Ne t'en fais pas, je comprends tout à fait. Va réviser, on se voit plus tard !